Eugène Fromentin : La chasse au faucon en Algérie ; la curée
L'explicit d'Un Eté dans le Sahara, récit de voyage d'Eugène Fromentin publié en 1857, est poignant. Le voici :
"N'importe, il y a dans ce pays je ne sais quoi d'incomparable qui me le fait chérir.
Je pense avec effroi qu'il faudra bientôt regagner le Nord ; et le jour où je sortirai de la porte de l'Est pour n'y plus rentrer jamais, je me retournerai amèrement du côté de cette étrange ville, et je saluerai d'un regret profond cet horizon menaçant, si désolé et qu'on a si justement nommé - Pays de la soif.
1 commentaire:
Oui, cet explicit est magnifique, et combien il m’est agréable de rappeler ici que ce "Pays de la soif" est le pays des soifs qui ne seront jamais étanchées (pour l’artiste surtout, l’écrivain et le peintre, et pour celui qui, comme lui, voudrait s’abreuver du dénuement et de la beauté insaisissables) .
"La soif qu’on éprouve, dit Fromentin, en quelques lignes avant cet explicit, ne ressemble à rien de ce que tu connais, elle est incessante, toujours égale ; tout ce qu’on boit ici l’irrite au lieu de l’apaiser, et l’idée d’un vers d’eau pure et froide devient une épouvantable tentation qui tient du cauchemar (…) tout en moi se transforme en appétit sensuel ; tout cède à cette unique préoccupation de se désaltérer." (Un Eté dans le Sahara)
Pays de la soif oui, quand ses femmes parlent "plutôt une musique qu’un langage ", parlent "à peu près comme les oiseaux chantent."et que "pour se plaire" à leurs "entretiens" , "il faut avoir le goût des mélodies incertaines, et (les)écouter parler comme on écoute le bruit du vent." (Une année dans le Sahel)
Et où les hommes "à les écouter parler, quand ils parlent, on les prendrait pour des ancêtres. Tout en eux est pesant ou nonchalant, et cette fatigue ajoute à la dignité des personnes, et cette dignité devient épique." ( Un Eté dans le Sahara)
Pays de la soif parce que son peuple a renoncé aux plaisirs qui donnent soif : un "peuple (qui) possède une vraie grandeur. Il la possède seul, parce que seul au milieu des civilisés, il est demeuré simple dans sa vie, dans ses mœurs, et dans ses voyages. Il est beau de la continuelle beauté des lieux et des saisons qui l’environnent. Il est beau, surtout parce que, sans être nu, il arrive à ce dépouillement presque complet des enveloppes que les maîtres ont conçu dans la simplicité de leur grande âme. Seul, par un privilège admirable, il conserve en héritage ce quelque chose qu’on appelle biblique, comme un parfum des anciens jours." (Un Eté dans le Sahara)
Pays de la soif où "Le silence est un des charmes les plus subtils de ce pays solitaire et vide (qui) communique à l’âme un équilibre que tu ne connais pas, toi qui as toujours vécu dans le tumulte ; loin de l’accabler, il la dispose aux pensées légères (…)le silence répandu sur les grands espaces est plutôt une sorte de transparence aérienne, qui rend les perceptions plus claires, nous ouvre le monde ignoré des infiniment petits bruits, et nous révèle une étendue d’inexprimables jouissances." Ici, on se sent "dénué de tout, sans être en réalité privé de rien."
Un pays de la soif où "L’aube a des lueurs exquises ; on entend des chants d’oiseaux, le ciel est couleur d’améthyste ; et quand (on) ouvre les yeux, sous l’impression plus douce du matin, (on) voi(t) des frémissements de bien-être courir à l’extrémité des palmiers." ( Un Eté dans le Sahara).
"C’est le pays par excellence du grand dans les lignes fuyantes, du clair et de l’immobile, des terrains enflammés sous un ciel bleu, c’est-à-dire plus clairs que le ciel, ce qui amène, notez-le bien, à tout moment des tableaux renversés ; pas de centre, car la lumière afflue partout ; pas d’ombres mobiles, car le ciel est sans nuages." (Une année dans le Sahel)
Un pays de la soif où tout dit en chuchotant presque : "je ne suis pas à boire mais à aimer et à sublimer."
*Cette dernière citation est de moi. Vous remarquerez cher(s) ami(s)que je ne suis pas Fromentin pour dire beau, mais j'arrive peut-être à dire utile.
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