Imaginaires du changement (Tozeur)
Colloque international
Imaginaires du changement
en hommage
au Professeure Hédia Abdelkéfi
Tozeur les 30 avril, 1er et 02 mai 2019
Organisé par I2L (Intermédialité, Lettres et Langages - Université de Tunis El Manar) en collaboration avec l’Institut Supérieur des Etudes Appliquées en Humanités de Tozeur.
Parrainé par le CRI2i (Centre de Recherches Internationales sur l’Imaginaire) et ALTER (Arts, Langages : Transitions et relations - Université de Pau et des Pays de l’Adour).
Alors que prolifèrent les mythologies modernes accompagnant l’homme dans un mode de vie en perpétuel renouveau, le discours critique contemporain, quoique sensible à ces mutations profondes, ne semble pas accorder à l’imaginaire du changement, qui est au cœur de ces processus, toute l’attention requise. Aujourd’hui, à l’heure de la mondialisation, ce qui ressemble à un ouragan de changements prend un nouvel élan. Cette nouvelle ère ne cesse de dicter ses canons, et d’aiguillonner les sociétés, notamment les plus rétives, à opérer des transformations structurelles, qu’elles soient d’ordre socioculturel, économique, politique ou juridique. La révolution technologique et l’émergence des moyens de communication modernes, ayant transformé le monde en un « village global », ont aboli les distances et ébranlé les anciennes évidences identitaires imposant à l’homme de s’engager sur la voie du changement et d’envisager un avenir autre.
Face à ces tendances généralisées au changement qui affectent tous les domaines de la pensée, il nous a paru utile d’interroger ce concept et de penser les mythes et les imaginaires qu’il suscite. Aussi, nous avons choisi comme thème pour ce colloque « l’imaginaire du changement », qui semble aujourd’hui plongé dans une crise profonde dont Paul Ricoeur avait identifié les signes. Ne s’agit-il pas essentiellement d’une crise du progrès qui, tout comme l’ont fait remarquer Edmund Husserl[1] et Jean-Jacques Wunenburger[2], met à mal aujourd’hui la culture occidentale ?
Nous voudrions élargir notre investigation et engager la réflexion sur les enjeux de cet imaginaire, ses représentations dans l’art et la littérature et son impact sur tout type de discours. Il n’est pas inutile de rappeler ici que le changement appelle une série de dénominations selon les contextes théorique, sociologique – englobant l’état d’avancement de la technologie et même l’idéologie politique – et historique : ainsi pris dans toute son extension, le concept n’est pas sans dénoter l’idée de conversion, de modification, de métamorphose, de mutation, de transformation, d’évolution, de révolution, d’innovation, de résistance... C’est en raison de cette difficulté qui empêche de le cerner et de délimiter sa signification que plusieurs recherches – philosophique, sociologique, psychologique ou littéraire – ont été menées sur l’une de ses variantes précitées, se souciant davantage de sa double portée pratique et rationnelle et de ses enjeux réels que du rapport que ce concept établit avec l’imaginaire. Or ce dernier n’est-il pas la clef de voûte de tout changement ? Est-il possible d’envisager un changement sans qu’il y ait en amont un imaginaire collectif et une volonté créatrice qui lui préparent le terrain ? Peut-on concevoir, d’un autre côté, un changement qui ne laisse son empreinte sur l’imaginaire de l’individu et celui de la collectivité ?
Tout en privilégiant les domaines de la philosophie, des lettres, des arts et des médias, nous souhaiterions, lors de ce colloque, nous ouvrir à toutes les disciplines que peut solliciter la réflexion sur « les imaginaires du changement ». Notre objectif est de réunir autour de cette problématique des chercheurs issus de domaines variés pour comprendre comment le changement – qui constitue aujourd’hui une thématique nouvelle dans le domaine du management – a pu être perçu au cours de l’histoire et interroger les grands moments du changement qui n’est a priori que la résultante d’un ethos.
