samedi 26 janvier 2013

Nathalie Ronvaux


 Poème de Nathalie Ronvaux

De       la place Tahrir      à l’île d’Utoeya    De Homs  à Toulouse
À bout                        portant                       chair sanglante       la bête immonde                 entaille             terre et ciel

La haine n’a ni nom           ni visage       elle se dit       au nom des pères               au nom des dieux              au nom          des terres        au nom des                        mers                

Unie                           à l’égorgeur de mémoire   elle se dresse comme un rideau de fer édifié de croyances de vengeance de folie de règne de sang de race de gloire       de


Mes mots n’ont vécu aucune guerre      ils ne peuvent ni la percer        ni l’habiter                                 ni se targuer                       de quel sang
ils seraient mêlés

Entre légende et réalité                 rumeurs et faits       ils rejoignent           
un lion           empreint de la diversité     murmurant un hymne      
de la   coexistence
Extrait de La Liberté meurt chaque jour. Editions PHI


Histoire et Mémoire            veines ombilicales              du présent

vendredi 25 janvier 2013

Cheikh Mourou, le wahabisme et nos amis qui laissent faire

 Nahdha ne peut pas continuer indéfiniment à encourager l'islamisation du pays à la wahabite et afficher le visage tolérant qu'elle emprunte à Cheikh Mourou. Elle ne peut pas mettre tout à la fois les hardes afghanes et exhiber la jebba bien tunisienne du Cheikh Mourou. En un mot, elle ne peut pas concilier islam wahabite et islam tunisien.  
Le Cheikh Mourou vient de payer les frais de ces réalités irréconciliables, en se faisant agresser pour la deuxième fois. A Jemmal, il s'est fait violemment expulser de la mosquée, où il voulait prier, par un groupe d'illuminés harangués la veille par un imam intolérant, pour apostasie ! Traiter Cheikh Mourou d'apostat, c'est  renier l'islam zeitounien, celui dans lequel nous avons été élevés. Un islam qui laisse une marge au péché, à l'erreur, à l'égarement, au doute, à la quête. Celui qui croit en la miséricorde de Dieu, en sa clémence. Celui qui ne refuse pas la vie, ni ne récuse les joies et les plaisirs de l'existence, ni le bonheur de la fête. L'islam zeitounien, le nôtre est avant tout  culte de la connaissance, amour de la découverte, amour de l'amour.
Nos frères du Golfe déversent tant d'argent afin que nous partagions l'hérésie wahabite qui leur tient lieu de foi et qui fait que leur pays est inhabitable. Ils s'en consolent en se rendant souvent en Suisse, en Espagne et en Angleterre, au pays de leurs alliés, qu'ils tiennent pourtant pour des mécréants. Ils recrutent nos jeunes dans les milieux les plus déshérités et les envoient au casse-pipe en Syrie et au Malie alors que leurs enfants sont à Harvard ou Boston. Leur désir le plus ardent est de faire de nous des populations aussi misérables que les populations afghanes ou somaliennes. Parce que, bien entendu, il n'est pas question qu'ils partagent avec nous leur pétrole, mais uniquement leurs idées, celles qui leur ont été dictées et que Med Abdelwahab a transcrites. Pourtant, dès 1810, les ulémas de la Zeitouna ont décliné l'invitation au wahabisme dans la lettre magistrale de Abu Al Qacem Mahjoub et dans l'ouvrage cinglant de Cheikh Temimi (ouvrage qui n'a jamais été réédité, pour ménager la sensibilité de nos frères du Golfe). Juste une dernière chose, nos amis américains, car ce sont bien les nôtres, avant même que les monarchies du Golfe ne viennent au monde, laissent faire, mettant en péril l'aspiration d'un peuple à la liberté, au progrès.

jeudi 24 janvier 2013

Joyeuse fête du Mouled. Assida et poésie

Joyeuse fête du Mouled.


Délice du palais : l'assida, un mets des plus raffinés pour célébrer la douceur du Mouled  pommes de pin, pistaches, noisettes, amandes, noix, pignons de pin... Entre deux coupes d'Assida, je n'oublie pas ma lecture annuelle de la Borda. Nom d’un poème écrit par Kaab Ibn Zohaier, un panégyrique déclamé devant le prophète. A la fin de la déclamation de ce texte d’une grande qualité littéraire, le prophète offrit au poète sa البردة « borda ». Terme que j’aurais traduit par « cape » si le mot n’avait pas des connotations chevaleresque, par « mante » si ce terme ne désignait un vêtement féminin. Manteau est à prendre ici au sens de vêtement ample, pouvant être, comme au XIX siècle, utilisé dans la literie. La « borda » est quasiment un genre littéraire. Il s’agit toujours d’un poème long commençant par des strophes amoureuses النسيب pour finir par un éloge mystique du prophète. Parmi les poèmes dits « borda », on citera celui de Boussiri dont nous traduisons ici les premiers vers, Atouani et, plus près de nous, le poème irrésistible de Chawki.

