Chagall : vol au-dessus de la ville
Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages
Avant de t'apercevoir du mensonge et de l'âge
Tu as souffert de l'amour à vingt et à trente ans
J'ai vécu comme un fou et j'ai perdu mon temps
Tu n'oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter
Sur toi sur celle que j'aime sur tout ce qui t'a épouvanté
Apollinaire. "Zone" Alcools
7 commentaires:
Ma première pensée, cher Jalel, en reliant Apollinaire à Chagall, à été étrangement pour "Le maître et Marguerite". Puis en lisant la suite apollinairienne (ci-dessous), le voyage a perdu son côté féerique pour devenir à la fois rêve et utilité pour ces émigrants de l'époque, que les européens d'aujourd'hui oublient trop volontiers avoir été.
"... Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants
Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants
Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare
Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages
Ils espèrent gagner de l'argent dans l'Argentine
Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune..."
Je dois relire Zone, cher Giulio. Mon pressentiment est que cet exode n'est pas que migration, n'est pas que fait social, il a également une dimension ontologique. Nous sommes tous ces migrants.
Perdre du temps en vivant n’est pas évident. La vie est certainement faite de " douloureux et de joyeux voyages ". Mais heureux qui comme vous, Monsieur Jalel El Gharbi, a fait des parcours exceptionnels dans la création littéraire, dans l’enseignement, dans le civisme et l’honnêteté, dans la bonne conduite en tout lieu et en tout temps , dans l’amour du prochain … dans tout ce qui sert la construction de l’humain, de son intégrité . Merci d’avoir été et d’être toujours un grand modèle de confiance pour nous.
C'est moi qui vous remercie Djawhar, je sais que je dois cet éloge à votre amitié et non pas à mes qualités. Merci
Quelle belle page, et quel beau poème ! Est-ce qu’on ne se sent pas mieux là ? Et puis, cette belle toile de Marc Chagall, que ne nous raconte-elle pas ? N’est--ce pas là Marc avec sa Bella, planant au-dessus de leur ville natale comme des anges ? Sa tendre et bien-aimée Berthe , sa muse, sa création céleste qui remplissait sa vie de splendeur comme "remplissaient" "l'air bleu clair, l'amour et le parfum des couleurs la pièce avec son arrivée." dès qu’il ouvre sa fenêtre, comme il le raconte à son tour avec passion d’elle.
que ne nous raconte-t-elle pas ? (excuses !)
J’aime cette astucieuse façon de procéder dans vos choix de textes, cher ami, et je ne doute pas que la passion qui vous habite du vivant qui vous entoure, de sa diversité, du changement qu’il exhibe à tout moment, votre goût avéré pour le moderne utile ( sans vous détacher de votre tradition ) vous lie sans condition à Apollinaire , amoureux incontesté du vivant, pour qui la ville moderne en est un exemple parfait. Pour lui comme pour vous sans doute, c'est de la vie quotidienne elle même que peut naître le sentiment du Beau.
En fait, ce que je perçois comme très raffiné dans votre réflexion qui a ordonné votre choix, c’est votre considération du beau lié à l'esprit comme (l’unique ?) sauveur du monde. Vous avez entièrement raison de citer la dimension ontologique du poème .Cela nous ramène à l’idée même d’Apollinaire qui allie dans ce poème extraordinaire esthétique urbaine, poésie et une nouvelle portée du religieux et du spirituel. Pour un nouvel ordre du monde (dans ses diverses transpositions)- et nous savons combien l’utilisation de l’anaphore à laquelle recourt le poète d’Alcools est employée à cet effet - le poète fonde sa spiritualité dans le redressement du langage (le vers libre) marié aux métamorphoses incessantes de l’homme et de son entourage.
Le mélange sur le plan de l'énonciation des personnes verbales m’épate aussi ici et en est un très bel exemple de cette imagerie du divers.
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