Philosophie, mythe et religion :
L’imaginaire, n’obéit-il pas lui-même à la logique du changement ? N’est-il pas, aux yeux de Castoriadis, le catalyseur des transformations historiques et culturelles ? Selon ce philosophe, il est l’outil d’analyse approprié pour l’étude de l’histoire, qui n’est plus envisagée comme la résultante d’un déterminisme causal, mais plutôt pensée comme autocrétion ? Castoriadis s’est intéressé davantage à l’imaginaire social qui constitue à ses yeux : « l’œuvre d’un collectif humain créateur de significations nouvelles qui vient bouleverser les formes historiques existantes »[3]. L’idée du changement se trouve également chez Paul Ricoeur qui définit ce même imaginaire collectif comme la résultante d’une : « dialectique de l’innovation et de la sédimentation »[4]. Mais ce sont surtout les travaux de Gilbert Durand qui en disent long sur l’historicité de l’imaginaire et la palingénésie des mythes. Partageant avec Mircea Eliade l’idée de "survivances et camouflages des mythes", il qualifie leur évolution en recourant aux concepts de pérennité, de dérivations et d’usure.
Ce colloque sera donc l’occasion de débattre de cette acception de l’imaginaire – défini en termes de changement et de création –, puisant à la fois aux sources mythiques, aux théories de l’histoire et de la société et aux théories du langage et des représentations. Nous souhaiterions également examiner les continuités et les ruptures de l’imaginaire religieux et souligner la dynamique sociale qui se profile derrière le retour du religieux, et la résurgence du sacré.
Art, intermédialité, littérature et linguistique :
En s’autorisant une création sans cesse au bord des cadres de l’expérience – au sens où l’entend Erving Goffman – l’art, notamment dans ses expressions contemporaines, fabrique des micro-utopies dans l’entre-deux du réel et de l’imaginaire et, ce faisant, offre son apport aux mouvements de transformation et d’émancipation. Plus largement, la culture est ferment de mouvement, comme l’ont bien compris les régimes totalitaires qui se sont de tout temps employés à contrôler ces facteurs d’instabilité. Théâtre, cinéma, danse, peinture ; le processus créatif est lui-même nourri par l’« é-motion » et fonde à son tour ce qui nous « déplace ».
Par ailleurs, interroger l’imaginaire du changement dans son rapport avec la création littéraire nécessiterait que l’on réfléchisse – dans une perspective moins synchronique que diachronique – sur la littérature entre continuité et rupture, entre tradition et innovation. Nous voudrions mettre l’accent sur l’alternance des coupures/changements qui ont marqué l’histoire de la littérature de l’Antiquité à la postmodernité. Notre objectif est de cerner les imaginaires créatifs qui ont soutenu l’émergence du baroque, du classicisme, du romantisme – qui a levé l’étendard du progrès – du surréalisme, de l’existentialisme, du minimalisme, du néoréalisme… etc.
Nous souhaiterions aussi interroger les reprises et réitérations du formalisme en tous genres. De nombreux changements ont été en effet réclamés au nom d’un retour à des esthétiques ou théories anciennes. Les penseurs de la Renaissance qui étaient à l’origine de la transition du Moyen Âge aux temps modernes, ont redonné un nouveau souffle à la pensée antique et aux théories aristotéliciennes et l'écriture allégorique médiévale a été autrement reprise par la préciosité des classiques et les esthétiques parnassienne, symboliste, lettriste, etc. Or le retour à ces doctrines anciennes et la résurgence de ces esthétiques ne met-il pas en doute la présomption de changement dans les formes d'art, y compris la littérature ? Ne doit-il pas nous conduire à relativiser nos idées sur la créativité et l’innovation en matière d’art et de littérature ?
Ce colloque ambitionne également d’étendre la réflexion à l’imaginaire de la langue qui n’est pas non plus à l’abri du changement. Produit essentiellement social et indissociable de l’identité, la langue ne peut que subir les mêmes influences qui conditionnent la vie de la société et se soumettre aux fluctuations et aux mécanismes de son évolution historique.
