lundi 10 octobre 2016

Vient de paraître

Chers amis, j'ai le plaisir de vous annoncer la toute récente parution de ce livre.

vendredi 7 octobre 2016

Nouvelle publication. Actes du colloque de Sfax. Eidôlon Presses universitaires de Bordeaux.





Textes réunis et présentés par Agnès Lhermitte et Elisabeth Magne avec la collaboration d'Hichem Ismail. 

Table des matières

Avertissement de Danièle James-Raoul........................................................ ......... 5
Préface d’Agnès Lhermite et Elisabeth Magne............................................. ......... 7
Introduction de Jean-Jacques Wunenburger :
Le sacré. Invariants et variations........................................................................ ......... 9
Le sacré au creuset de l’écriture moderne................................................. ....... 17
Claude Puidoyeux : Les Aventures de Pinocchio, entre « gaminerie »
et anthropogonie.............................................................................................. ....... 19
Jalel El Gharbi : Du sacré chez Darwich......................................................... ....... 33
Zhi Bie : Joë Bousquet, poésie de l’être inaltérable................................... ....... 43
Éléonore Coma : Saint-John Perse et le sacré............................................. ....... 51
Rachida Simon : Spirale, volute, étoile et arabesque. L’imaginaire
du sacré chez Mohammed Dib................................................................... ....... 59
Images, art et sacré............................................................................................... ....... 71
Loula Abd-elrazak : Entre sacré et profane : les images des miracles
de Nostre Dame du ms. fr. 9198................................................................ ....... 73
Bénédicte Maselli : Invariance et contemporanéité du sacré
dans le Théâtre des Orgies et des Mystères d’Hermann Nitsch...... ....... 85
Frédérique Aufort : Le rapport acteurs-marionnettes-spectateurs
dans Kindertotenlieder (mise en scène Gisèle Vienne) et la philosophie
de Georges Bataille........................................................................................ ....... 97
Élisabeth Magne : Où vont les anges d’Antony Gormley ?..................... ..... 109
La femme face à l’ambivalence du sacré.................................................... ..... 117
Najate Nerci : Le mythe de la côte courbée ou la géométrie imaginaire
du corps féminin.............................................................................................. ..... 119
Agnès Lhermitte : L’imaginaire du sacré, ferment de deux légendes
féministes contemporaines.................................................................................. 131
Saim Voussad : Figures de méditation et dimension du sacré
dans Désert de Le Clézio.............................................................................. ..... 141
Représentations et réalités actuelles............................................................. ..... 151
Ali Abassi : Sacré et révolutions : aspects de la doxa du printemps arabe.
Salafisme, utopisme et sexualité............................................................... ..... 153
Amina Ben Damir : Parole donnée est-elle sacrée ?................................... ..... 165
Henri Hudrisier, Ghislaine Azémard, Jean-Pierre Dalbera et Xiao Zhang :
Pluralité des cultures sacrées et mondialisation des musées......... ..... 171


mardi 4 octobre 2016

Mais quel problème avons-nous avec la mort ? Giulio-Enrico Pisani (paru dans le Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek)

