dimanche 28 février 2010

Il vecchio maestro sufi in Mondo Raro



Emanuela Frate collabore au journal italien paraissant à Londres Mondo raro Magazinze http://www.mondoraro.org/ où elle évoque souvent la culture tunisienne. J’ai eu le plaisir de codiriger son mémoire de maîtrise brillamment soutenu à l’Universita’ degli Studi di Parma. Il y a quelques semaines Emanuela Frate publiait ce texte dans Mondo Raro :
Il fascino del Sufismo nelle poesie di Jalel el Gharbi


Tra breve uscirà la seconda raccolta di poesie di Jalel El Gharbi. In questo libro di poesie sono numerosi i riferimenti espliciti ai grandi maestri del Sufismo, Roumi in testa, che hanno fortemente influenzato il suo pensiero e la sua poetica.


di Emanuela Frate
Sta per uscire, l’ultima fatica letteraria del poeta e professore tunisino Jalel El Gharbi. Il libro, la sua seconda raccolta di poesie, ha un titolo alquanto suggestivo: “Prière du vieux maitre soufi le lendemain de la fete” edizione du Cygne. Il Sufismo, la mistica islamica, ha sempre avuto un forte ascendente nella formazione del poeta tunisino. La mistica più esoterica della religione islamica non è una corrente di pensiero, un movimento religioso, ma è un sentimento, uno stato d’animo, un modo tutto personale di avvicinarsi a Dio. Proprio per questa maniera del tutto personale di avvicinarsi al Divino, il Sufismo ed i suoi seguaci furono per secoli osteggiati dalla vera ortodossia e considerati un movimento eretico. Il Sufismo è la via che conduce dall’individuale all’Universale, dal singolo all’Assoluto. E’ la continua ricerca di Dio da parte dell’individuo.
Essa non segue delle regole precise ma è il modo in cui l’uomo, nella sua infinita piccolezza ricerca l’Assoluto. Per far ciò egli arriva ad annullarsi, a dimenticare sé stesso per completarsi nell’altro che è sinonimo di Dio. Forse non c’è nessun altra corrente religiosa che ponga in una così alta considerazione l’alterità. I mistici sufi prendono in considerazione tutto ciò che li circonda dimenticandosi di sé stessi. Questa brama di Assoluto, questo anelare a Dio tramite la devozione, l’ascetismo, l’astinenza, l’amore incondizionato fino ad un progressivo annullamento di sé stessi viene denominato “Tariquat”. Ed è proprio questo aspetto che Jalel El Gharbi ama del Sufismo: il continuo tendere verso che è un po’ come l’esistenza dei poeti, erranti per antonomasia, continuamente alla ricerca della Verità e dell’Essenza delle cose. Il Sufismo per il poeta El Gharbi non è il folklore della musica o della danza dei dervisci che oggi affascinano i turisti, ma è il continuo interrogarsi sull’essenza delle cose.Le poesie, inserite nella raccolta, ruotano attorno a due personaggi fittizi: il vecchio maestro sufi appunto, figlio di un altro personaggio chiamato Grammarien. Il vecchio maestro sufi è un uomo in perenne ricerca, si interroga sulla vita, sull’Amore, e le manifestazioni divine. E’ combattuto tra le diverse forme di amore e l’Amore, tra le diverse vie e la Via. Riesce ad avvicinarsi alla Verità senza mai conoscerla. Discute di tutto ciò con Grammarien. Entrambi sognano la stessa utopia del poeta: l’orcidente (unione tra oriente e occidente). Due concetti non soltanto geografici ma metaforici che dovrebbero far parte di un unicum e che purtroppo, il manicheismo imperante nelle società moderne, porta a distinguere in maniera così netta e contrastante.

jeudi 25 février 2010

La Passante de l'Occirient



















Photo : Line Delpierre. Rome, 1995

La passante de l’Occirient
Giulio-Enrico Pisani vient de publier cet article dans Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek :



Dans Son premier poème, « Prière du vieux maître soufi le lendemain de la fête » (1), qui donne son titre au recueil, Jalel El Gharbi chante une véritable ode à l’amour, à son impuissance à s’en défendre, à son plaisir de le suivre, à sa joie d’y succomber, à son bonheur de s’y abandonner. Mais en même temps il prie pour en être délivré, pour se voir libéré de ses tourments, de ses passions et ses souffrances. Chant que l’on imagine vibrer au son d’un oud, ce long faux ( ?) mensonge, où le « Faites que je ne rencontre plus l’amour » et le « Faites que je désire sans espoir et sans amour » précèdent nécessairement le « Dieu faites que la prière de mon amour ne soit pas exaucée ».
Suit la trouble tentation du miroir et ensuite, en toute intimité, un journal de la seconde chance, où l’amour semble triompher. Et voilà sa première passante, ce lumineux objet du désir, qui accompagnera le vieux Soufi tout au long de sa quête. Cependant, l’amour est au moins aussi exigeant que dieu et « Avant d’entrer dans l’amour... » le vieux Soufi reconnaît notamment : « Je me suis défait de ma veste, de ma chemise / De la poussière du chemin (...) Des rêves inassouvis,/ De la faim sur le chemin du banni (...) Des blessures invisibles / De ma sueur, de mon sang / De mes dents, de mes griffes… »
Mais tout cet allègement n’est-il pas aussi propice au voyage ? L’amour est-il le voyage, ou en est-il la négation ? Après s’être libéré, sans l’avoir renié, du mysticisme oriental, qui ne trouve nul écho à Hollerich, seul un sourire, voilà le vieux Soufi qui traverse les Pyrénées, ignore les derniers « rappels à l’ordre » et part entre comparaison et métaphore sur les chemins de cet occident que son orient lui rend proche. Orcident – Occirient. Car ce livre est bien désir d’ailleurs et d’amour, quête, voyage, découverte, expédition à la fois géographique et intérieure ; espérance de l’avenir et regret du non advenu, démarche de vie et préparation au grand départ ; j’allais dire évasion, mais non, car on n’échappe pas à soi même. Et ce seront les sculptures du Bernin, le ciel de Vermeer, Giverny via Le Tasse et Velázquez en passant par Damas, Le Caire, le Mont Liban, l’ombre de Maari… « Et par la blancheur des nuits amoureuses / Sait-on d’où il vient / Où l’on va / Dans l’infini des pages ».
Et de nouveau, un peu plus loin « Il y avait la passante / Si sombre en sa beauté / Rachid al-Hallaaq Abû Shâdi,/ Le dernier conteur de Damas / Ne pouvait pas savoir que la passante avait pris mon âme ». On est bien loin de la cruelle légèreté française de la célèbre passante de Baudelaire. Les vers de Jalel nous découvrent une autre cruauté, celle du multimillénaire fatum méditerranéen. En fait, c’est encore un peu plus compliqué que ça, et il est impensable, amis lecteurs, qu’un profane comme moi vous introduise en quelques lignes dans le raffinement et la complexité de la métaphorique d’El Gharbi. Aussi vais-je me contenter de vous la présenter au premier degré, cette longue élégie longtemps retenue et qui navigue désormais souveraine et parfaitement à l’aise entre les houles martelées d’Aboul Ala Al-Maari (2), et les vastités tempétueuses des Mille et une nuits dans le vent de questionnements plus actuels que jamais.
Le fait est, que les « dits » du vieux soufi, se lisent déjà parfaitement sans aller cher-cher midi à quatorze heures. Certes, de ce recueil, l’initié fera son miel, mais le lecteur « vous et moi », l’uomo qua-lunque, y trouve pleinement son compte. L’Amour, le renoncement, le désir et... l’amour ? Le lointain, le déchi-rement, une halte à Luxembourg, avenue Marie Adélaïde et écrire, une fois de plus, à (ou dans) « La Passante », i.m. José Ensch, que « ... Deux larmes ont suffi / Pour que j’écrive ce poème où je veux dire : J’aurai tant aimé / Cueillir un myosotis / Si près des mots que tu aimais / « Tutti quanti » par exemple / Et tutti quanti ». Bonjour tristes-se... Dès lors, la roche Tarpéienne migre à Carthage, le ciel s’obscurcit et le paysage se teint en Velickovic : « Au loin / Continuels corbeaux criards / Près de la montagne de mon chagrin ».
Puis la vie reprend ses droits, le Liri ne songe plus à être Styx, le voyage se féminise et le poète ayant renoncé à renverser les murs en soufflant sur son « lur », il ne lui reste que l’esperluette pour atteindre l’oasis et écrire : « Je me souviens de la mer venant du nord / Aux reflets de perle comme / La fille de Vermeer » à Delft, sur un pan de mur jaune. Ah, les jeunes filles en fleur ! Ah, les femmes ! « Elles rusent par leur parenté avec la pomme, la distance, le lever du jour, l’extase, les fraises, la stance, les roses (...) l’éclaircie, la beauté. “Grande est leur manigance” ». Mais fi la sagesse, fi les réserves, on finit par mordre à son tour dans la pomme, carpe diem ! « Le temps passe aussi vite qu’un soupir / Voici les jeunes filles de Sousse (...) Comment les étreindre toutes / Elles qui font une seule image veloutée... ».
Là-dessus, le poète se tourne vers les fenêtres, en fait sept fois la même fenêtre, la scrute, désire qu’elle s’ouvre « Sous un ciel Renoir », puis renonce, faute de signe, bien considéré et ayant mis « Toute une vie pour comprendre / Que tout finit au grenier ». C’est qu’il y a du désabusement chez Jalel El Gharbi. Trop de portes ne s’ouvrent pas, malgré la lumière qui brille là haut derrière les rideaux à moitié tirés. Le vieux soufi est amer. L’Orcident semble avoir attrapé du plomb dans l’aile. Mais le grammairien (la figure du père) veille, et c’est reparti dans « Stances du désir et de la piété », dans « Plus loin » et dans le « Le scribe » pour de nouveaux voyages, périples, désirs, doutes, incomplétudes et explorations. Et l’aventure de reprendre là même où encore il y a peu le poète pensait que tous les ports, les aéroports et les routes « Qui se trouvent au Nord du monde / Donneraient gros pour ne plus nous voir... ». Bref repos – intériorisation plutôt – entre lecture et nature morte, et le poète retrouve sans ressentiment la « Fleur d’Orient ouvrant ses volets en Occident ».
Mais la quête du poète est bien plus difficile que celle de Jason. Le terrain a beau s’affermir, ses poèmes mieux s’accomplir, les quatre lampes éclairer son cheminement. Les croisées ne feront que s’entrebâiller et « À la fin des temps / Il sera aussi neuf qu’un livre / Que personne n’aura jamais ouvert / Comme un verrou fermé ». C’est l’histoire sans fin. Songe-t-il, à l’instar de Mahmoud Darwich dans « Rien que la lumière » (3), à nous confier in petto : « Et je n’ai arrêté mon cheval / Que pour cueillir une rose rouge dans / Le jardin d’une Cananéenne / qui a séduit mon cheval // Et je m’en suis allé chercher mon espace / Plus haut et plus loin / Encore plus haut, encore plus loin / Que mon temps… », ou à nous avouer à la fin « Et j’ai caché cet autre vers de Hölderlin : Et aux amants une autre vie est accordée ». Da capo, amis lecteurs ; une seule lecture vous apportera un plaisir certain, mais superficiel et éphémère. Da capo !
**
Né en 1958 en Tunisie où il a fait ses études, Jalel El Gharbi est poète, universitaire et traducteur. Il oeuvre pour une utopie qu’il nomme Orcident ou Occirient, enseigne à la faculté des lettres de l’université de la Manouba (Grand Tunis) la littérature française et la traduction et est engagé dans le dialogue des cultures. Plus proche du Luxembourg et de son monde culturel qu’aucun tunisien avant lui, il a publié bien de livres et autres travaux sur les poètes Michel Deguy, Charles Baudelaire, Jules Supervielle, José Ensch, ainsi que, avec Marion Colas-Blaise, une « Incursion tunisienne dans les lettres luxembourgeoises ». Il a aussi coécrit avec Afaf Zourgani, Anita Ahunon, Laurent Mignon et moi-même « Nous sommes tous des Migrants » (4) et a écrit de nombreuses critiques littéraires notamment dans La Presse (Tunis), d’Lëtzebuerger Land, Babelmed, Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek etc.
1) Prière du vieux maître soufi le lendemain de la fête, 100 p., 12,- EUR. Editions du Cygne, Paris, 2010, commande en ligne sur www.editionsducygne.com/ + frais d’expédition, ou chez votre libraire. Info. editionsducygne@club-internet.fr
2) grand poète arabe de 973 – 1057, époque, où face à l’obscurantisme chrétien, s’épanouissait une grande liberté de pensée et d’expression chez les Arabes. O tempora o mores ! Aujourd’hui les vers de Maari lui vaudraient bien de fatwas.
3) traduit par Jalel El Gharbi.
4) Éditions Schortgen, Esch s/Alzette, 2009.
Giulio-Enrico Pisani

mercredi 24 février 2010

Ce qu'en pense Christiane Parrat



Il est rare qu'un poète possède si parfaitement deux langues éloignées. Ici, pas de fracture périlleuse de la traduction. Ces poèmes diffusent leur langue harmonieuse et claire. Thrène déchirant, voix singulière posant les interrogations qui se posent à l'homme dans une langue musicale et chatoyante. Le voyageur inscrit son chant dans la longue caravane de la poésie arabe traversant les omeyades de Damas, les califats de Bagdad, les royaumes andalous. marchant à l'amble des princes bédouins. Voyage amoureux aussi et déploration des hautes solitudes du désir.. Chaîne des écritures... Ronsard, Valéry,Verlaine, Al-Ma'arri, Ibn ar-Rûmî, Baudelaire et Deguy. Le vers français répond à l'hémistiche arabe. Mais il y a là langue originale, souffle obscur, musique rare. "Le moyen de chasser les tristesses" comme l'écrivait Al-kindi au IXe siècle... La Vàc, c'est-à-dire la Voix et la Parole. Voix articulée et signifiante, celle qui porte les dieux, celle qui pénètre le ciel et la terre, ici, choisit son passeur : Jalel El Gharbi, l'inspiré et son chant s'ajuste au chant des hommes rapprochant, fécondant. Ce livre "Prière du vieux maître soufi le lendemain de la fête" est un vrai bonheur