L’ordre de la langue intervient aussi pour une nouvelle définition du texte comme « un appareil translinguistique ». L’évolution des relations textuelles, théorisées par Julia Kristeva sous le concept d’intertextualité, révèle les multiples façons dont un texte littéraire peut se référer à un autre texte. Ce que l’auteure de La Révolution du langage poétique conçoit comme « le passage d’un système de signe à un autre » sera complété sous la plume de Jürgen Erich Müller par un nouveau concept : l’intermédialité. Les multiples interactions entre arts et littérature, littérature et médias donnent lieu à des pratiques expérimentales innovantes. Comme on peut le constater, les processus de transferts, de transpositions, d’hybridations ou de réécritures intermédiatiques attestent largement de la complexité du fait littéraire ; ils offrent ainsi un outil efficace de décryptage du langage et de l’imaginaire du transémiotiques qu’ils sont censé véhiculer.
Qu’il soit de l’ordre du verbal ou du non verbal, le langage traduit les représentations mentales du sujet. Avec l’émergence de la société médiatique, celles-ci sont de plus en plus manipulées par des techniques imaginatives susceptibles de conduire le sujet à adopter de nouveaux comportements. L’intérêt serait alors de penser le changement dans le cadre de la P.N.L.
Histoire, sciences sociales et sciences politiques :
Le changement social est-il nécessairement lié à une crise ? Est-il un évènement accidentel ou un élément moteur de l’histoire ? Nécessite ou fatalité ? S’inscrivant en faux contre la fixité et l’incapacité de s’adapter aux circonstances, Montaigne, fidèle à l’imaginaire humaniste de son époque, valorise la métamorphose et ce qu’il appelle le « mouvement inégal, irrégulier et multiforme »[5] de la vie. Mais développant sa pensée politique, il affirme que « Rien ne presse un estat que l’innovation : le changement donne seul forme à l’injustice et à la tyrannie.»[6]. S’il encourage l’individu à évoluer sans cesse et à refuser de céder à l’accoutumance, Montaigne, sur le plan sociopolitique penche pour le conservatisme. Or nombreuses questions se posent lorsqu’on évoque l’imaginaire du changement politique : peut-on adhérer au changement tout en étant enclin au conservatisme ? Peut-on faire du neuf avec de l’ancien ? Quelles sont les constantes dans l’imaginaire de la réforme, de la révolution et de la contre révolution ? Nous souhaiterions au juste réfléchir sur l’imaginaire qui sous-tend les révolutions et les réformes politiques quelles que soient les raisons au nom desquelles elles se sont imposées : des motivations liées à la religion, à l’économie, à la volonté populaire, à l’esprit national ou à une quelconque idéologie.
D’autre part, les travaux sociologiques sont légion notamment ceux qui traitent de l’impact des grands changements sur l’imaginaire des sociétés modernes et postmodernes ; citons les travaux de Georg Simmel, de Max Weber, de David Riesman, de Michel Maffesoli, etc. ainsi que les nouvelles approches sur l’innovation, les stratégies et l’accompagnement du changement. Nous voudrions que ce colloque soit l’occasion pour faire le point sur ces recherches et en étudier le fondement théorique et méthodologique.
Les communications peuvent être présentées dans une des langues suivantes : français, anglais ou arabe.
Principales échéances et droits d’inscription :
Les propositions de communication en français, en arabe ou en anglais (titre, résumé – une vingtaine de lignes–, 5 mots clefs) seront accompagnées d'une courte notice bibliographique et envoyées au plus tard le 15 février 2019 aux adresses suivantes :
1er mars 2019 : notification de la liste des propositions acceptées.
30 septembre 2019 : rentrée des textes définitifs, accompagnés de leur résumé.
Un droit d'inscription forfaitaire de :
250 € sera demandé aux participants étrangers. Ce droit d'inscription inclut :
- l'hôtel en pension complète pendant 4 jours.
300 DT sera demandé aux participants locaux. Ce droit d'inscription inclut :
- l'hôtel en pension complète (demi-double), pendant 3 jours.