Jérôme Bosch, Le Jardin des délices. Vers 1490

Avant d’essayer de répondre à cette joyeuse question par quelques réflexions, il faut que je vous avoue, amis lecteurs, que l’idée de cette page m’a été suggérée par le splendide article de Jacques Wirion dans d’Land-Feuilleton du 5 de ce mois : « O Tod, reich mir deinen Stachel ! » (1). Très réceptif à la subtile philosophie wirionesque, que je connais par les nombreux articles, essais et recueils d’aphorismes de Jacques (2), mais divergeant sur certains points de son pseudo-appel à la mort, j’eus deux réactions. La première fut d’écrire au Lëtzebuerger Land sous « droit de réponse » ; mais je me suis dit « à quoi bon ? », puisque je ne conteste guère ce mini-essai dans son ensemble. La seconde, qui me parut plus constructive, fut de vous faire part dans notre bon vieux canard de mes propres réflexions sur le sujet.
Notez, le fait que la mort, selon Jacques Wirion, puisse être équipée d’un aiguillon plutôt que de sa traditionnelle faux à blé, ne m’a pas troublé outre mesure. Je compris en effet très vite qu’il ne parlait point de la mort elle-même, mais de la grotesque perception qu’en ont, toutes croyances confondues, les membres de l’espèce « homo sapiens religiosus » (3). Je ne retiendrai toutefois ici ni l’un ni l’autre de ces redoutables instruments, dont il n’est guère souhaitable détourner l’usage premier : défense/agression chez les insectes et fauchage chez l’homme. Encore que, au 21e siècle, une mort religieuse moderne devrait préférer une moissonneuse-lieuse-batteuse-trieuse Fendt, Massey Ferguson ou autres John Deere dernier cri. Dieu ferait ainsi l’économie du purgatoire, les patients (pour l’éternité – ils ont intérêt à l’être, patients) de Satan seraient déjà mis en condition, sans compter les économies de main-d’oeuvre et de logistique célestes. Quant à George Clooney, il pourrait peut-être renoncer à corrompre St. John Malkovich (St. Pierre a été recalé au casting) à coups de capsules d’un certain espresso.
Mais cessons donc de parler de cette perversion de l’esprit, qui est de croire que la mort serait l’état de l’être vivant quitté par la vie, ou, pis encore, maquiller cet état de non-être des bipèdes déraisonnables que nous sommes avec un fantaisiste placebo appelé vie éternelle. Celle-ci n’existe pas plus que la mort en tant que état. Ce que nous pouvons réellement redouter, ce n’est pas d’avoir quitté la vie – on ne craint plus rien à ce moment là, c’est la manière dont nous la quittons. Ce n’est donc pas la mort qui terrifie consciemment ou subconsciemment la plupart des gens. On craint le fait de mourir, c’est-à-dire le chemin vers le moment où l’on meurt, avec toutes les souffrances tant physiques que morales, plus ou moins grandes, plus ou moins longues, qui l’accompagnent. Car le fait d’être mort n’a en soi jamais dérangé personne, pas plus que de ne pas être né. Ou bien auriez-vous déjà entendu quelqu’un n’existant pas se plain-dre d’être mort, ou de ne pas être né ?
La vie n’est en effet qu’un minuscule fragment, agité, désordonné, accidentel du temps. La vie n’est qu’une parenthèse dans l’éternité, une brève apparition entre deux néants. « La vie n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre acteur qui se pavane et s’agite durant son heure sur la scène et que, ensuite, on n’entend plus… », écrivit il y a plus de quatre siècles William Shakespeare. À quoi on peut ajouter que, tout en étant partie prenante au sein du phénomène de la vie, l’être humain n’en est à son tour qu’une manifestation infinitésimalement minuscule. C’est une belle prétention et une aberration abyssale, de croire que des extrapolations imaginaires de cette brève apparition, donc conjecturées durant une microscopique parenthèse, puissent se réaliser de quelque façon. Et comment croire que le néant entourant ce quasi-rien coincé entre deux infinis (4), – l’avant et l’après –, soit peuplé de nos avatars se réincarnant à la chaîne, ou de nos âmes chantant sans fin les louanges d’un créateur, quand elles ne rôtiraient pas sur d’immenses barbecues ?
En fait, ce qui nous touche, qui parfois nous fait peur, et ce, que nous ayons foi en quelque divinité ou non, ce n’est pas la mort, qui est le Rien et dont il n’est d’aucune importance que nous y croyons ou moins. Ce qui tourmente réellement la majorité d’entre nous, c’est donc le mourir en soi, qui est rarement indolore ou instantané et s’accompagne souvent d’une plus ou moins longue déchéance physique. Aussi, ne puis-je que m’étonner chaque jour qui me rapproche davantage de l’inévitable fin, comment et pourquoi des milliards de personnes se laissent fourvoyer par quelques millions de bonimenteurs de salut éternel. On comprendrait tout au plus que les masses s’en amusent, comme devant une tragicomédie horrifique, deus ex machina et autres effets spéciaux compris. Les producteurs, metteurs en scène et acteurs de ce grand cirque universel ne lésinent en effet pas sur les moyens et emploient des méthodes aussi hilarantes que surréalistes. Et ça marche. Et ça rapporte, car ils savent se moderniser, s’adapter. Leurs méthodes peuvent aussi bien tenir du magicien–illusionniste que du vendeur de potions universelles ou de lotissements sur Saturne. Et ne parlons même pas de leurs bons de réduction de peine de purgatoire (indulgences), voire même des acquittements ou non-lieux qui vous éviteraient l’enfer (absolution).