Le poème de Boussiri البوصيريcomporte 160 vers. C’est la « borda » la plus connue au Maghreb, sans doute à cause des origines maghrébines de ce poète né en 1213 en Egypte mais aussi pour la grande délicatesse de ce texte.
البردة
البوصيري

أمن تذكـــــر جيــــــرانٍ بذى ســــــلم مزجت دمعا جَرَى من مقلةٍ بـــــدم

أَمْ هبَّــــت الريـــحُ مِنْ تلقاءِ كاظمــةٍ وأَومض البرق في الظَّلْماءِ من إِضم

فما لعينيك إن قلت اكْفُفاهمتــــــــــــا وما لقلبك إن قلت استفق يهـــــــــم

أيحسب الصب أن الحب منكتـــــــــــم ما بين منسجم منه ومضطــــــــرم

لولا الهوى لم ترق دمعاً على طـــــللٍ ولا أرقت لذكر البانِ والعلــــــــــمِ

فكيف تنكر حباً بعد ما شــــــــــهدت به عليك عدول الدمع والســـــــــقمِ

وأثبت الوجد خطَّيْ عبرةٍ وضــــــــنى مثل البهار على خديك والعنــــــــم

نعم سرى طيف من أهوى فأرقنـــــــي والحب يعترض اللذات بالألــــــــمِ

يا لائمي في الهوى العذري معـــــذرة مني إليك ولو أنصفت لم تلــــــــــمِ
Le manteau
Est-ce de t’être souvenu d’une voisine à Dhi Salamin
Que tu as mêlé tes larmes répandues à du sang ?
Ou est-ce le vent qui s’est levé du côté de Qadhima
Et l’éclair qui illumina les ténèbres vers Idhami ?
Pourquoi donc ne peux-tu pas retenir tes larmes ?
Pourquoi donc ton cœur ne peut-il se ressaisir quand tu le lui demandes ?
La passion croirait-elle que l’amour est dissimulé
Cet amour qui flamboie en toi ou qui s’est ancré ?
N’eût été ton penchant, tu n’aurais pas pleuré ni sur des vestiges
Ni à l’évocation du saule[1] et des traces laissées par ton amour
Comme peux-tu nier ta passion
Alors que les larmes et la maigreur témoignent contre toi
Et que l’amour a donné la preuve de deux coulées de larmes et de peine
Evidentes sur tes joues comme poivre sur fruit rouge
Oui l’ombre de celui que j’aime est passée nuitamment et m’a tenu éveillé
Car l’amour va à la rencontre du plaisir avec la douleur
Pardon ô toi qui me reproches mon amour udhrite[2]
Mais si tu étais juste, tu ne m’aurais fait aucune remontrance.
Traduction Jalel El Gharbi

[1] Le saule était le comparant de la beauté du corps de la femme.
[2] Platonique en référence à la tribu Udhra dont les membres mourraient d’amour. (le mot est employé dans le Larousse, dictionnaire mondial des littératures)

mardi 22 janvier 2013

Un écho des Passantes

Jean-Michel Treinen, homme de culture et de dialogue entre les civilisations et traducteur du Coran en luxembourgeois, vient de publier dans le journal  Feierkrop cette lecture de l'anthologie que Giulio-Enrico Pisani et moi-même venons de faire paraître. (cliquez sur l'image, pour lire)

lundi 21 janvier 2013

Réponse foudroyante de l'Algérie

Pour saluer la réponse foudroyante de l'Algérie aux terroristes et surtout à ceux qui tirent les ficelles. C'est plus clair maintenant : comme toujours, quiconque oserait se frotter à ce pays, y laisserait des plumes. 

