mardi 20 juillet 2010

Où l'on voit le vieux maître soufi tiraillé entre amour et Amour


Page des Illuminations mecquoises d'Ibn Arabi. première édition. Boulaq.

Dis-moi le Grammairien
Toi qui connais les déclinaisons
Les subordinations
La nature et la fonction
Et l’élision des choses
Lequel prête son nom à l’autre
L’amour ou l’absolu
Qu’il t’arrive de nommer Amour
J’ai cherché cet Amour
Dans les livres, sur les routes
Dis-moi le Grammairien
Ai-je le droit de trouver l’absolu
Dans le vermeil d’une fraise
J’ai sorti les plus beaux poèmes
Pour voir mon amour
Et ma plus belle chemise
J’ai oublié mes prières
Dis-moi d’où nous vient l’amour des sources,
Des dunes
Serait-ce une métaphore de la métaphore
Ou bien la métaphore n’est-elle qu’amour
Des sources, des dunes et des hanches

(Extrait de Prière du vieux maître soufi le lendemain de la fête. Editions du Cygne)

17 commentaires:

Sophie a dit…

La métaphore... l'art d'expliquer l'autre en l'attirant vers soi. Alors oui, c'est définitivement de l'amour...
Bien à vous

Jalel El Gharbi a dit…

La métaphore est ce transport où aller et retour sont identiques. Comme le transport de l'amour.
Je découvre avec plaisir votre blog
Bien à vous

christiane a dit…

Je ne crois pas (amicalement) cher Jalel, que ce transport de la métaphore soit identique à l'aller et au retour. Il y a dans nos impossibles à nommer, l'intuition que dans l'amour, l'irréel se pose sur le réel. Notre voyage va du désir à sa nostalgie comme la beauté que l'on ne peut étreindre. C'est dans le regret et la nostalgie, dans la douceur de ce qui n'est plus, qui a été et qui survit comme une braise, une lumière tremblée, une émotion, que le mot imprononçable a gité, souffle de silence, posé comme papillon sur la lèvre entrouverte et cela votre poème le dit en une musique indicible. Partout, aussi, chez Sophie, dans ses textes mystérieux, je retrouve ces frôlements et dans certains commentaires sur son blog il y a cela, cette vie à fleur de mots, cette vibration. Son dernier texte sur l'enfant est superbe, d'autres plus anciens aussi.
J'aime vous lire mais parfois je ne sais que dire alors je me tais et je vous lis en silence et c'est comme... comme... l'immensité des champs de lin bleu et le vent qui s'y baigne...

Jalel El Gharbi a dit…

Christiane, ce que je voulais dire par ma phrase maladroite c'est qu'il y a en tout transport, amoureux, mystique ou autre un point où la chose et ce qui a l'air d'en être la négation fraternisent.
Je vous remercie de votre commentaire
Amicalement

christiane a dit…

C'est intéressant... comme la lumière et l'ombre... comme l'eau et le feu... comme le sable et la rose...
Cela m'évoque votre approche de la poèsie de José Ensch "De l'amande au vin" - Glossaire d'une oeuvre ; dans les pages denses dédiées au "plein" et à celles du "Près ou loin".

Ainsi, après avoir cité ces quatre vers :
"Quelqu'un écrit le matin
Il écrit le vide
Il écrit le plein
Les visages sombrés"

vous écrivez :
"...le plein n'est pas (seulement) le trait le plus épais dans la graphie d'une lettre par opposition au délié.... Il n'est pas seulement une réalité graphique mais cela qui s'oppose au vide.... Le plein ainsi obtenu n'est ni le plein ni le délié, sans doute ce point de jonction entre eux. C'est-à-dire cela qui n'est ni... ni et en même temps et...et."

Et à propos de "Près ou loin", vous citez ces cinq vers :
"O distance qui sépare les choses et les corps
la bouche de sa faim, la flamme du brasier
O désir du désir séparé
Intrus sans nom
au coeur des étreintes et des mots"

et vous écrivez :
"A relire ce passage, on mesure combien il est centré sur le désir. Ce qu'il insinue, c'est l'existence d'un divorce entre nous et ce à quoi nous aspirons. Mieux encore c'est l'impossible de nos aspirations."

J'ouvre souvent cet immense dialogue posthume entre vous et José Ensch, J'aime aussi la beauté du livre et les aquarelles d'Iva Mrazkova. Une gemme dans la nuit du langage qui envoie une douce lumière...

