mercredi 12 novembre 2008

Un peintre suisse



Portrait de Mimosa telle que rêvée après sa mort.

La distance est implacable. Elle est abîme préfigurant le grand abîme. Ce n’est qu’hier que j’ai appris sa disparition qui remonte au mois de mars.
Je ne l’ai jamais rencontré.
Je n’ai jamais vu que des reproductions de ses œuvres.
Je n’ai eu qu’un bref échange avec lui, qui a commencé je ne sais plus comment et que je n’ai pas voulu prolonger de peur de l’importuner dans son travail.
Il n’est pas mon peintre préféré mais sa démarche est exemplaire. Il est l’archétype de l’artiste.
Victor Ruzo, de son vrai nom Victor Rutz est un peintre suisse né le 22 décembre 1913 et décédé le 26 mars 2008, comme je l’ai appris hier). En 1997 sa maison est ravagée par un incendie. 5000 tableaux partent en fumée. Plus grave encore, sa fille Mimosa, qui est handicapée, y périt. Elle avait vingt ans, l’amour de ses parents. Une tendresse qu’on voit dans tous les portraits d’enfant réalisés par le peintre.
Il est inconsolable. Tentation de suicide. Un an après, il se résout à se donner une raison de vivre, retrouve le goût de peindre et le dégoût de faire face au temps. Il peint sans relâche. De jour et de nuit. Il peint contre le temps qui passe, contre le temps qu'il n'a plus. Il veut refaire son oeuvre. Il dort peu, ne sort pas. Il peint avec frénésie, ferveur, fougue, fureur, fièvre et flamme. Démarche emblématique de ce qu'est l'art. De 1997 à 2008, il œuvre contre le temps.
Il m'invite à une expo en Russie mais mon erreur est de ne pas avoir des ailes de sterne ou de mouette.
Il est mort en mars dernier non sans avoir reconstitué son musée. A Montreuil où je ne suis pas encore allé.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Après la pluie sur Tunis, voici la pluie des yeux ou encore celle du coeur... L'absence de l'ami... L'absence irrévocable, irrémédiable,
ce trou de la mort que l'on ne peut ravauder avec aucune aiguille.
Ces mots qui se perdent dans le trou noir d'une éternité sans fond.
Oui, Jalel, cette pluie là
ravine votre coeur
plus sûrement
que la pluie
sur Tunis...
votre amie,
christiane

Anonyme a dit…

vous avez dit un jour "la littérature sauve",on voit à travers le destin de ce peintre,que toute forme d'art et d'expression sauve.
je pense que l'art s'épanouie et se nourrit exclusivement de la tragédie 'Marcel Proust'le dit très bien .
"le bonheur est salutaire pour les corps,mais c'est le chagrin qui développe les forces de l'esprits"
l'art est le fruit de cette force intérieure culminante.
vous rendez un très bel hommage à l'amitié,très touchant tellement sincére et profond.

Jalel El Gharbi a dit…

@ Christine : Merci chère amie. Votre proximité, malgré la distance, est un bonheur.
@ Olfa : Effectivement l'art semble préférer se nourrir de dragédies, de drames et de chagrins.
Merci d'être passée.

Anonyme a dit…

Un autre peintre suisse (Berne) ayant sejourné à Ezzahra (ex Saint-Germain)..Il s'agit de Paul Klee (1879 - 1940) grand peintre du début du 20è siècle et particulièrement l' ami de Picasso,Wassily Kadinsky et George Braque. KLEE grand théoricien de l'art était poète mais aussi trop passionné par la musique .
Pierre Boulez auteur d'un livre "LE PAYS FERTLE"qui vient de paraître écrira :"""Paul Klee est perçu comme l'artiste qui a tenté une transposition plastique de la musique..."

LU in Wikipédia:....
L'écriture intervient constamment dans ses tableaux. En 1914, Klee séjourne en Tunisie avec August Macke et Louis Moilliet. Ce voyage témoigne de recherches identiques à celles de Delaunay. La démarche décorative, longtemps limitée aux expressions mineures dans la culture occidentale, se confond dans le monde islamique avec l'art tout entier. C'est bien cette harmonie que recherche la peinture de Klee, de Macke et de Delaunay. Le « motif » disparaît au profit d'une perception synthétique, ici plus abstraite encore. Préparant la structure en carrés de son œuvre future, Klee « s'attaque », selon ses propres termes, « à la synthèse architecture urbaine-architecture du tableau ». À Kairouan, il note dans son Journal : « La couleur me possède […] Je suis peintre. » (Journal 9 260) Voilà que s'élabore ce que pressentait Macke dans l'Almanach du Blaue Reiter (1911) : la fusion de l'Europe et de l'Orient, dans ce « troisième style » qui caractérise en effet bien des œuvres de la modernité. Natif de Constantine, cette ville qu'il dit « vieille comme Jugurtha, construite avec des rochers, des ravins, des nids d'aigle et des cactus. (wikipédia)

l'oeuvre caractéristique de Klee comprend 10000 créations avec 4OOO oeuvres réunies .Une collection impressionante de tableaux, acquarelles, dessins, textes biographiques et archives photographiques ..Parmi cela figure un tableau "lE BOUKORNINE" peint par KLEE pendant son sejour en 1914 à Ezzahra qui s'appelait à l'époque Saint Germain.
-----la Municipalité de Ezzahra qui fêtera son centenaire en 2009 annonce la création d'un espace ou d'une galerie qui portera le nom de Paul Klee......

Jalel El Gharbi a dit…

@ Zahraten : je vous remercie pour ce commentaire axée sur Klee. Je me réjouis de savoir que la Mairie de Zahra lui rendra hommage. Un buste du peintre ne serait pas de trop, je pense. Avec des reproductions de son oeuvre.
Une autre ville devrait penser à lui : Kairouan car, comme il le dit dans son Journal et dans son tableau aussi Devant les portes de Kairouan, c'est en Tunisie qu'il eut la révélation de la lumière.
Merci Zahraten et à bientôt.

Ondine a dit…

Très touchée par ces mots, cette histoire exemplaire.
La laisser décanter pour en extraire la quintessence.
Laisser la douleur être transcendée par l'art.
Un combat inégal mais qui vaut la peine d'être mené.

Jalel El Gharbi a dit…

@ Ondine : Merci. Quelle musique choisir pour traduire ce bruissement du silence ? Se contenter d'être à l'écoute. Je n'en sais rien, chère Ondine.
Bien à vous

Anonyme a dit…

c'est un trés beau témoignage , poignant et cett histoire ed vie est bouleversante , je trouve . Comment faire pour continuer à vivre aprés une telle souffrance .Quel énergie a-t-il du puiser un lui pour redonner un sens à sa vie et à son art ...
belle leçon de vie !

merci cher Jalel , votre sensibilité est précieuse , je suis heureuse d'avoir croisé votre route fut-ce pour ce bref instant .

amitiés
helena

Jalel El Gharbi a dit…

@ Helenablue : Merci de votre commentaire. Mon amitié vous est acquise depuis longtemps.