Face à ces éléments, n’importe quelle personne sensée et disposant de son libre arbitre, c’est-à-dire affranchie de tout endoctrinement et préjugé, se demandera pourquoi tout ce beau monde croit (ou fait semblant de croire) à une vie après la mort. Lucide, l’écrivain hongrois Imre Kertész, cité par Jacques Wirion (tiens, encore lui !) dans son article « Glaubensverweigerung » (Kulturissimo 9.7.2009), affirmerait que « cela n’a aucune importance (de savoir) s’il (dieu) existe ou non (5), mais uniquement (de savoir) pourquoi nous croyons qu’il existe ou n’existe pas ». Et le philosophe Jean Quillen de rappeler que Wilhelm von Humboldt (6) avait déjà répondu à la question « Pourquoi croyons-nous en Dieu ? ». Parce que nous croyons qu’il existe ? Mais non, il a répondu : « Parce que, sans cela, notre vertu serait sans but ». Ajoutez-y le désir de voir les méchants punis, au moins après leur mort, donc dans une autre vie, et voilà réunis tous les ingrédients de la plus grande arnaque de tous les temps.
Alors, tout comme dans les romans policiers, où l’on voit des flics corrompus chicaner ou tenter d’éliminer la nouvelle recrue honnête, qui compromet leur système de pots de vin, l’établissement théo-capitaliste condamne ceux qui, athées, font le bien sans exiger de ticket d’entrée au paradis. Les victimes de leur harcèlement sont donc ceux qui affirment tout haut que le roi est nu. Ceux que furent naguère, par exemple, pour l’église catholique, les sorcières et les savants hérétiques, sont aujourd’hui ces personnes qui affrontent l’opinion dominante pour clamer leur liberté de penser, ainsi que le droit à disposer de leur corps et de leur vie. (7) Encore heureux que chez nous les moyens de « persuasion » catholiques aient changé ; ce qui n’empêche pas que dans d’autres religions on massacre encore quotidiennement du mécréant présumé. Mais restons vigilants, car rien n’est jamais acquis. Après tout, la dernière guerre, sinon de religion, du moins envenimée par la religion, opposa en Europe orthodoxes, musulmans et catholiques jusqu’en 2001. Quant à imaginer des dignitaires catholiques comme l’Archevêque André Léonard, pourtant à peine intronisés par Rome, détenir quelque pouvoir, ça donne froid dans le dos. (8)
***
1) En français : « Oh Mort, tends-moi ton aiguillon ! ». Wirion s’inspire ici de la première épître aux Corinthiens, ou l’on peut lire la question-invocation « Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? »
2) Notamment « Sätzlinge », Phi 1993, « Der Augenblick schwebt über dem Fluss », Phi 1999, « Sporen », Op der Lay 2005, « Unglaubensgespräch » C.H.Beck, München, 2006 et « Hirnflöhe », Phi 2006, présenté le 16.2.2006 dans ces colonnes.
3) Appellation inexistante, bien sûr. Mais ne dirait-on pas des fois, que chez la majorité des primates humains (homo sapiens sapiens), certains chromosomes déterminant la raison et la sagesse (sapientia) ont été remplacés par ceux de la religion et de la superstition (religio) ?
4) Et encore, exclusivement chez l’homme, du moins selon la plupart des religions, car il y en a qui accordent une âme aux animaux, voire aux végétaux et même au monde minéral.
5) … avec tout ce qui l’accompagne, je suppose.
6) Wilhelm von Humboldt (1767-1835), linguiste, diplomate et philosophe allemand, frère du célèbre naturaliste Alexander von Humboldt. Novateur et anticonformiste, il peut être considéré dans une certaine mesure comme étant le précurseur de Heidegger, Habermas et Noam Chomsky. Quoique croyant, Humboldt reconnaît ici implicitement que la religion est une institution destinée à maintenir dans la « vertu », donc dans l’obéissance, les subalternes, les femmes et les « petites gens ».
7) D’authentiques démocrates – athées, libres penseurs, marxistes ou autres – ne voudraient jamais limiter le droit d’une femme à ne pas avorter, ou le droit d’une victime de maux insupportables de continuer à les endurer, ou celui d’un mouton à se faire tondre et réconforter par le berger de son choix.
8) Lire « Gegenwind für erzkatholischen Hardliner » > Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek du 13 novembre, page 4 (aussi sur www.zlv.lu).
Giulio-Enrico Pisani

