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mardi 27 novembre 2012
En relisant Charles d'Orléans
Le monde est ennuyé de moy
Et moy pareillement de lui.
Charles d'Orléans
6 commentaires:
Djawhar
a dit…
Le monde n’a pas tord de s’ennuyer du poète, cher poète. Si j’étais le monde, je ne cesserais de m’ennuyer de ce qui donne chaque jour à mon visage l’aspect tolérable qui rend le séjour des humains ici- bas plus supportable et moins stupide.
Je trouve que l'ennui dont il s'agit ici est de l'ordre de l'amoureux, en quête désirante, nostalgique d'une fusion, d'une effusion de l'être de vertige qu'est LA RENCONTRE, dans une spirale toute scopique de l'éternelle question: es-tu là, dis, es-tu là, poète? dis, es-tu là , monde? et ça s'in-spire; dis, pourquoi ce gouffre, alors que nos visages s'aiment comme en éclair de retour? Poète, es-tu las? Monde, es-tu las?
L'ennui, cher Mokhtar, n'est-il pas plutôt entendu ici comme détachement épicuro-stoïque par ce prince-poète que sa sagesse (vraie ou raisins verts?)gardait loin des intrigues de la royauté ? C'est ce que les deux vers suivants me semblent expliquer :
Je ne cognois rien au jour d'ui Dont il me chaille que bien poy.
c'est à dire :
Je ne connais rien au monde (actuel) dont bien peu me chaut.
La clé est - je pense - l'ancien verbe chaloir (dont la vox populi et l'Académie n'ont laissé que la 3e personne sing. présent) dans son acception originale, dont dérive la signification moderne "importer", "avoir de l'importance" (peu m'importe, peu me chaut). À l'origine, chaloir signifiait - justement cher Mokhtar - désir, (besoin de) chaleur. Mais ce désir ne lui importe désormais que peu (Dont il me chaille que bien poy). Ce poème me semble, par conséquent, exprimer plutôt lassitude, désabusement, détachement.
Je suis tout à fait d'accord avec toi, cher Giulio,jusqu'à un certain degré seulement car ce nonchaloir ( non-chaloir!)n'est pas extinction du désir amoureux mais langueur préfigurant d'une certaine manière les tempêtes romantiques de l'inconsolé qui s'ennuie de l'aimé qui lui manque, entendu dans le sens de "s'ennuyer de" signifiant ce gouffre d'absence.
Dans "Le poète et le prince, l'évolution du lyrisme courtois de Guillaume de Machaut à Charles d'Orléans", Daniel Poirion semble toutefois abonder dans mon sens, cher Mokhtar et ne voir en ces vers que "retouches apportées à l'image poétique du monde par un prince désabusé". Point d'élan, ni passion, ni puissant désir dans ce poème, mais plutôt désir léger, élégance, superficielle sagesse, raison provinciale et courtoisie tristounette.
6 commentaires:
Le monde n’a pas tord de s’ennuyer du poète, cher poète. Si j’étais le monde, je ne cesserais de m’ennuyer de ce qui donne chaque jour à mon visage l’aspect tolérable qui rend le séjour des humains ici- bas plus supportable et moins stupide.
Le monde n'a pas "tort"...
Toutes mes excuses.
Je trouve que l'ennui dont il s'agit ici est de l'ordre de l'amoureux, en quête désirante, nostalgique d'une fusion, d'une effusion de l'être de vertige qu'est LA RENCONTRE, dans une spirale toute scopique de l'éternelle question: es-tu là, dis, es-tu là, poète? dis, es-tu là , monde? et ça s'in-spire; dis, pourquoi ce gouffre, alors que nos visages s'aiment comme en éclair de retour?
Poète, es-tu las? Monde, es-tu las?
L'ennui, cher Mokhtar, n'est-il pas plutôt entendu ici comme détachement épicuro-stoïque par ce prince-poète que sa sagesse (vraie ou raisins verts?)gardait loin des intrigues de la royauté ? C'est ce que les deux vers suivants me semblent expliquer :
Je ne cognois rien au jour d'ui
Dont il me chaille que bien poy.
c'est à dire :
Je ne connais rien au monde (actuel)
dont bien peu me chaut.
La clé est - je pense - l'ancien verbe chaloir (dont la vox populi et l'Académie n'ont laissé que la 3e personne sing. présent) dans son acception originale, dont dérive la signification moderne "importer", "avoir de l'importance" (peu m'importe, peu me chaut). À l'origine, chaloir signifiait - justement cher Mokhtar - désir, (besoin de) chaleur. Mais ce désir ne lui importe désormais que peu (Dont il me chaille que bien poy). Ce poème me semble, par conséquent, exprimer plutôt lassitude, désabusement, détachement.
Je suis tout à fait d'accord avec toi, cher Giulio,jusqu'à un certain degré seulement car ce nonchaloir ( non-chaloir!)n'est pas extinction du désir amoureux mais langueur préfigurant d'une certaine manière les tempêtes romantiques de l'inconsolé qui s'ennuie de l'aimé qui lui manque, entendu dans le sens de "s'ennuyer de" signifiant ce gouffre d'absence.
Dans "Le poète et le prince, l'évolution du lyrisme courtois de Guillaume de Machaut à Charles d'Orléans", Daniel Poirion semble toutefois abonder dans mon sens, cher Mokhtar et ne voir en ces vers que "retouches apportées à l'image poétique du monde par un prince désabusé". Point d'élan, ni passion, ni puissant désir dans ce poème, mais plutôt désir léger, élégance, superficielle sagesse, raison provinciale et courtoisie tristounette.
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