Jalel El Gharbi : Prière du vieux maître soufi le lendemain de la fête.
Editions du Cygne
http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-priere-vieux-maitre.html

lundi 22 février 2010

Vient de paraître


Jalel El Gharbi : Prière du vieux maître soufi le lendemain de la fête.
Editions du Cygne

voyage


OEuvre de Rafal Olbinski
Voyage : quête de cette contrée où l’altérité jouxte l’ipséité et où l’autre revient au même. Le voyage ? Cela qui rend manifeste la diversité et qui, pourtant, laisse voir à chaque fois que cela est semblable au même. "L’autre revient au même", assène le voyage. C’est sans doute ce qui explique en partie le spleen baudelairien que le voyage ne fait qu’accentuer.
Mais à la signification funeste du « Voyage » baudelairien, je préfère de loin la jubilation ou la persévérance des grands voyageurs. Je pense à Khusraw, ce voyageur persan qu’on ne lit plus depuis des siècles. Pendant 7 ans, il a parcouru le monde, comme on parcourt un livre. Il cherchait une réponse à des questions comme : pourquoi cela est-il ? Que faut-il regarder ?
L’enjeu ontologique de ces questions n’empêchait pas Khusraw (celui d’avant le rêve qui causa sa conversion, celui qui alla à Maarat Noaman pour y rencontrer Maari) d’aimer la soie, la poésie, le vin, les belles femmes et les merveilles du monde.
Le meilleur voyage : celui qu’on n’a pas entrepris, sans doute parce qu’il est affecté d’un coefficient désir qui l’inscrit dans une perspective de quête, d’appétit dira Baudelaire :
« Pour l’enfant amoureux de cartes et d’estampes,
L’univers est égal à son vaste appétit »
C’est sans doute pour la même raison que Baudelaire situe le référent de « L’Invitation au voyage » dans un pays qu’il n’a jamais visité : La Hollande.
Pourtant, il n’y a rien de plus exaltant que la découverte. Rien de plus engageant que la consistance du réel. Je voudrais dire avec Kenneth White, ce grand voyageur : « je préfère de loin les îles réelles aux îles imaginaires, tout comme je préfère les documents bruts aux versions romancées. »
Pourquoi voyage-t-on ? Pour voyager. Telle est la réponse baudelairienne car, pour le poète, le véritable voyage se passe d’alibi. Il est la réponse à une injonction venant de je ne sais où :
« Mais les vrais voyageurs sont cela seuls qui partent
Pour partir… »
Je reviens à Khusraw qui voyageait pour trouver du sens, des images correspondant à ce sens. Ecrivant ce texte, je n’ai pas cessé une seconde de penser aux rafiots de la mort. Cette jeunesse que la mer engloutit entre l’Afrique et l’Europe. Pour eux, le voyage est un mal onéreux né d’un rêve transformé en cauchemar.

dimanche 21 février 2010

El-Maari, le poète des poètes




Giulio-Enrico Pisani vient de publier dans la Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek ce texte sur Aboul Alâa El-Maari :

Allons nous achever avec Aboul Alâa El-Maari la découverte de ces écrivains, penseurs et poètes – Skif, Sansal, Maalouf, Laâbi, Zayyad, Darwich et des milliers d’autres – qui sont tout pour la culture arabe et sa communion avec la culture européenne ? Certainement pas. Nous allons aujourd’hui tout au plus y culminer, et devions nous prendre pour cela 1000 ans de recul. Car il y a 1000 ans, loin de cette morne bigoterie où croupissait l’Europe chrétienne, bigoterie que de mauvais bergers veulent à leur tour imposer aujourd’hui aux populations musulmanes, bouillonnait entre Samarcande et Séville, entre Bagdad et Le Caire, un immense chaudron culturel. La pensée, la parole et l’écrit s’y épanouissaient avec une liberté inégalée depuis. Certes, on s’y disputait ferme, on s’invectivait même, on bataillait. Cependant, ainsi que le cerna fort bien Georges Salmon dans sa compilation de lettres et de vers « Le poète aveugle » (1) : « ... les Arabes fronçaient les sourcils en lisant les déclarations irréligieuses d’Aboul Alâa, mais ils lui pardonnèrent sa liberté en admirant son tempérament de poète et la facture incomparable de ses vers ». En Europe chrétienne il eût sans doute fini sur le bûcher.
Aboul Alâa El-Maari naît en 973 (363 de l’hégire) à Ma‘arrat-an-Nu‘mān, petite ville syrienne située sur la route entre Alep et Hama dans une grande famille Tanoûkhite. (2) En 977 la petite vérole lui détruit le visage au point de le priver de l’oeil gauche et, en partie, du droit. Plus tard, il glissera tout à fait dans la nuit ; mais sa boulimie d’étude et sa mémoire prodigieuse compenseront largement cette déficience. Poète reconnu dès l’âge de 17 ans, le jeune El-Maari étouffe toutefois dans sa petite ville natale et décide de se rendre à Bagdad, dont Georges Salmon nous dit que...
« C’était alors l’époque florissante des Académies, sortes de salons littéraires, où poètes et grammairiens discutaient à l’envi, sous la protection de quelque mécène, dans un local mis spécialement à leur disposition par lui, avec une riche bibliothèque. Dans le même quartier, le Baîn as-Soûraîn « entre les deux murs », qui s’était élevé sur les anciens fiefs autrefois enserrés entre les deux murailles de la cité d’Al-Mansoûr, on remarquait l’Académie fondée par Sâboûr ibn Ardechîr, vizir du prince bouyide. C’est là qu’Aboû’l-’Alâ trouva son Mécène... et la gaieté : Et dans la maison de Sâboûr une gaie chanteuse réjouissait nos soirs d’une voix mélodieuse comme celle de la colombe... ».
Mais irrité et déçu au bout d’un temps par les vanités, les intrigues et la cherté de la grande ville il revient habiter à Ma‘arrat-an-Nu‘mān. Dès lors il se retire de plus en plus du monde et vit le reste de sa longue vie dans l’ascèse et la méditation, se consacrant à la philosophie, à la poésie et à leur enseignement, tout en entretenant une riche correspondance avec le monde culturel de l’époque. De ce corps prisonnier des ténèbres et enfermé dans un dépouillement volontaire, allait jaillir plus d’un demi siècle durant (il mourut en 1057) une quasi-inépuisable fontaine de sagesse, de tolérance, de liberté et de poésie. Son indiscutable croyance en dieu était largement tempérée par un sain scepticisme qui lui faisait paraître débile cette manie des hommes, de faire du créateur leur créature.
La pensée d’El-Maari devrait figurer aujourd’hui dans les programmes scolaires de tout le monde musulman et partout en Europe où des jeunes gens devraient apprendre à coexister en paix et à grandir libres des dogmes, préjuges et autres matraquages de la pensée dominante. Vous n’êtes pas obligés de me croire, amis lecteurs ; jugez vous mêmes de ces quelques textes qui témoignent de sa lucidité !
Dans la première de ces citations, El-Maari stigmatise l’injustice consistant à condamner les brigands de la pauvreté et à honorer ceux du monde des affaires et de la religion : « Le désert est peuplé de brigands qui enlèvent les chameaux lâchés au pâturage ; / Les mosquées et les souks sont aussi peuplés de brigands. / Mais tandis que ceux-ci sont appelés notaires et commerçants, les premiers sont flétris sous le nom méprisant de bédouins ».
Quant à l’enseignement religieux et aux « saints » livres, il leur dénie toute divinité, mais les ramène à une sédimentation pluriséculaire de légendes, recettes et spéculations, ainsi que des interprétations ici divergentes, là harmonisées, mais toujours arbitraires qui en sont faites : « Coran, Torah, Évangiles… à chaque génération ses mensonges / que l’on s’empresse de croire et de consigner ». Ailleurs, mais toujours parfaitement conséquent avec lui-même et comme dans la foulée, El-Maari en appelle au bon sens de tous : « Réveillez-vous, réveillez-vous, ô égarés ! Vos religions sont subterfuges des anciens ».
Et, une fois de plus, l’incroyable modernité d’El-Maari, dont la sempervirence défie les millénaires, ricane face aux tant attendus « sauveurs de l’humanité » que les masses crédules appellent messie, ou imam caché, ou gourou suprême, ou autre “yes we can” nobélisé : « Les gens voudraient qu’un imâm se lève / et prenne la parole devant une foule muette. / Illusion trompeuse – il n’est d’imâm que la raison, notre guide de jour comme de nuit ».
Car il n’y a pour El-Maari de salut qu’en nous-mêmes, par nos propres efforts. Et aucune des religions de sa connaissance n’étant parvenue à améliorer la condition humaine sur terre, où seul l’intelligence et l’astuce procurent quelques avantages, il conclut : « Les Hanéfites (3) et les Chrétiens ne sont pas parvenus à la vérité ; les Juifs ont trébuché et les Mages (4) ont persévéré dans l’erreur. // Les habitants de la terre se divisent en deux catégories : les uns, doués d’intelligence, mais sans religion ; les autres religieux, mais dénués d’intelligence ».
Bien sûr, lapidaire comme tous les aphorismes, car voulant frapper fort, celui-ci peut paraître excessif. Mais il faut voir l’intention. Les traducteurs sont passés par là, ont transformé la poésie en prose et parfois arrangé les mots, même inconsciemment, selon leurs convictions intimes. Connaissant par ailleurs le poète, il est difficile de croire qu’il traite d’idiots tous ceux qui ont de la religion, qui eût été insultant pour la majorité de ses parents, amis et confrères. Il est évident qu’avoir été religieux ne fait pas de Einstein un demeuré. Ce qui est pourtant sûr, c’est que dans un domaine restreint que son intelligence n’arrivait pas à éclairer (prétendue divinité du Christ, mystère des origines, aspiration à une survie, etc.), sa raison a abdiqué pour céder à la religion. Abdication prématurée, bien sûr, car la connaissance et les sciences évoluent et qu’est-ce que l’aujourd’hui sinon un bref instant chapeautant l’hier, mais ignorant tout du lendemain ? Au diable les certitudes ! Elles ne sont qu’étincelles, sans valeur, ni avenir, ni chaleur, semble nous lancer El-Maari avec ces dernières phrases par-delà l’histoire :
« J’ai vu des réunions de gens qui s’étaient obstinés à acquérir une connaissance sûre de choses dont la certitude était tout à fait variable./ La longue suite des années les informèrent de leur égarement, et aussi leurs dimanches et leurs sabbats. / Tout cela n’est qu’un feu que l’on allume une fois, puis qui brûle avec intensité et dont l’orgueilleuse flamme s’éteint ».
***
1) « Le poète aveugle », extraits de poèmes et de lettres d’Aboû ‘l-’Alâ’Al-Ma’arrî - Introduction et Traduction par Georges Salmon, Paris 1904 sur http://remacle.org/bloodwolf/arabe/almaari/extraits.htm
2) Tanoûkh était une tribu arabe chrétienne tardivement islamisée originaire du Bahreïn qui essaima dans tout le sud de la péninsule arabique, à l’exception de la branche d’El-Maari qui, elle, s’établit en Syrie.
3) Hanéfisme : l’une des quatre écoles sunnites du droit musulman.
4) prêtres zoroastriens. Le zoroastrisme fut en Perse la religion officielle jusqu’au milieu du 7e siècle, lorsqu’il fut remplacé par l’Islam.
Giulio-Enrico Pisani