samedi 1 octobre 2016

Nouvelle publication autour de l'oeuvre de Francis Jammes



Les Cahiers Francis Jammes n° 4 et 5 sont sous presse. Ils seront bientôt  disponibles au siège de l’Association des amis de Francis Jammes. Il s’agit d’un numéro double de  274 pages( 158 x 240 mm.) Pour toute commande prendre contact avec l’association  : 7, avenue Francis Jammes (64 300 Orthez) - tél. : 05.59.69.11.24 - mél : ass.fjammes@wanadoo.fr
Le numéro sera mis en vente au prix de 20 €.

Ont contribué à ces numéros : Nicolas Newman, Mikaël Lugan, Jacques Le Gall, Catherine Dubuis, Marguerite Burnat-Provins, Bernard Grasset, Rachel , Bertrand Degott, Alain Chevrier,  Jalel El Gharbi, David Galand, Hugo Hengl, Joachim Schultz, Grégory Haleux, Jean-Joseph Rabearivelo, Guillaume d’Abbadie d’Ithorrotz, Jaume Galmés,  Jacques Lardoux, Pierre Lachasse, Frank Javourez avec des illustrations de Marc Brunier  Mestas. 

Colloque Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de La Manouba et Académie de Tunis

Pratiques langagières des "jeunes" dans les milieux urbains au Maghreb 

Le 3 avril 2017


Faculté des Lettres des Arts et des Humanités de Manouba

Faculté des Lettres des Arts et des Humanités de Manouba

École Doctorale Communication, Culture, Patrimoine

UR : Analyse Textuelle, Traduction et Communication

UR : Recherches en Littérature médiévale, Moderne, contemporaine et Didactique du français.

Normandie Université de Rouen
Laboratoire de recherches DYLIS « Dynamique du langage in situ »
En partenariat avec l’Académie Tunisienne des Sciences, des Lettres et des Arts Beït al-Hikma
Organisent un Congrès international sur Pratiques langagières des « jeunes » en milieu urbain au Maghreb
Tunis, 3-6 avril 2017


