Khosrau et Maari خسرو و المعرى
Voici un extrait du Sefer Nemeh (Livre du voyage) de Nassir Khosrau dans lequel il évoque le grand poète Abu-l-Ala-Al-Maari. (Pour en savoir plus sur Khosrau, voir le site de Pier Paolo-dans mes liens)
Le Sefer Nameh, relation du voyage de Nassir Khosrau en Syrie, en Palestine, en Egypte, en Arabie et en Perse, pendant les années de l’Hégirte 347-444 (1035-1042), a été publié, traduit et annoté par Charles Schefer en 1881 :
Un homme du nom d'Aboul Ala el Ma'ary, qui était aveugle, gouvernait la ville. Il était fort riche et possédait un grand nombre d'esclaves et de domestiques.
Tous les habitants de la ville semblaient être ses serviteurs. Pour lui, il avait embrassé la vie ascétique, il portait des vêtements de bure et ne quittait jamais sa maison. Il s'était assigné pour nourriture journalière la moitié d'un pain d'orge et il ne mangeait pas
autre chose. J'ai entendu dire que la porte de sa demeure était toujours ouverte et que ses délégués et ses gens s'occupaient de régler les affaires des habitants; on n'avait
recours à lui que dans des cas importants. Il ne refusait à personne une part de ses biens, il jeûnait continuellement, veillait la nuit et ne s'occupait jamais des affaires de ce monde. Ce personnage a atteint dans la poésie et dans les belles-lettres un tel degré de perfection que
les littérateurs de la Syrie, du Maghreb et de l'Iraq reconnaissent unanimement que, dans ce siècle, personne ne s'est élevé et ne s'élève à une hauteur pareille à la sienne.
Il a composé un ouvrage auquel il a donné le titre de Foussoul ou Ghaiat et dans lequel il a introduit des phrases énigmatiques et des allégories exprimées en un style si éloquent et si merveilleux que l'on ne peut en comprendre qu'une faible partie et qu'il faut lire ce livre devant lui pour entendre ses explications. On lui a reproché d'avoir voulu, dans cet ouvrage, faire la critique du Qoran. Il est toujours entouré de deux cents disciples venus de différents pays et qui se livrent, sous sa direction, à l'étude de la littérature et de la poésie.
J'ai entendu dire qu'il avait composé plus de cent mille distiques. Quelqu'un lui dit : «Dieu (qu'il soit béni et exalté!) t'a donné la richesse et de grands biens; pourquoi les distribues-tu aux autres et n'en jouis-tu pas toi-même?» «Je ne possède rien de plus que ce qui m'est
nécessaire pour vivre», répondit-il.
Lorsque j'arrivai à Ma'arrah, Aboul Ala vivait encore
Le Sefer Nameh, relation du voyage de Nassir Khosrau en Syrie, en Palestine, en Egypte, en Arabie et en Perse, pendant les années de l’Hégirte 347-444 (1035-1042), a été publié, traduit et annoté par Charles Schefer en 1881 :
Un homme du nom d'Aboul Ala el Ma'ary, qui était aveugle, gouvernait la ville. Il était fort riche et possédait un grand nombre d'esclaves et de domestiques.
Tous les habitants de la ville semblaient être ses serviteurs. Pour lui, il avait embrassé la vie ascétique, il portait des vêtements de bure et ne quittait jamais sa maison. Il s'était assigné pour nourriture journalière la moitié d'un pain d'orge et il ne mangeait pas
autre chose. J'ai entendu dire que la porte de sa demeure était toujours ouverte et que ses délégués et ses gens s'occupaient de régler les affaires des habitants; on n'avait
recours à lui que dans des cas importants. Il ne refusait à personne une part de ses biens, il jeûnait continuellement, veillait la nuit et ne s'occupait jamais des affaires de ce monde. Ce personnage a atteint dans la poésie et dans les belles-lettres un tel degré de perfection que
les littérateurs de la Syrie, du Maghreb et de l'Iraq reconnaissent unanimement que, dans ce siècle, personne ne s'est élevé et ne s'élève à une hauteur pareille à la sienne.
Il a composé un ouvrage auquel il a donné le titre de Foussoul ou Ghaiat et dans lequel il a introduit des phrases énigmatiques et des allégories exprimées en un style si éloquent et si merveilleux que l'on ne peut en comprendre qu'une faible partie et qu'il faut lire ce livre devant lui pour entendre ses explications. On lui a reproché d'avoir voulu, dans cet ouvrage, faire la critique du Qoran. Il est toujours entouré de deux cents disciples venus de différents pays et qui se livrent, sous sa direction, à l'étude de la littérature et de la poésie.
J'ai entendu dire qu'il avait composé plus de cent mille distiques. Quelqu'un lui dit : «Dieu (qu'il soit béni et exalté!) t'a donné la richesse et de grands biens; pourquoi les distribues-tu aux autres et n'en jouis-tu pas toi-même?» «Je ne possède rien de plus que ce qui m'est
nécessaire pour vivre», répondit-il.
Lorsque j'arrivai à Ma'arrah, Aboul Ala vivait encore
4 commentaires:
Permets-moi de m'étonner, cher Jalel, de ce que Khosrau présente Aboul Ala el Ma'ary comme un puissant souverain, lorsque mon grand Larousse, mon petit Robert, mais aussi Wikipedia et autres textes en ligne en parlent comme d'un citoyen au départ ordinaire, que l'on peut au mieux supposer issu d'un certain patriciat. Pour le reste ça correspond. À part ça, le côté "constructivement" anticonformiste me le rend éminemment sympathique. Aussi, quelqu'un qui affirme "Les habitants de la terre se divisent en deux,
Ceux qui ont de l'esprit mais pas de religion,
Et ceux qui ont de la religion mais pas d'esprit",
ne peut pas être mauvais.
Franchement, ce serait chouette si tu nous en contais davantage sur le personnage.
Cher Giulio : Maari, malgré lui, était un homme craint par le pouvoir.
Il a acquis par son savoir, par la force de sa poésie un véritable pouvoir.
Je reviendrai sur le parcours de cet homme qui se disait triplement captif (1 parce que non voyant 2 parce qu'il ne sortait pas de chez lui 3 parce que l'âme est dans le corps)
Amicalement
Giulio,
Nasir Khusraw dit que Abu Ala al-Maari était gouverneur de la ville de Maari mais pas qu'il était un "puissant souverain". Abu Ala étant un écrivain reconnu, considéré même comme l'un des plus grands de son temps et en même temps il était enseignant, il avait par conséquent beaucoup de disciples. Il faisait preuve d'une grande générosité envers les habitants de sa ville.
Il y aurait effectivement beaucoup à dire sur le poète. Il a refusé les honneurs des princes et califes et a jalousement veillé à son indépendance et à sa liberté. Ainsi a t-il refusé l'offre du Calife fatimide al-Mustansir de venir auprès de lui au Caire.
Merci Pier Paolo!
Entre Jalel et toi, me voilà en bonnes mains p.d.v. histoire et culture arabe!
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