vendredi 11 janvier 2013

En relisant Nana

Monet : Nana
- Moi, disait Foucarmont, j'ai bu de tous les vins imaginables dans les cinq parties du monde... Oh! des liquides extraordinaires, des alcools à vous tuer un homme raide.... Eh bien! ça ne m'a jamais rien fait. Je ne peux pas me griser. J'ai essayé, je ne peux pas...
Tenez, reprit Foucarmont, à La Havane, ils font une eau-de-vie avec une baie sauvage; on croirait avaler du feu... Eh bien, j'en ai bu un soir plus d'un litre. Ça ne m'a rien fait... Plus fort que ça, un autre jour, sur les côtes de Coromandel, des sauvages nous ont donné je ne sais quel mélange de poivre et de vitriol ; ça ne m'a rien fait... Je ne peux pas me griser.

jeudi 10 janvier 2013

En attendant le verdict dans l'affaire du niqab

Jeudi 17 janvier, le tribunal de première instance de la Manouba rendra son verdict dans l'affaire du Doyen Kazdaghli. Ce procès oppose le Pr Kazdaghli à une salafiste en niqab qui prétend, certificat médical de complaisance à l'appui, avoir été giflée par le doyen ! Au cas où notre collègue, démocratiquement élu, viendrait à être condamné, ne fût-ce que symboliquement, la réaction du corps enseignant et de tout le personnel de la faculté sera des plus vigoureuses tant la coupe a débordé.

mercredi 9 janvier 2013

En relisant Le Côté de Guermantes. Une page irrésistible !




- Hé bien, en un mot la raison qui vous empêchera de venir en Italie ? questionna la duchesse en se levant pour prendre congé de nous.


   - Mais, ma chère amie, c'est que je serai mort depuis plusieurs mois. D'après les médecins que j'ai consultés, à la fin de l'année le mal que j'ai, et qui peut du reste m'emporter tout de suite, ne me laissera pas en tous les cas plus de trois ou quatre mois à vivre, et encore c'est un grand maximum, répondit Swann en souriant, tandis que le valet de pied ouvrait la porte vitrée du vestibule pour laisser passer la duchesse.

   - Qu'est-ce que vous me dites là ? s'écria la duchesse en s'arrêtant une seconde dans sa marche vers la voiture et en levant ses beaux yeux bleus et mélancoliques, mais pleins d'incertitude. Placée pour la première fois de sa vie entre deux devoirs aussi différents que monter dans sa voiture pour aller dîner en ville, et témoigner de la pitié à un homme qui va mourir, elle ne voyait rien dans le code des convenances qui indiquât la jurisprudence à suivre et, ne sachant auquel donner la préférence, elle crut devoir faire semblant de ne pas croire que la seconde alternative eût à se poser, de façon à obéir à la première qui demandait en ce moment moins d'efforts, et pensa que la meilleure manière de résoudre le conflit était de le nier. « Vous voulez plaisanter ? » dit-elle à Swann.
   - Ce serait une plaisanterie d'un goût charmant, répondit ironiquement Swann. Je ne sais pas pourquoi je vous dis cela, je ne vous avais pas parlé de ma maladie jusqu'ici. Mais comme vous me l'avez demandé et que maintenant je peux mourir d'un jour à l'autre... Mais surtout je ne veux pas que vous vous retardiez, vous dînez en ville, ajouta-t-il parce qu'il savait que, pour les autres, leurs propres obligations mondaines priment la mort d'un ami, et qu'il se mettait à leur place, grâce à sa politesse. Mais celle de la duchesse lui permettait aussi d'apercevoir confusément que le dîner où elle allait devait moins compter pour Swann que sa propre mort. Aussi, tout en continuant son chemin vers la voiture, baissa-t-elle les épaules en disant: « Ne vous occupez pas de ce dîner. Il n'a aucune importance ! » Mais ces mots mirent de mauvaise humeur le duc qui s'écria : « Voyons, Oriane, ne restez pas à bavarder comme cela et à échanger vos jérémiades avec Swann, vous savez bien pourtant que Mme de Saint­ Euverte tient à ce qu'on se mette à table à huit heures tapant. Il faut savoir ce que vous voulez, voilà bien cinq minutes que vos chevaux attendent. Je vous demande pardon, Charles, dit-il en se tournant vers Swann, mais il est huit heures moins dix. Oriane est toujours en retard, il nous faut plus de cinq minutes pour aller chez la mère Saint-Euverte.»
   Mme de Guermantes s'avança décidément vers la voiture et redit un dernier adieu à Swann. « Vous savez, nous reparlerons de cela, je ne crois pas un mot de ce que vous dites, mais il faut en parler ensemble. On vous aura bêtement effrayé, venez déjeuner, le jour que vous voudrez (pour Mme de Guermantes tout se résolvait toujours en déjeuners), vous me direz votre jour et votre heure », et relevant sa jupe rouge elle posa son pied sur le marchepied. Elle allait entrer en voiture, quand, voyant ce pied, le duc s'écria d'une voix terrible : « Oriane, qu'est-ce que vous alliez faire, malheureuse. Vous avez gardé vos souliers noirs ! Avec une toilette rouge ! Remontez vite mettre vos souliers rouges, ou bien, dit-il au valet de pied, dites tout de suite à la femme de chambre de Mme la duchesse de descendre des souliers rouges ». 