samedi 20 février 2010

DES PORTES

Oeuvre de Bonnard
Des portes


La porte est hésitation entre ouverture et fermeture. Elle trace les contours du dedans et du dehors, de l’ici et de l’ailleurs. La porte est bivalence, elle signifie quasi indifféremment la chose et son autre.
Mais la porte est aussi un non lieu, juste une frêle frontière. Elle illustre la proximité entre distance et proximité.
La porte se prête à tous les franchissements. C’est ce franchissement apparentant la porte au « trans » qui en fait un objet éminemment poétique.
La porte : l’ailleurs. Et il est beau de claquer les portes à l’âge où le désir est irrésistible.
La porte vaut aussi par son seuil.
C’est le portefaix des Mille et Une Nuits qui voit s’ouvrir devant lui la porte des plaisirs et des splendeurs. Il y a porte et porte. Dans un roman, un poème ou une pièce de théâtre, la porte correspond à une incursion dans un nouvel espace, celui du texte. C’est sans doute pourquoi tous les romans du XIXème comportent dans les toutes premières pages le verbe « entrer ». Il y a une porte dérobée dans chaque roman !
Un travail à entreprendre : les portes dans Les Mille et Une Nuits ou dans tout autre texte majeur.
A collectionner : des portes. Portes ouvragées d’autrefois qui, s’élevant au stade d’œuvre d’art, font oublier que la première fonction des portes est d’enfermer.
Fermée, la porte ne demande qu’à être ouverte, et ouverte elle invite à être fermée, à circonscrire l’espace de l’intimité.
Et la porte appelle sa clef. A chaque porte sa clef depuis le « Sésame ouvre-toi », clé verbale, jusqu’à la carte magnétique.
Il y a aussi cette aptitude des portes à se décliner à l’infini. Cela va d’Eros à Thanatos.
Et il est des portes à ouvrir, des portes à défoncer. Il se peut que vivre soit un parcours de porte en porte. Certaines se referment d’elles-mêmes (l’enfance, la jeunesse), d’autres nous sont fermés au nez ou se referment derrière nous. Un jour mon ami le poète américain Sanford Fraser m’a confié que pour lui la porte, c’est aussi l’issue finale, celle de toute vie.
Gardons tout de même à la porte sa large polysémie.

mercredi 17 février 2010

In The Air, by Ariel Wagner-Parker

Ariel Wagner-Parker vient de publier un recueil de chroniques et de textes sous le titre In The Air, aux éditions Le Phare (Luxembourg). Voici une page de ce livre, elle est consacrée à Hammamet :
“…de blanches nations en joie” (Rimbaud)