Depuis leurs indépendances, les sociétés maghrébines connaissent des mutations sinon radicales, du moins très profondes. Le développement urbain des grandes métropoles, la mondialisation, l’exode rural, les flux migratoires, la mobilité socioéconomique et l’utilisation grandissante des nouvelles technologies de la communication ont provoqué des changements majeurs au niveau des sociétés maghrébines. La Tunisie, tout particulièrement, a connu une révolution, en 2014, qui, sur le plan politique, entre autres, a libéré la parole publique et mis fin à une censure qui a touché tous les domaines. Ces changements sociopolitiques ont entrainé de nouvelles pratiques sociales et linguistiques, notamment chez une catégorie de la population, celle des jeunes générations. Plus généralement, depuis les années 80, en Europe et aux Etats-Unis, en particulier, des travaux s’attachent à étudier les rapports entre l’environnement urbain, dans la plupart des cas, pluriculturel et plurilectal, et des pratiques langagières propres à des groupes de jeunes (J. Cheschire[1], 1987 ; P. Eckert[2], 1989 ; J. Billez[3], 1992 et bien d’autres). Mais avant d’aller plus loin dans la réflexion sur les liens entre jeunesse et langage, interrogeons-nous sur le vocable « jeune » : que signifie, au fait, être « jeune » ? S’agit-il tout simplement d’une catégorie d’âge intermédiaire entre l’enfance et l’âge adulte qu’il faut appréhender en tant que telle ? L’hypothèse de l’existence de pratiques langagières « spécifiques aux jeunes » pose-t-elle la question de la pertinence de la dénomination « parlers jeunes » ? (M. Auzanneau & C. Juillard[4], 2012) ? Pour P. Bourdieu[5] (1984), la catégorie « jeune » n’est pas une donnée mais une construction. Pour J. Lefort[6] (2012, 83), ce n’est pas la tranche d’âge à laquelle appartiennent les individus qui est pertinente mais ce sont plutôt les rôles sociaux qu’ils y tiennent en fonction de leurs activités. Jusqu’à quel point ces pratiques langagières, observées chez les jeunes générations, constituent-elles des traits linguistiques particuliers ? L’émergence de ces pratiques langagières est-elle provoquée par le développement urbain et les nouveaux contacts de langues, liés à toutes sortes de mobilités sociales ou économiques ? En quoi ces pratiques langagières des jeunes diffèrent-elles des plus âgés ? (R. Chennoufi-Ghalleb[7], 2009)
Se focalise-t-on sur les pratiques langagières des jeunes par ce que les changements les touchent de façon plus intense ? Ou parce que les jeunes sont plus concernés par la mobilité, l’éducation et le travail ? Les nouvelles technologies de la communication, les télévisions satellitaires, les téléphones portables et internet touchent-ils plus particulièrement, plus intensément et plus rapidement les jeunes parce qu’ils ont davantage accès à ces objets numériques modernes, devenus incontournables dans leur vie quotidienne ?
Si l’on admet, donc, qu’il existe chez les jeunes, au Maghreb, des façons de parler qui leur sont propres et qui sont identifiées comme telles par les autres locuteurs, jusqu’à quel point on considère que ces traits linguistiques deviennent des outils permettant de construire une catégorisation sociolinguistique dite « parlers jeunes » ? Par ailleurs, compte tenu de la situation diglossique classique, au Maghreb, s’agit-il, tout simplement, d’un phénomène lié à une tradition orale ? Les langues premières des jeunes Maghrébins ne sont pas standardisées, ni les normes ne sont fixées, ce qui laisse la place à toutes sortes d’innovations langagières, même si elles ne sont pas réservées exclusivement aux jeunes.