l'UGTT demande à la France l'annulation de la dette tunisienne

Le Secrétaire général de l'UGTT (Union Générale Tunisienne du Travail) a officiellement demandé à la France d'annuler la dette tunisienne, d'investir en Tunisie et de restituer à la centrale syndicale les archives relatives à l'assassinat du leader Farhat Hached. 
Monsieur Laurent Fabius a promis d'étudier ces questions. 
Une réponse positive  montrerait que la France appuie de manière effective la transition démocratique qui a besoin d'être soutenue pour contrecarrer l’extrémisme religieux et que les relations franco-tunisiennes sont plus tournées vers l'avenir que vers le passé.  L'annulation de la dette tunisienne serait un soutien inestimable pour le camp des démocrates et des amis de la France. 

dimanche 6 janvier 2013

Un mot bien utile : cacocratie

Cacocratie : pouvoir des plus mauvais vs aristocratie.
Ci-dessus, une oeuvre de William Hogarth.

Izet Sarajlic


Dal treno 

Guardavo passarmi davanti le donne,
le presenti e le future,
i paesaggi
e i pali del telegrafo,
ho visto il giorno e la notte
succedersi in silenzio.
Scenderò giù a qualche stazione
 
pazzo di questi mutamenti di colori e linee
per comunicarti
che al cinquantesimo chilometro dell'amore
ti amavo esattamente come al primo.
Izet Sarajlic


En train

Je regardais passer devant moi les femmes 
celles du présent, celles du futur,
les paysages
et les poteaux électriques
J'ai vu se succéder en silence
le jour et la nuit
Je vais descendre dans quelque gare
Ivre de tant de couleurs changeantes et de lignes
Pour te dire 
qu'au cinquantième kilomètre de l'amour
Je t'aimais exactement comme au premier
Izet Sarajlic


 

samedi 5 janvier 2013

jeudi 3 janvier 2013

Giulio, Christiane et Charles Marx


 De Giulio à Christiane concernant son commentaire sur "En lisant Marc-Aurèle"

Étonnante Christiane, qui venez de clamer quasi mot pour mot et dans un tout autre contexte, mais dans le même sens, la double phrase du grand résistant Charles Marx, phrase dont je fis le refrain de mon poème ci-dessous ! Par quel hasard ou parallélisme de pensée ?

1941 – 2007 : 66 ans de Maquis

De dix-huit à vingt-six ans,
parfois trente-cinq,
guère d’avantage.
Refusent le sort, le droit,
la loi... du plus fort.
Refus de complicité,
de meurtre légal, racial,
idéologique.
Refus de service:
stigmatisés
bons à rien, qui
refusent d’être
de bons aryens.
Il ne faut pas les oublier.
Il ne faut pas les trahir.(1)

Levain du petit pays,
refuse de ne pas
se lever, quitte à en crever
Héros ? Que dalle !
Ecole buissonnière,
simplement. Il n’y en a
rien à foutre de mourir
debout ou autrement,
Afin de, ne pas vivre
couchés. Tout le monde
meurt tôt ou tard,
alors eux préfèrent
vivre debout. Pour
être couchés, il y a
toute l’éternité.
Il ne faut pas les oublier.
Il ne faut pas les trahir.

Viles villes, cités occupées,
qu’à ça ne tienne!
Tout peut s’oublier.
Oubliés les petits hommes
jaunes, oubliés ceux qui
jamais ne furent vivants. (2)
Oubliés les morts-vivants,
Oubliés les instigateurs,
Les indicateurs,
Les combinards,
Les profiteurs
Les sbires...  Reste
l’école buissonnière,
école de Justice, liberté,
la fraternité des monts, des
grottes, forêts, fourrés, des
Ardennes, de l’Ardèche,
de l’Allier, des Pyrénées.
Morts ou vifs aujourd’hui,
quelle importance ?
Ils sont notre liberté,
notre vie. Ceux-là,
il ne faut pas les oublier.
Il ne faut pas les trahir.