The beach is stiller than usual. The late-afternoon breeze has stayed away and the giant sail of the hotel boat hangs becalmed from its mast.
The beach warden in his official shirt and blue trousers sits hunched on the edge of a stand of stacked surfboards, hands loosely clasped, vaguely surveying his domain.
A little way out, young windsurfers alternate between shaky vertical and horizontal tangle. Further out, water-skiers plough the sea into wide curving furrows, scattering seeds of white spray in their wake.
A motor-boat tears through the water towing a yellow banana with its four shrieking riders. The banana suddenly rolls over, pitches them squealing into the sea. A hush as the motor cuts out, the driver watching while they haul themselves back on board, laughing and spluttering. Then off again, tearing and shrieking.
The little group of people waiting for a pedalo breaks up and reforms as boats become free. Each new pair of pedallers sets off strongly, legs pumping in rhythm.
Of the people in the water, only a boy and girl are actually swimming, side by side, dreamily, straight out to sea. Near the edge, a German couple bat a pink plastic ball at each other, stretching and aiming with great concentration. The regular putt…putt is punctuated with grunts and little squeals of “ach, nein!”. A woman cuddles a tiny girl to her, the little legs wound round her back, hugging her up out of reach of the waves with a lot of laughing and splashing. Two elderly Italians are waist-deep in conversation, their expressive, slow-motion gestures. Their glittering ladies stand watching them, bangled arms akimbo, a marine cocktail-party. A pair of young lovers kiss long and slow, feet just touching the sea-bed.
Everyone else is horizontal, a few reading, most inert, head bent right or left, avoiding the eye of the sun.
The breeze finally puts in an appearance, teasing up the sea. The giant sail begins to flap indolently and the putt…putt of the Germans’ ball becomes irregular as the wind joins in their game. The sunbathers start to get restive, stretching arms, looking round at each other, then clambering to their feet, brushing at sand, gathering up belongings and wandering off to bar or pool.
The sea is abandoned to the windsurfers with their ups and downs and the sand to the scudding ants.
Two old Arabs climb slowly down the steps from the white hotel, take up spade and bucket and set about the work of nurturing the olives, laurels and infant palms that pass for a garden.

(Hammamet, 1992)


samedi 13 février 2010

Une poétesse tunisienne آسية السخيري Assia Skhiri

Couverture de la dernière publication en date de Essia Skhiri.


شذرات يزهر فيها العدم
سليلة مدينة السقوط أنا
والبركان الغافي تحت قدمي
ناره تذكي شهوتها للقرابين المقدسة
ميتة أنا
لذلك لا أراني أرفل في بياضه

Bribes où fleurit le néant
Moi, je descends de la cité des chutes
Et du volcan endormi sous mes pieds
Dont le feu nourrit les désirs d’offrandes sacrées
Morte, je le suis
C’est pourquoi je ne me vois pas me pavaner dans sa blancheur

vendredi 12 février 2010

Djalila Dechache: une voix foncièrement maghrébine


Père, je suis la sœur de Joseph (1)

J’ai fait une longue route
À travers le temps, père
J’ai été oubliée dans la Maison
Et la Maison n’est plus.
J’ai résisté: pour tout viatique, ton souvenir et les propos
De mon frère
Celui que j’aime contre leur gré.
Notre terre a été assiégée, massacrée, cassées nos maisons, nos rues, nos enfants, notre histoire
Ô mon frère tu as connu le loup
J’ai subi leurs ancêtres, les Banu Hilal lâchés comme des sauterelles, ils détruisaient tout sur leur passage » (2)
Ils sont méchants, méchants….
Ils ne nous aiment pas; ils ont voulu nous réduire, nous piétiner, nous écraser.
Pourquoi nous ? Qui sommes-nous ?Ils ne savent pas qui nous sommes…
Forts de notre ‘assabiya (3) nous leur avons tenu tête pendant cinquante lunes
Ils ont enrôlé avec eux leurs enfants pour faire nombre.
Ils sont insatiables butés, épris de pouvoir et de brillance
Ô vous les miens
Ô toi ma terre d’est et d’ouest, le jujubier, l’ambre gris, le musc , le benjoin, le bois d’Agar, l’oranger, le citronnier
Vous m’avez maintes fois ressuscitée ,maintes fois poussière, maintes fois mémoire.
Ils ne nous veulent pas dans la langue arabe : pourtant Père tu m’as dotée
D’un front large tel une tablette d’argile pour y graver l’alphabet de notre
Butin (4)
Ils veulent être les gardiens du temple
Ils sont pathétiques, hystériques

Père, frère, je vous ai cherchés dans la chevelure de la terre, dans ses
entrailles et dans ses plis, dans chaque recoin, dans chaque puits, dans chaque vallée

Dans chaque blessure, dans chaque viscère.
Dans les cimetières et les rivières.
J’ai interpellé sages et maîtres, pèlerins et mendiants aux joues creuses
J’ai égrené du fond de ma longue retraite le collier de nos prières communes
Inlassablement…
Partout j’ai écrit :
Nous sommes là
Nous sommes là
Et l’écho de répondre :
Vous êtes là
Vous êtes là…là…là…là.


(1) en écho au poème de Mahmoud Darwich « Père, je suis Joseph »
(2) cité par Ibn Khaldoun
(3) concept khaldounien signifiant esprit de clan
(4) en référence à Kateb Yacine qui parle de « butin » en évoquant la langue française.

jeudi 11 février 2010

Bienvenu, Tawfiq Zayyad, au cercle des poètes disparus...


