À l'origine, l'une de ces histoires d'amour qui se résorbent en cheminement, en questionnement et en incursion dans les sites du silence. L'on sait que épris, Qais se mit à cheminer. Peut-être souhaitait-il que la distance qui le séparait de Leyla demeurât. Qais savait que l'assouvissement pouvait mettre en péril l'absolu de sa passion. C'est sans doute pourquoi il se mit en chemin, comme tous les poètes udhrites. L'amour le fait marcher, errer. Son errance le mène vers ce no man's land du silence qu'est le désert. Il approche le silence, prélude à sa mort. Des chroniqueurs racontent l'avoir vu noter sur le sable des signes que personne ne sut déchiffrer. Cela, je le glose ainsi: Qais a atteint l'intraduisible, cela qui ne passe dans aucune autre langue même pas dans la langue maternelle. Les lecteurs francophones connaissent Qais, le Medjnoun, grâce à Louis Aragon(1), "le Medjnoun d'Elsa" et grâce à la traduction que fit André Miquel, le seul poète français d'expression arabe, des poèmes de Qais(2). Luxembourg. Un poète lit ce recueil, fait de sa lecture une réécriture. Il s'approprie les chants de Qais. S'y lit. Y lit sa lecture du monde, du poème et de l'altérité. Leyla apparaît comme le prête-nom de cela que le poète cherche. Cela qui n'a pas de nom. Leyla prête son nom à ce qui n'en a pas, à la polysémie de l'être et de ses aspirations. Molitor m'a confié que ce poète répondait à ses interrogations, surtout parce qu'il n'apportait pas de réponse autre que la quête, que le cheminement.
Ci-contre le poète Félix Molitor (Luxembourg)
À relire Félix Molitor, on comprend que Qais répondait aussi à son affiliation au solaire: "On veut savoir qui c'est, où elle vit. / Et moi : 'Elle est au ciel! C'est le soleil'". Le soleil est à lire ici comme archétype de l'inatteignable, de cela qui est promis à être hors de portée. Comme Qais, Molitor abhorre les frontières. Sa poésie aime se tenir à l'orée de diverses cultures et c'est ce que cet ouvrage réalise par l'apport que lui donne Rüdiger Fischer dans sa traduction dans la langue de Goethe. Quant à la traduction en arabe, elle s'est voulue tentative de restituer le texte à son contexte linguistique après qu'il a fait un détour par l'Europe. C'est le même revenant sous d'autres traits.
Félix Molitor : Leyla ou le poème au-delà, illustrations Béatrice Garcia ; français, arabe, allemand; traduction en arabe : Jalel El Gharbi; traduction en allemand : Rüdiger Fischer;
1 Louis Aragon : Le Fou d'Elsa; Gallimard, 1983.2
André Miquel : L'Amour poème; Sindbad/Actes Sud, 1998
4 commentaires:
Merci cher Jalel pour votre visite et votre commentaire élogieux ; n'hésitez pas à visiter mes pages, je vous tiendrai informé de mes publications (s'il y en a : les éditeurs sont devenus très frileux de nos jours, et mes manuscrits ne "passent" pas !). Je reviendrai moi aussi souvent vous visiter, car j'apprends beaucoup sur votre blog (dont j'aimerais qu'il contînt plus de textes des auteurs cités !)
Chaleureusement vôtre
Un homme allait chaque jour dans la forêt et, au soir, racontait :
- J'ai vu à la source, une ondine aux yeux verts et à la chevelure d'or.
Rêve prémonitoire ?
Tous rêvaient par lui, heureux de l'entendre.
Un jour, il revint et dit :
- Je n'ai rien vu.
Il avait vu l'indicible.
- Réellement vrai -dit-on, là-bas, en Haïti.
Avec mes amitiés Christiane (Parrat)
Bonsoir si Jalel
Un petit texte sur Leila, juste pour souligner une coincidence :
http://haikuteur.blogspot.com/2008/08/le-dfaut-de-leila.html
Amitiés
Le Haïkuteur - Salem Labbène
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