samedi 19 décembre 2015

Le Kurde n'a que le vent 2


Chez lui, c’est propre comme un sou neuf
C’est oublié comme la tente du chef d’une tribu
Ayant essaimé comme des plumes. Il y a un tapis de laine
Frisée. Un dictionnaire vermoulu. Des ouvrages reliés
En hâte. Des coussins comme brodés avec l’aiguille
Du garçon de café. Des couteaux affûtés pour égorger
Oiseaux et sangliers. Une vidéo X.
Des bouquets de houx correspondant à la rhétorique.
Une fenêtre ouverte sur la métaphore. Ici,
Turcs et Grecs s’insultent les uns  
Les autres. Tel est mon passe-temps, celui des
Soldats veillant sur les frontières de l’humour
Noir.
Ce voyageur ne voyage pas n’importe comment
Pour lui le Nord est le Sud, l’Est est l’Ouest
Pour le mirage. Les vents n’ont pas de valises
La poussière n’a pas de fonction. C’est comme si cachant
Sa nostalgie pour quelqu’un d’autre, il ne chantait pas.
Il ne chante pas quand son ombre pénètre les acacias

Où lorsqu’une bruine mouille ses cheveux…

mardi 15 décembre 2015

Le Kurde n'a que le vent 1 Mahmoud Darwich

Le kurde n’a que le vent
A Sélim Baraket
Quand je lui rends visite, le Kurde se rappelle son lendemain
Et l'époussette avec son plumeau : « va-t-en
Les montagnes sont encore les montagnes ». Il prend de la vodka
Afin que son imagination demeure neutre : « moi
Qui voyage dans mes métaphores, moi pour qui les brochets terribles
Sont des frères sots. »  Et il secoue les ombres de son identité : « Mon identité, c’est ma langue. Moi, moi,
Je suis ma langue. Je suis l’exil dans ma langue.  
Mon cœur est la braise du Kurde sur ses montagnes bleues…
Nicosie est une marge pour son poème
Comme toute autre ville. Sur son vélo,
Il a pris les orientations et il a dit « J’habiterai là où
me conduit la dernière orientation. C’est ainsi qu’il choisit le vide et qu’il s’endormit.
Il n’a rêvé de rien depuis que les djinns ont habité ses mots
(Ses mots sont ses muscles, ses muscles sont  pour son  violon)
Car les rêveurs idolâtrent le passé ou alors
Ils soudoient le portier des lendemains dorés
Je n’ai ni lendemain ni veille. L’instant présent

Est ma place blanche.   
(Traduction Jalel El Gharbi)