Le cercle des poètes disparus. Dead poets Society
Bienvenu, Tawfiq Zayyad, au cercle des poètes disparus ! Ai-je dit disparus ?
Giulio-Enrico Pisani (Zeitung)
Pas tout à fait exact, ce terme, malgré le charmant souvenir que nous a laissé certain film de Peter Weir tourné d’après le scénario de Tom Schulman et rehaussé par l’étonnante performance de Robin Williams en professeur de lettres anticonformiste ! Un seul problème, une contradiction en fait, qui ne m’apparut d’ailleurs pas d’emblée : les poètes disparus, ça n’existe pas vraiment. Les hommes ou les femmes peuvent disparaître, mais non leurs poésies. Et c’est bien ce qu’exprimait Charles Trenet bien avant Schulman et Weir dans sa chanson « L’âme Des Poètes ». Vous vous souvenez tout de même de son « Longtemps, longtemps, longtemps /Après que les poètes ont disparu /Leurs chansons courent encore dans les rues... », n’est-ce pas ? Et vous aurez sans doute également remarqué, amis lecteurs, que certains des écrivains et des poètes que je vous ai présentés et conseillé de lire ne sont plus en mesure de répondre à vos lettres, mails ou sms.
Qu’il s’agisse de Pablo Neruda et Antonio Machado ou, plus récemment, de José Ensch ou Nic Klecker, nous ne les croiserons plus dans les librairies, les bibliothèques ou les centres culturels, mais leurs poèmes, oui. Car l’âme des poètes, donc leur poésie, vit aussi longtemps qu’il y a des femmes et des hommes pour la lire ou la chanter. Mais qu’en est-il, si malgré son excellence, sa grandeur d’âme, la force de son rayonnement local, l’amour des petites gens et une poésie toute harmonie avec son existence, le poète est ostracisé, ignoré, repoussé dans l’anonymat par les garants mêmes du patrimoine lyrique de son pays ? Que se passe-t-il quand le poète a été maire communiste d’une ville « sainte » dans une zone de manœuvres militaires du pays qui n’est autre que le plus grand porte-avion nucléaire des USA au Proche Orient ?
Il se passe, par exemple, que vous chercherez en vain le poète arabo-israélien Tawfiq Zayyad sur les étalages de votre librairie, amis lecteurs. Vous n’y trouverez donc pas l’auteur des vers émouvants que je vous ai cités dans mon article du 5 février sur Abdellatif Laâbi.(1) Et même sur Internet, vous ne trouverez qu’au bout de laborieuses recherches quelques-uns de ses poèmes en arabe, l’un ou l’autre à la rigueur traduit en anglais. Même le prestigieux Khalil Sakakini Cultural Centre de Ramallah l’ignore.(2) Une exception pourtant : ses poésies que Jalel El Gharbi vient de traduire en français et de mettre en ligne sur http://jalelelgharbipoesie.blogspot.com/. Par la même occasion, Jalel nous confirme que Zayyad a publié de nombreux recueils aussi bien à Nazareth qu’à Ramallah, son œuvre complète n’étant disponible pour l’heure qu’en arabe.
Né en 1929 en Galilée, Zayyad a été étudier la littérature en URSS. De retour chez lui, il est élu en 1973 à la Knesset sur la liste du parti communiste Rakah. Également tête de liste du Rakah à Nazareth, il en devient maire la même année. Non violent, mais doué d’un verbe et d’une plume acérés, il a notamment largement contribué par ses rapports et écrits à la condamnation de la politique israélienne par l’ultra-grande majorité des pays membres de l’ONU. Bête noire du gouvernement israélien et particulièrement des autorités d’occupation en Palestine, il meurt en 1994 dans un accident de voiture dans des circonstances troubles, qui rappellent étrangement celles qui coûtèrent la vie à notre ministre communiste Charles Marx.(3)
Si sa prose écrite et ses discours virulents furent ses principaux vecteurs d’arguments vers le monde politique local et international, sa principale arme populaire, celle par laquelle il entra dans le cœur des gens au point que même de nombreux israéliens lui rendirent hommage, fut sa poésie. Lue, portée par des chanteurs populaires et publiée en arabe dans la région elle ne laissait personne indifférent et faisait de lui pour les sionistes l’homme à abattre, à faire disparaître. Leur problème, comme je l’ai dit plus haut, étant que l’on peut, sans doute, faire disparaître un homme, mais pas un poète et, encore moins sa voix. Alors, en attendant qu’un éditeur francophone ne se décide à éditer son œuvre, j’ajoute ici aux poèmes traduits en français par Jalel El Gharbi sur son site, deux autre poésies que j’ai moi-même traduites tant bien que mal de l’anglais :
Ici nous resterons (a été chanté par Karem Mahmoud)
À Lydda, à Ramla, en Galilée nous resterons comme un mur sur votre poitrine et dans votre gorge comme un tesson de verre une épine de cactus et dans vos yeux une tempête de sable nous resterons, mur sur votre poitrine, assiettes propres dans vos restaurants, à servir à boire dans vos bars laver les sols de vos cuisines arracher une bouchée pour nos enfants à vos ongles bleus. Ici nous resterons, à chanter nos chansons, emprunter les rues de la colère, remplir les prisons avec dignité. À Lydda, à Ramla, en Galilee, nous resterons à garder l’ombre des figuiers et des oliviers, et fermenter la rébellion chez nos enfants comme le levain dans la pâte.
*
Tout ce que j’ai Je n’ai jamais porté un fusil sur mon épaule ou armé une détente. Tout ce que j’ai, est mélodie de flûte pinceaux pour mes rêves, un encrier. Tout ce que j’ai est une foi inébranlable et un amour infini pour mon peuple en peine.
***
1) « Et je donnerai la moitié de ma vie / À celui qui ferait rire un enfant en larmes / Et je donnerai l’autre moitié pour protéger / Une fleur fraîche du péril. » (www.zlv.lu > Kultur)
2) www.sakakini.org/ qui recense pourtant Ahmed Dahbour , Ali El Khalili, Hussein Barghouti, Ibrahim Nasrallah, Mahmoud Darwish, Mohammed Reesha, Mureed Barghouti, Samer Abu-Hawwash, Taha Mohammed, Youssef Abd Al-Aziz, Zuheir Abu Shayeb, Fadwa Tuqan, Ghassan Zaqtan, Izzidin Al-Manasra, May Sayigh, Mohammed Al-Qaissi, Nathalie Handal, Samih El Qasim, Taher Riyad, Walid Khazindar et Zakaria Mohammed.
3) cf. « Charles Marx, un héros luxembourgeois », Éditions Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek. Et en anglais, article du 20 Janvier 2010 sur http://palestinian.ning.com/profiles/blogs/here-we-stay-palestinian