Jalel El Gharbi a dit…

Chère Christiane, le dialogue avec José Ensch ne fut pas entièrement posthume puisqu'elle a pu lire les premières pages de ce livre. En France, le premier à avoir vu en elle une grande poétesse, c'est sans doute feu Michel Décaudin qui fut son professeur
Merci de cette lecture si attentive. J'en suis comblé
Amicalement

christiane a dit…

Mais je ne savais pas cela : c'est merveilleux si elle a pu lire les premières pages de ce livre. Comme cela a dû être difficile pour vous de ne pouvoir lui offrir, une fois terminé. C'est un ouvrage splendide et José Ensch est une femme-poète tellement voyante...
"Feuilles sur feuilles
les testaments vacillent vers le ciel
palimpsestes dans l'écorce des vents"
Oui, vous êtes encore à l'amble...

Jalel El Gharbi a dit…

Chère Christiane, l'aventure que fut ce livre illustre l'idée que la mort inachève plus qu'elle n'achève
Amicalement

christiane a dit…

oui, car "l'amour est plus fort que la mort"...

Jalel El Gharbi a dit…

Oui, chère Christiane à ceci près qu'en l'occurrence il s'agissait d'une grande amitié

christiane a dit…

oui, à un certain degré ces mots me semblent gémellaires. l'amitié véritable est une expression de l'amour, plus spirituel, plus allégé des passions du corps et du fusionnel,plus serein mais le coeur et l'esprit y trouvent la même joie, le même essentiel, non ?

Jalel El Gharbi a dit…

Dans ce sens vous avez raison, chère Christiane

Halagu a dit…

Je suis vraiment navré mais je n’arrive pas à comprendre- et donc à apprécier- les textes de certains blogs qui se veulent poétiques et surréalistes. Les mots semblent happés au hasard d’un geste aléatoire qui les aligne dans une incohérence désolante. Les textes de Sophie-et je m’exprime sans esprit de polémique- font partie de ceux-là. Je n’y comprends rien, hormis les quelques passages où elle descend sur terre pour parler de son fils. Là les mots deviennent limpides et les phrases ancrées dans la réalité terrestre, cohérentes, atteignent la poésie… Il suffit que je puisse suivre une sente, même escarpée, pour que le voyage devienne possible.

Blue a dit…

Tiraillé entre amour et Amour, je crois cher Jalel qu'il est pus important vital et inspirant d'aimer de l'être que de l'espérer; plus nourrissant de le vivre que de l'attendre, plus puissant de le partager que de l'espérer... Pourtant, pour l'avoir attendu longtemps au coin de ma porte et à l'orée de mn bois et l'y avoir trouvé je dois dire que l'amour n'est pas l'Amour, il en est au mieux l'incarnation, la mise en image , la chair , mais ne peut en être l'Amour attendu, celui là implique d'être et de se permettre et de s'étourdir, celui qu'on s'offre à soi-même pour le répandre et l'offrir.

J'avoue aimer ici l'amour de l'amour et cette particulière ouverture à l'amitié sincère et soleil!

Amitiés
Hélène

ps: que les mots de Christiane me ravissent!!

Belles émotions à vous!

Jalel El Gharbi a dit…

" il en est au mieux l'incarnation, la mise en image", ce sont précisément les conditions de cette incarnation, de cette mise en image qui m'interpellent le plus. Je cherche à "glorifier le culte des images" (Baudelaire)
Merci de votre passage, chère Hélène

Evel a dit…

« Culture d’Islam » par Abdelwahab Meddeb :
superbe, l’émission d’aujourd’hui (25 juillet) – sur fond de concert d’oiseaux – pourrait-elle alimenter votre réflexion ?
Bonne écoute ?

Sophie a dit…

"La mort inachève plus qu'elle achève". Si juste, si beau, Jalel.
Nous mourrons tous avant d'être mûrs, et subsistons, pour toujours inachevés, dans l'esprit de ceux qui nous ont aimés; c'est très peu, mais ce n'est pas rien...
Je vous remercie, Jalel, ainsi que Christiane et Halagu, de votre lecture chez moi. Halagu, continuez, si le cœur vous en dit, de suivre la sente escarpée, vous me trouverez au détour du chemin...
Bien à vous.