Si nombre de travaux portant sur cette problématique existent, notamment en Europe et aux Etats-Unis, ce n’est pas le cas au Maghreb. Pour ne parler que du cas tunisien, hormis les travaux– dont certains sont précurseurs – de Z. Riahi[8] (1970), M-H. Ounali[9] (1970), H. Skik[10] (1976), A. Brahim[11] (1994), M. Souhnoun[12](2006), R. Channoufi-Ghalleb (2009), les rapports entre « jeunes » et pratiques langagières ont été très peu explorés. Sans doute rien que ce manque justifie-t-il la nécessité d’organiser ce colloque international dédié à cette problématique.
Pour mieux saisir ces traits langagiers spécifiques aux jeunes, nous attendons entre autres des contributions se fondant sur deux types d’approche, une principalement descriptive qui s’attache à analyser ces manifestations sur le plan phonique, lexical et syntaxique (débit de parole, accent, rythme, usages de l’emprunt, du calque ou du code-switching). Sur le plan sociolinguistique, en particulier, il s’agit d’observer les types de contacts linguistiques et leurs significations sociales (formes de prestige vs formes de moindre prestige, effet de mode, traits d’individuation sociolinguistique au sens de J.B. Marcellesi[13], 1986, etc.). La seconde approche est de type épilinguistique mettant l’accent sur les représentations et les discours portés sur les pratiques langagières des jeunes. Comment l’enseignant, le rappeur, le cinéaste ou l’écrivain reçoivent-ils ces pratiques ? Qu’est-ce qu’ils en font ? Certains travaux ont saisi ces « innovations » comme des paroles « déviantes » par rapport à une norme bien établie. En France, « le parler jeune » est socialement stigmatisé, car il est souvent associé aux « banlieues » (J.-P. Goudaillier[14], 1998 ; N. Duchêne[15], 2002) ou aux « quartiers difficiles » (F. Mellier & F. Laroussi[16], 1998, T. Bulot et N. Tsekos[17], 1999). Qu’en est-il au Maghreb ? D’autres ont analysé ces innovations langagières comme des formes cryptiques (L. Rosier & Ph. Ernotte, 2001[18]) que partagent les jeunes afin de se créer un univers qui leur est propre et est, dans la plupart des cas, lié à des revendications identitaires (T. Bulot[19], 2002). Mais de façon générale, la littérature sociolinguistique abonde de travaux ayant mis l’accent sur l’émergence de façons de parler symbolisant des identités particulières tout en questionnant la relation entre l’âge, les différentes formes langagières et le changement linguistique (W. Labov[20], 1963, 1972 ; J-P. Blom et J.J. Gumperz[21], 1972 ; D. Parkin[22], 1977, L. Milroy[23], 1980 ; P. Auer[24], 1998 ; J. Urry[25], 2005…) J. Lefort (op.cit.) a, pour sa part, montré que certains jeunes originaires des campagnes modifient leurs pratiques langagières au contact de la ville. Que se passe-t-il dans nos villes au Maghreb ?
Par ailleurs, on ne peut esquisser une problématisation des rapports entre jeunesse et pratiques langagières en milieux urbains au Maghreb sans mentionner l’impact des nouvelles technologies sur ces pratiques, notamment à l’écrit (M. Martin-Jones & K. Jones[26], (ed.), 2000 ; K. Waterschool & M. Van Herreweghe[27] (2007) ; F. Laroussi[28] (ed.), 2011). En effet, les travaux de J. Anis[29] (1999 ; 2001), F. Liénard[30] (2013), A-M. Paveau[31] (2013), F. Laroussi & F. Liénard[32] (2008 ; 2013), S. Zlitni & F. Liénard[33] (2013), pour ne citer que ceux-ci, se sont intéressés à la façon dont les jeunes s’approprient les communications médiées par téléphone (CMT) et par ordinateur (CMO). L’apparition de nouveaux objets numériques connectés à internet permet aux jeunes un nouvel horizon communicationnel (blogs, divers réseaux sociaux, sms, tchats, mails…). Pour P. Lardellier[34] (2006), les jeunes générations ont grandi avec un portable à la main et une souris dans l’autre. Ils inventent