mercredi 10 février 2010

Abdellatif Laâbi, prisonnier numéro 18611


Abdellatif Laâbi, prisonnier numéro 18611
Article de Giulio-Enrico Pisani, publié dans la Zeitung
Ce 12 janvier, Le prisonnier numéro 18611 de Kenitra (1), se voit remettre à Paris le Prix Goncourt de la poésie 2009 pour l’ensemble de son oeuvre. Mais qu’est-ce un Goncourt face à une vie de révolte contre l’injustice et la tyrannie ? Abdellatif Laâbi est né en 1942 à Fès, qu’il appelle « ville-labyrinthe où les enfants se frottent à la vie, cimetières où l’on joue au football pieds nus pour ne pas abîmer ses chaussures », racines qui, par delà toutes ses pérégrinations, resteront toujours les siennes.
Âgé de 14 ans lors de la proclamation de l’indépendance en 1956, il est déjà un écrivain en herbe. Nourri de Dostoïevski, puis, peut-être, d’auteurs marxistes comme Gramsci, il étudie Lettres françaises à l’université de Rabat. De 1968 à 1972, il dirige la revue Souffles avec le concours d’Abraham Serfaty, militant démocrate et opposant à Hassan II, revue à laquelle collaborent divers auteurs de gauche comme Tahar Ben Jelloun. Professeur de français à Rabat, Laâbi milite dans le Parti pour la Libération et le Socialisme (ancien Parti Communiste marocain) puis fonde en 1972 le mouvement clandestin d’extrême gauche « Ila Al Amame ». C’en est trop pour le régime chérifien. Arrêté et torturé, il sera condamné à 10 ans de prison. En fait, son procès n’aura porté que sur ses idées, car sa revue, Souffles, constituera avec sa version arabe, Anfass, l’unique preuve à charge. Libéré après huit ans et demi grâce à la pression internationale, il sortira de Kenitra en 1980.
Après sa libération il essaiera de rester dans son pays bien-aimé ; mais dans l’impossibilité d’y vivre en accord avec ses convictions, il s’exile en France en 1985. Depuis quelques années il a toutefois renoué avec le Maroc dont il apprécie et encourage activement la marche vers le progrès et la démocratie, sans se faire toutefois, je pense, trop d’illusions sur la vitesse de cette évolution. (2) Nommé commandeur dans l’ordre des Arts et Lettres par Jack Lang en juin 1985, il a été élu en 1998 membre de l’Académie Mallarmé, en 2001 membre du conseil d’administration de la Maison des écrivains à Paris et a reçu en mai 2008 le Prix Robert Ganzo de Poésie pour l’ensemble de son oeuvre. Extrêmement prolixe, il a déjà une bonne quarantaine de publications à son actif, ainsi que de très nombreuses traductions et adaptations théâtrales.
Ne connaissant pas la langue arabe dont le rythme est déjà souvent poétique en prose, ni tout ce qu’implique l’interaction du parfait bilinguisme arabe-français, il m’est difficile d’apprécier si Abdellatif Laâbi est plutôt prosateur ou poète. Je dirais poète, mais cette différenciation qu’appelle notre cartésianisme occidental est-elle bien nécessaire ? Pour Abdellatif Laâbi, homme de liaison, l’essentiel n’est pas dans ces distinctions d’ordre littéraire. Dans « Un Continent humain » (1997) il écrit : « Je me sens sur cette charnière de l’être entre vie et mort (j’ai 56 ans), entre un soleil qui se meurt et un autre dont le lever est confisqué, entre deux planètes, deux humanités qui se tournent le dos, deux langues qui se parlent tellement dans ma bouche qu’elles me font bégayer, entre folie d’espoir et retour de bâton du désespoir. Que d’entre ! Mais tout cela donne un être vivant, pas plus. Le fait d’être sur une charnière me rend attirantes toutes les autres et me met sur leur chemin. Car, de par le monde, il n’y a pas que l’Orient et l’Occident. Tant de continents humains manquent à notre plénitude ». (3) Texte entre prose et poésie, un « entre » de plus !
Car Laâbi est aussi et surtout un pont entre deux rives, un passeur de culture. Comme bien d’autres intellectuels, écrivains et poètes du Proche-Orient et d’Afrique du Nord, il incarne le besoin d’une symbiose d’enracinement local et de soif d’ailleurs, d’amour de tradition et d’impulsion révolutionnaire, de sud et de nord, d’orient et d’occident – l’Occirient de Jalel El Gharbi – il est pont, passerelle, donc poésie. Et ce même Jalel El Gharbi, cet autre pèlerin des deux rives, pour qui le Luxembourg est une (autre) île méditerranéenne, écrit : « La poésie de Laâbi a permis de sortir la poésie maghrébine des poncifs quelque peu folkloriques ou nationalistes dans lesquels elle était enfermée. Laâbi est sans doute le premier, avec Mohammed Dib, à avoir donné à la littérature maghrébine cette dimension ontologique grâce à laquelle elle cesse d’être maghrébine pour devenir poésie (sans aucun autre attribut identitaire). Il ouvre la poésie à d’autres thématiques dans une inspiration qui doit autant à Darwich et Maâri qu’à Baudelaire, Rimbaud, Rilke et Dostoïevski dont il est un fervent lecteur ».
Cependant, la poésie d’Abdellatif Laâbi n’est pas lyrisme gratuit. L’albatros ne se contente pas de faire joli dans le paysage marin, mais vient s’écraser sur le pont du navire. Tout comme Mohammed Dib, Mahmoud Darwich et Tawfik Ziad, Laâbi laboure le terreau de la barbarie contemporaine à la fois à coups de serpe et de roses dont les épines la dénoncent et dont les pétales adressées surtout aux enfants préparent un monde meilleur dont il sait qu’il ne sera pas le sien. N’est-ce pas dans cet esprit que, tout au début de sa détention à Kenitra, il adresse un long poème à son fils Yacine ? En voici un extrait :
« Mon fils aimé / j’ai reçu ta lettre / Tu me dis : / « Je pense à toi / et je te donne ma vie » / sans soupçonner / ce que tu me fais en disant cela / mon coeur fou / ma tête dans les étoiles / et par ce mot de toi / je n’ai plus peine à croire / que la grande Fête arrivera / celle où des enfants comme toi / devenus hommes / marcheront à pas de géant / loin de la misère des bidonvilles / loin de la faim, de l’ignorance et des tristesses… »
Cette poésie et d’autres écrits de prison seront réunis et publiés en 1981 sous le titre « Sous le bâillon le poème » (4), véritable cri de liberté sous régime tyrannique, cri de révolte voilé, bien sûr, pour ne pas prêter flanc aux censeurs ! Il me semble que c’est exactement la signification de ce titre. N’est pas ainsi que la littérature russe du XIXe atteignit sous la dictature tsariste des hauteurs inégalées ? Quant au poème lui-même, comment ne pas rapprocher les mots dits à son fils, enfant symbole de tous les enfants du monde, de ces vers du poète communiste Tawfik Ziad : « Et je donnerai la moitié de ma vie / À celui qui ferait rire un enfant en larmes / Et je donnerai l’autre moitié pour protéger / Une fleur fraîche du péril. » (5)
Me pardonnerez-vous cette diversion, amis lecteurs ? J’y compte ferme et j’espère que ces quelques lignes vous auront permis de découvrir un zeste d’Abdellatif Laâbi, l’un des écrivains marocains majeurs de notre époque, dont il ne vous reste qu’à explorer l’une ou l’autre oeuvre. Parmi ses dernières publications, toutes aux Éditions La Différence, citons en poésie L’automne promet, collection Clepsydre, Paris, 2003 ; Les Fruits du corps, coll. Clepsydre, Paris, 2003 ; Écris la vie, coll. Clepsydre, Paris, 2005 ; et Mon cher double, coll. Clepsydre, Paris, 2007. Des romans aussi : L’Oeil et la Nuit, coll. “Minos”, Paris, 2003 ; Le Chemin des ordalies, coll. “Minos”, Paris, 2003 ; Les Rides du lion, coll. “Minos”, Paris, 2007 ; Le Livre imprévu, récit. coll. “Littérature”, Paris, 2010 ; Tribulations d’un rêveur attitré, Paris, 2008. Voilà qui vous mettra du pain sur la planche. Mais si vous voulez en savoir davantage, n’hésitez pas à visiter sur Internet le site de l’auteur www.laabi.net/ ou l’excellente présentation abrégée sur http://fr.wikipedia. org/wiki/Abdellatif _ Laâbi.
***
1) ville du Maroc où se trouvent une base militaire et un pénitencier de sinistre mémoire. De nombreux livres et d’innombrables articles témoignent que, outre les exécutions capitales, la torture y était à l’époque (années de plomb) monnaie courante, surtout chez les prisonniers politiques. Il est vrai que Laâbi n’aura pas attendu Kenitra pour être torturé.
2) lire notamment sur le site du poète, www.laabi.net/ dans la rubrique “Coups de gueule” son article « Ultra-majoritaire, le camp intégriste ? » (lettre ouverte à l’équipe de Tel Quel, hebdomadaire marocain). ce site présente aussi, outre sa biographie, de nombreux textes, poésies et autres rubriques.
3) www.bibliomonde.com/ .../abdellatif-laabi-88.html
4) texte complet du poème, ainsi que d’autres poèmes sub www.laabi.net/ rubrique Choix de Textes.
5) Tawfik Ziad était maire de Nazareth et membre de la Knesset. Il est mort en1994. Ces vers sont cités sur www.jalelelgharbipoesie.blogspot.com/
Giulio-Enrico Pisani

mardi 9 février 2010

محمد الفيتوري Mohamed Faytouri (Soudan)

OEuvre de Hassan Musa. Soudan.
في حضرة من أهوي
عبثت بي الأشواق
حدقت بلا وجه
ورقصت بلا ساق
وزحمت براياتي وطبولي الآفاق
عشقي يفني عشقي
وفنائي استغراق
مملوكك لكني سلطان العشاق
En présence de mon amour
Les désirs se sont joués de moi
Je l’ai fixé mais sans visage
J’ai dansé sans mes pieds
Et j’ai investi l’horizon avec mes étendards et mes tambours
Ma passion épuise ma passion
Et ma disparition est pérennité
Je suis ton esclave et le sultan des amoureux…


(Extrait traduit par Jalel El Gharbi)

lundi 8 février 2010

Waiting for evening . Sanford Fraser (USA)


Edward Hopper : Summer evening

Waiting for evening
Waiting for evening on the front porch
you seem lost in thought behind the thread
of your cigarette smoke. What holds your gaze:
the eyes of a smiling, childhood friend?
Like the gull your box camera once caught
in cold November air, I found you today
in an old photograph. You’re smiling at me
by the water’s loose edge. I’m holding the shell
you gave to me. Can you hear the soft breath
of the sea, the tide silently slipping away?