Nés bien plus tard,
hier des années,
demain des siècles,
nous leur devons d’être
dispensés de tuer
ou d’être tués légalement,
de dénoncer ou d’être
dénoncés légitimement, de
torturer ou d’être torturés
au nom du droit, du juge
accommodant, complice
Du plus fort, du SS,
du Feldgrau, du Reich
millénaire, parce que
l’on est juif
ou socialiste
ou anarchiste,
ou réfractaire,
ou communiste,
ou libre-penseur,
ou libre parleur,
ou tout simplement,
autrement.
Il ne faut pas les oublier.
Il ne faut pas les trahir.

Il veille,
souvent imberbe,
Luger chapardé
Dérisoire
au poing... sans rides
sans callosités,
sur le camarade qui dort
Sur la paille.
Grange abandonnée.
Veille avec ses camarades
au sabotage, oeuvre à
l’effondrement
de l’empire millénaire.
Ils veillent sur le sommeil
des citoyens ordinaires
du troisième millénaire,
afin que je vive, que tu
vives, qu’ils vivent,
que nous vivions
debout.
Il ne faut pas les oublier.
Il ne faut pas les trahir.

Arme volée à l’occupant
et rendue au ferrailleur,
car contrairement
aux tiques de la cité
aux idéologues Parabellum,
de Berlin à Paris, de Liège
à Heidelberg, ils veulent
croire à l’Europe
de la fraternité, eux,
au Luxembourg carrefour
de vie, au «vis in pacem
para pacem», (3) car ils ont
dix-huit à vingt-six ans,
parfois trente-cinq,
éternellement.
Il ne faut pas les oublier.
Il ne faut pas les trahir.

Six mille moururent
du petit Grand-duché, (4)
mais non Madeleine, Jos,
ou mille autres, ni Charles
Marx, trahi plus tard
par la paix et la mémoire
balayées sous le tapis
pas encore (vraiment)
d’orient, justement.
Vingt-et-unième siècle
Immortels, ceux
du maquis, cependant,
pour nous et pour
nos gosses surtout...
Il ne faut pas les oublier.
Il ne faut pas les trahir.


1)  Ces deux derniers vers formant refrain tout au long du poème sont bien du docteur Charles Marx et terminent à l’origine son article «Les maquis, l’Avant-garde de la Résistance», dans la brochure «Fir d’Freihét, D’Kommunistesch Partei Letzeburg 1940-1944». En voici un extrait: «... Dans les rangs des maquisards français et belges, de jeunes luxembourgeois (...) se sont distingués par leur élan et leur ardeur combative (...) ils se sont battus pour la liberté de leur pays avec le même courage et la même abnégation que leurs camarades des armées régulières. Et beaucoup d’entre eux ont payé de leur vie de n’avoir pas voulu devenir allemands. Il ne faut pas les oublier. Il ne faut pas les trahir.» Il va sans dire que cet article a tout entier inspiré mon «poème».

2) Dante Alighieri, Divine Commédie, l’Enfer : “Questi sciaurati, che mai non fur vivi...” que Louis Ratisbonne traduisit librement par «Ces lâches, toujours morts, même pendant leur vie...» sur www.pierdelune.com/dante1.htm

3) «Si tu veux la paix, prépare la paix». Dans ma phrase le «para pacem» s’oppose au «para bellum» du néfaste proverbe «Si tu veux la paix prépare la guerre» tiré des «Epitoma rei militaris» de P. F. Vegetius Renatus (IVe-Ve siècles de notre ère)

4) selon l’article «Luxemburg in den beiden Weltkriegen» de Georges Hausemer dans son «Luxemburger Lexikon» (Guy Binsfeld 2006) la 2e guerre mondiale aurait coûté au Grand-duché ~2% de sa population de l’époque, donc proportionnellement bien plus qu’aux alliés belligérants occidentaux: Grande Brétagne 0,7%, Belgique 1%, France 1,7%.


Ce poème de Giulio-Enrico Pisani a été lu par l’écrivaine et peintre Michèle Frank lors de la présentation de l'essai biographique « Charles Marx, un héros luxembourgeois… » de Giulio-Enrico Pisani au Centre des Arts Pluriels d'Ettelbruck/Luxembourg, le 12 novembre 2007.