une nouvelle culture numérique dont les codes leur sont spécifiques. Grâce à leurs écrans magiques, ils se jouent de la langue, de l’identité, du savoir, de la norme, de l’orthographe… Pour tenter de rendre compte de ces formes langagières protéiformes, mais cohérentes par rapport au contexte sociolinguistique où elles s’inscrivent, les chercheurs parlent tantôt « d’identité virtuelle » tantôt de « e-diaspora » (D. Carpenter[35] (2011) ; D. Marley[36] (2011) ou « d’écrilectes » (F. Laroussi et F. Liénard (op.cit.)). D’autres comme I. Pierozak[37] (2010), R. Joannidez[38] (2014) ou F. Liénard & M-C. Penloup[39] (2009) se sont intéressés à l’impact de l’écriture électronique sur l’apprentissage de l’orthographe française. Quant à A-M. Paveau (op.cit.), elle s’est intéressée à l’écriture et à la création littéraire sur Twitter, la « twittécriture » ou la « twittérature ». Comment fabrique-t-on du littéraire avec des formes brèves ?
Ce sont là autant de questions auxquelles les réponses ne sont pas du tout évidentes mais que nous soumettons à la réflexion des intervenants. Sans vouloir pour autant circonscrire les champs d’investigation de la recherche, nous suggérons les axes de recherche suivants :
Axes de recherchePratiques langagières des jeunes et situations d’interaction Pratiques langagières, contacts des langues, changement linguistique Pratiques langagières des jeunes, discours et représentations Pratiques langagières des jeunes et acquisition des langues Pratiques langagières des jeunes et nouvelles technologies de l’information et de communication (identités linguistiques, identités numériques, identités virtuelles) Pratiques langagières des jeunes et expressions artistiques
Les langues du colloque sont l’anglais, l’arabe et le français
Comité d’organisation
Ben Mustapha Heïkel, Université de Manouba, Tunisie
Ben Rejeb Inès, Université de Manouba, Tunisie
Ghoul Hasna, Université de Tunis, Tunisie
Kheriji Rym, Université de Manouba, Tunisie
Laroussi Foued, Université de Rouen
Zaiem Farah, Université de Manouba, Tunisie
Comité Scientifique
Achour Moncef, Université de Manouba, Tunisie
Auzanneau Michèle, Université de Paris 3 Sorbonne Nouvelle, France
Bacha Jacqueline, Université de Jendouba, Tunisie
Benaissa Zinelabidine, Université de Manouba, Tunisie
Braham Abdelfattah, Université de Sousse, Tunisie
Calvet Louis-jean, Université de Provence, France
Chaouch Mohamed, Université de Manouba, Tunisie
Chérif Mohamed Slaheddine, Université de Manouba, Tunisie
Cherrad Yasmina, Université de Constantine, Algérie
Desprez Christine, Université de Paris IV, France
El Gharbi Jalel, Université de Manouba, Tunisie
Gadet Françoise, Université de Paris10, France
Gsouma Sadok, Université de Manouba, Tunisie
Laouani Fadhila, Université de Manouba, Tunisie
Laroussi Foued, Université de Rouen, France
Liénard Fabien, Université du Havre
Mabkhout Chokri, Université de Manouba, Tunisie
Marzouki Samir, Université de Manouba, Tunisie
Miled Mohamed, Université de Carthage, Tunisie
Miller Catherine, Université de Provence, France
Morsly Dalila, Université d’Angers, France
Mondada Lorenza, Université de Bâle, Suisse
Rifi Hichem, Université de Manouba, Tunisie
Skik Hichem, Université de Manouba, Tunisie
Souhnoun Mokhtar, Université de Manouba, Tunisie
Tabouret- Keller, Andrée, Université de Strasbourg, France
Watson Janet, Université de Leeds, Grande Bretagne
Zlitni Sami, Université du Havre
Coordinateur(s) du colloque : Heikel Ben Mustapha ; Foued Laroussi
Modalité de soumission des propositions de communications :
La proposition de communication doit contenir les éléments suivants:
– un titre de 100 caractères maximum (espaces inclus) ;
– un résumé de 500 mots;