En attendant la nuit
Attendant la nuit sur le porche
tu sembles perdue en pensée derrière le filet
de fumée de ta cigarette. Qu’est-ce qui retient ton regard :
les yeux souriants d’un ami d'enfance ?
Comme la mouette que ton appareil photo a une fois saisie
dans l'air d’un novembre froid, je t’ai trouvée aujourd'hui
sur une vieille photo. Tu me souris
au bord vague flou de l'eau. Je tiens le coquillage
que tu m'avais donné. Entends-tu le souffle doux
de la mer, la marée qui s’esquive en silence ?

Traduction: Françoise Parouty

samedi 6 février 2010

Verrà la morte e avrà i tuoi occhi . Cesare Pavese

Constance Dowling.
Voici le poème retrouvé sur le table de chevet de Cesare Pavese après son suicide. Il y pense à l'actrice américaine, Constance Dowling, son amour malheureux :

La mort viendra et elle aura tes yeux
La mort viendra et elle aura tes yeux -
cette mort qui est notre compagne
du matin jusqu’au soir, sans sommeil,
sourde, comme un vieux remords
ou un vice absurde. Tes yeux
seront une vaine parole,
un cri réprimé, un silence.
Ainsi les vois-tu le matin
quand sur toi seule tu te penches
au miroir. O chère espérance,
ce jour-là nous saurons nous aussi
que tu es la vie et que tu es le néant.
La mort a pour tous un regard.
La mort viendra et elle aura tes yeux.
Ce sera comme cesser un vice,
comme voir resurgir
au miroir un visage défunt,
comme écouter des lèvres closes.
Nous descendrons dans le gouffre muet.
Cesare Pavese - 22 mars 1950


Verrà la morte e avrà i tuoi occhi

Verrà la morte e avrà i tuoi occhi -
questa morte che ci accompagna
dal mattino alla sera, insonne,
sorda, come un vecchio rimorso
o un vizio assurdo. I tuoi occhi
saranno una vana parola,
un grido taciuto, un silenzio.
Così li vedi ogni mattina
quando su te sola ti pieghi
nello specchio. O cara speranza,
quel giorno sapremo anche noi
che sei la vita e sei il nulla
Per tutti la morte ha uno sguardo.
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi.
Sarà come smettere un vizio,
come vedere nello specchio
riemergere un viso morto,
come ascoltare un labbro chiuso.
Scenderemo nel gorgo muti.

jeudi 4 février 2010

Zayyad de Nazareth 3 توفيق زياد


OEuvre De Naji Al-Ali

الــكــلــمــات
غير الخبز اليومي
وقلب امرأتي
وحليب الأطفال
ــ أنا لا أملك شيا

وسوى الشعر
وإيقاد النار
وتشخيص الآتي
أنا لا أتقن شياّ
وسوى أرض بلادي
وسماء بلادي
وزهور بلادي
أنا لا أعبد شياّ
وسوى الشعب الكادح
والناس البسطاء العاديين
وأيديهم ــ لست أقدس شياّ

لو عشت شقيا
سأموت سعيداً لو قدرت كلماتي
أن تفرح بعض الناس
لو أمكن أن يقرأها
في المستقبل
طفلٌ
في كراس .

Les mots
A part le pain quotidien
Le cœur de ma femme
Et le lait des enfants
Moi, je n’ai rien

A part faire des poèmes,
Allumer un feu
Et diagnostiquer l’avenir
Moi, je ne maîtrise rien

A part la terre,
Le ciel,
Et les roses de mon pays
Moi je n’adore rien

A part le peuple laborieux
Les gens simples, ordinaires
Et leurs mains
Moi je ne vénère rien

J’ai vécu malheureux
Mais je mourrais heureux
Si mes mots pouvaient rendre
Heureuses quelques personnes
Si dans l’avenir
Un enfant
Pouvaiet les lire
Sur son cahier

mercredi 3 février 2010

Zayyad de Nazareth 2 توفيق زياد


Dessin du poète

مليون شمس في دمي..
سلبوني الماء,والزيت‏
وملح الأرغفة‏
وشعاع الشمس,والبحر,‏
وطعم المعرفة‏
وحبيبا -منذ عشرين- مضى‏
أتمنى لحظة أن أعطفه‏
سلبوني كل شيء:‏
عتبة البيت,وزهر الشرفة‏
سلبوني كل شيء‏
غير..‏
قلب‏
وضمير,‏
وشفة..!!‏
كبريائي وأنا في قيدهم,‏
أعنف من كل جنون العجرفة‏
في دمي مليون شمس‏
تتحدى الظلم المختلفة‏
وأنا أقتحم السبع سماوات‏
بحبي لك‏
يا شعب المآسي المسرفة‏
فأنا ابنك..من صلبك..‏
قلبا,‏
وضميرا,‏
وشفة..!!‏
يدنا ثابتة,ثابتة..‏
ويد الظالم مهما ثبتت..‏
مرتجفة!!


Un million de soleil dans mon sang...

On m’a privé d’eau, d’huile,
Du sel de mes galettes,
Des rayons du soleil,
De la mer,
Du goût du savoir,
Et d’un amour parti il y a vingt ans
Que j’aimerais tant croiser une seconde
On m’a dépouillé de tout
Du seuil de la maison et des fleurs du balcon
On m’a dépouillé de tout
Excepté :
De mon cœur
De ma conscience
Et de ma bouche
Mon orgueil après qu’on m’a mis aux fers
Est plus violent que toute la folie de leur brutalité
Un million de soleils dans mon sang
Défient les diverses obscurités
Je franchis les sept cieux
Grâce à ton amour
Oh peuple des drames outranciers
Car je suis ton enfant, né de ton sang
Par mon cœur,
Par ma conscience
Et par ma bouche
Nos mains sont bien fermes
Et celle de l’oppresseur
Si fermes qu’elles puissent paraître,
Sont toujours tremblantes

lundi 1 février 2010

توفيق زيادً Zayyad de Nazareth 1


Jeunes se rendant sur la tombe du poète pour la fleurir.

Tawfiq Ziad (1929-1994). Poète palestinien et homme politique membre du Rakah, parti communiste israélien. Il fut maire de Nazareth et membre à la Knessette. Il connaissait très bien ceux qui ont essayé d’attenter à sa vie.


وأعطي نصف عمري للذي
يجعل طفلاً باكيا يضحك
وأعطي نصفه الثاني لأحمي
زهرة خضراء أن تهلك


Et je donnerai la moitié de ma vie
A celui qui ferait rire un enfant en larmes
Et l'autre moitié pour protéger
Une fleur verte du péril
Tawfik Ziad