La puberté
Salah Niazi
Salah Niazi
« J’étais sa
poupée. Elle prenait son bain devant moi et elle me donnait le sein. Une fois
grand, ces images me sont revenues, l’innocence en moins »
La voix s’assombrit dans
ma gorge
Si ma main effleure la
sienne, elle s’enflamme
Quand mon regard s’unit à
ses yeux, il se trouble
Le rêve m’est revenu
Elle était nue en sa
grande taille, il y avait l’eau et l’encensoir
J’ai mâchonné le sein
doucement
Très doucement
Et j’ai dormi comme
l’oiseau sur le lotus de la limite (1)
Le passé ravit ce qui fut
entre nous
Vous vous détourniez alors
de moi, les yeux baissés
Qui donc a momifié
l’alouette
Embrochant dans ses ailes
la peur avec la réglette
Dissimulée sous cape ?
J’entends encore le bruit
de l’eau dans vos tiges sous la lune
Vous avez pris un bain,
tout épanouie et d’un éclat marmoréen
Puis vous vous êtes
secouée comme une alouette
Vous m’avez offert votre
bras en coussin
Vous m’avez donné le sein
comme on donne un fruit
Le rêve est maintenant
pubère
Lui qui ne le devient que
dès lors qu’il
Afflue dans l’éveil et
qu’il habite les yeux et la gorge.
Traduction de Jalel El Gharbi
Traduction de Jalel El Gharbi
2 commentaires:
Superbe et très émouvant, cher Jalel ! Souvenirs, souvenirs... et voilà, en bien plus modeste, ma propre version :
La servante
Femme rustique des Monts Herniques,
jolie femme de Ciociarie,
femme aux muscles magnifiques,
femme de ce qui fut ma patrie,
venue à Rome de tes montagnes
pour servir les riches bourgeois
au lieu d'un pays de cocagne
la guerre civile tu trouvas.
Déchirée par le typhon
d'une guerre qui pourtant l'épargnait
la ville qui te fit le rejeton
d'inconnu que tu portais,
ne reconnaissait plus ses gens
et eussent-elles contribué à la faire,
cité ingrate comblée d'enfants
dont elle avait engraissé sa terre.
Puis, la guerre enfin passée
tu as trouvé un pauvre refuge
dans la pension où je suis né,
arche au milieu du déluge,
parmi les tragiques destinées
de vieux artistes et de poètes,
qui avec mes parents, ruinés,
ne faisaient pas souvent la fête.
A tous ces pauvres moins-que-rien,
auxquels il faut ajouter
Juifs, partisans, politiciens,
fascistes à leur tour pourchassés,
tu dispensais tes sourires
ton amour de femme de peine,
oublieuse de tes soupirs
et de la vie dont tu étais pleine.
Et un beau jour... pas si beau que ça
tu nous quittas sans un au revoir,
et de ma vie tu t’effaças,
mais non de mon coeur, de ma mémoire,
mémoire d'enfant amoureux fou
à peine sevré du sein de sa mère.
Ce n'est pas normal, me direz-vous,
d'aimer à quatre ans des femmes la chair.
Et pourtant c'est bien ainsi,
dix ans avant que je ne sus le faire,
que cet amour je ressentis
faim de la femme, tendresses premières.
Plus de dix lustres ont passé ;
mais parfois je sens encore
sa bouche paysanne sachant aimer,
ses attouchements sur mon petit corps.
Certainement quelques beaux esprits
crieront haro sur la servante,
qui tripotait, sans mal, pardi!
du petit mâle la chair innocente.
(in AMOUR,HUMOUR,FANTASMES & (R)APPELS, Edit. STAN TEPEDE 1999 & 2002
Très beau, cher Giulio. Merci
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