– l’identité de l’auteur ou des auteurs (le prénom, le nom, le statut et l’institution de rattachement) ;
– les coordonnées des auteurs (adresse, E-mail, téléphone) ;
NB : Les participants devront mentionner, au bas du titre de leur communication, l’axe du colloque auquel se rattache leur communication.
Délais de réception des propositions : les propositions de communication doivent être envoyées à l’adresse indiquée avant le 20 décembre 2016 par courrier électronique.
Notification d’acceptation : Les auteurs dont les communications seront approuvées par le comité scientifique recevront la notification d’acceptation à partir du 05 janvier 2017.
Annonce du programme : à partir du 05 mars 2017
Frais de participation : 80 euros (logement, déjeuner, publication)
Adresse mail de référence : Congresmanouba2017@gmail.com
[1] Cheschire J., 1987, Age and Generation specific Use of Language, Sociolinguistics, An International Handbook of the Science of Language and Society, de Gruyter, 761-767
[2] Eckert P., 1989, Jocks and Burnouts : Social Categories and Identity in the High School, New York, Columbia University Teachers College.
[3] Billiez J., 1992, « Le “parler véhiculaire interethnique” de groupes d’adolescents en milieu urbain », Des langues et des villes, Actes du colloque de Dakar 1990, Paris, Didier Érudition, 117-126.
[4] Auzanneau M. & Juillard C., 2012, « Jeunes et parlers jeunes : catégories et catégorisations, Langage et Société, 3 (n°141), 5-20
[5] Bourdieu P., 1984, Questions de sociologie, Paris, Minuit.
[6] Lefort, J., 2013, « Nouvelles pratiques linguistiques dans le Dongxiang : vers une catégorisation d’un parler jeune ? », Langage et Société, 3 (n°141), 71-98
[7] Chennoufi-Ghalleb R., 2009, Langue et représentations générationnelles en Tunisie : pratiques d’hier, pratiques d’aujourd’hui. Thèse de Doctorat, Université de Rouen
[8] Riahi Z., 1970, « Emploi de l’arabe et du français par les élèves du secondaire »,Cahiers du C.E.R.E.S., Série Linguistique, 3, 92-166
[9] Ounali H., 1970, « La langue des étudiants", Cahiers du C.E.R.E.S., série Linguistique, 3, 167-213.
[10] Skik H., 1976, « Aspects du bilinguisme à l’école primaire tunisienne », Revue Tunisienne de Sciences Sociales, 44, 73-116.
[11] Brahim A., 1994, Linguistique contrastive et fautes de français, Tunis, Publication de la Faculté des Lettres de la Manouba, vol. VI
[12] Souhnoun M., 2006, Didactique de l’oral : articulation et harmonisation, Le français aujourd’hui, 3, n°154.
[13] Marcellesi J-B., 1986, « Quelques réflexions sur identité et individuation », La production d’identité, Université Paul Valéry, Montpellier, 81-85.
[14] Goudaillier J-P., 1998, La langue des banlieues, culture ou sous-culture ? Pas vraiment une sous-culture ! www.archives.lien-social.com/dossiers/461a467/464-3.html
[15] Duchêne N., 2002, Langue, immigration, culture : parlers de la banlieue française, Meta, 47/1, 30-37
[16] Mlliani F. & Laroussi F., 1998, « Les comportements langagiers des « Maghrébins-francos » à Saint-Eienne-du-Rouvray : construction d’une identité »,Etudes Normandes, 1, Université de Rouen, 72-83.
[17] Bulot T ; & Tsekos N., (ed.), 1999, Langue urbaine et identité, Paris, L’Harmattan
[18] Rosier L. & Ernotte Ph., 2001, Le lexique clandestin. La dynamique sociale des insultes et appellatifs à Bruxelles. Duclot
[19] Bulot T., 2002, Le langage des jeunes, Images et Science (19e Rencontres Internationales de l’audiovisuel scientifique), Paris, CNRS
[20] Labov W., 1963, « The Social Motivation of a Sound Change », Word, 19, 273-309
Labov W., 1972, Language in Inner City, Philadelphia, University of Pennsylvanie Press
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