Comité scientifique
Jean-Jacques WUNENBURGER (Université Jean Moulin Lyon 3, France)
Isabelle CHOL (Université de Pau et des Pays de l'Adour, France),
Gérard PEYLET (Université Bordeaux-Montaigne, France),
Elisabeth MAGNE (Université Bordeaux-Montaigne, France),
Jouhaina GHERIB (Université de la Manouba, Tunisie),
Samir MARZOUKI (Université de la Manouba, Tunisie),
Ali ABASSI (Université de la Manouba, Tunisie),
Jalel El GHARBI (Université de la Manouba, Tunisie),
Fadhila LAOUANI (Université de la Manouba, Tunisie),
Héla OUARDI (Université de la Manouba, Tunisie),
Bassem JEMAL (Université de Sfax, Tunisie),
Mounir TRIKI (Université de Sfax, Tunisie),
Ridah ZGAL (Université de Sfax, Tunisie),
Mohamed BENKHALIFA (Cabinet MBC Inc. Québec, Canada),
Corin BRAGA (Université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, Roumanie),
Simona JISA (Université de Cluj-Napoca, Cluj, Roumanie),
Mohamed HAMZA (Université de Sousse, Tunisie),
Alya CHELLY (Université de Sousse, Tunisie),
Tanella BONI (Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire),
Nabila BOUHOUHOU (ENS – Bouzaréah – Alger, Algérie),
Abdel Jlil ELIMAM (École nationale polytechnique d'Oran, Algérie),
Sonia CHAMKHI (Université de Carthage, Tunisie),
Ahmed BEN HAMOUDA (Université de Tunis, Tunisie),
Noureddine NAIFAR (Université Tunis El Manar, Tunisie),
Saloua BEN AHMED Université Tunis El Manar, Tunisie),
Zouhour BEN AZIZA (Université Tunis El Manar, Tunisie),
Youssef BEN OTHMAN (Université Tunis El Manar, Tunisie),
Habiba BOUHAMED CHAABOUNI (Université de Tunis El Manar, Tunisie),
Hayet BEN CHARRADA (Université de Tunis El Manar, Tunisie).
Comité d’organisation
Mouna ABDESSALEM (Université de Sfax, Tunisie)
Lazhar AYDI (Université de Kairouan, Tunisie),
Hayet BEN CHARRADA (Université Tunis El Manar, Tunisie),
Zinet BOUHAJEB (Université de Sfax, Tunisie),
Nesrine BOUKEDI (Université de Carthage, Tunisie)
Béchir BOUOUNI (Université de Gafsa, Tunisie)
Mohamed CHAGRAOUI (Université de Tunis El Manar, Tunisie),
Wafa DAMMAK (Université de Sfax, Tunisie),
Besma HNANA (Université de Sfax, Tunisie),
Hichem ISMAIL (Université de Sfax, Tunisie),
Souha NOURI (Université de Sfax, Tunisie),
Coordinateurs du colloque
Mohamed CHAGRAOUI (Université de Tunis El Manar) et Hichem ISMAIL (Université de Sfax).
Circuit touristique au sud tunisien
Le Congrès qui se déroulera dans un grand hôtel à Tozeur les 30 avril, 1er et 2 mai 2019, sera suivi le jeudi après-midi, après la clôture du colloque, d'un circuit touristique dans le sud tunisien désertique. Au programme : visite de Tozeur et des oasis de montagnes Chebika et Tameghza, balade en 4x4 dans les dunes d’Ong El jemal, visite du décor de Star Wars et dîner en plein désert. Il s’agit d’une excursion optionnelle pour un prix de 70 € par personne.
[1] Cf. La crise de l'humanité européenne et la philosophie, Éditions bilingue, trad. de Paul Ricœur, Aubier, Paris, 1977.
[2] Cf. son livre Le progrès en crise, Editions numériques, EPPR, 2014.
[3] Nicolas Poirier, « Cornelius Castoriadis. L’imaginaire radical », https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2003-1-page-383.htm
[4] Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, pp. 146-147.
[5] Montaigne, Les Essais, Livre III, Edition Villey Saulnier, Pris, PUF, p. 819.
[6] Ibid., p. 958.