Pascal Janovjak
80 textes composent ce recueil à deux sections Coléoptères (62 textes) et Elytres (18). Ce ne sont pas des poèmes dit le poète mais des romans. Janovjak appelle ici roman la virtualité d’un roman. Tous les textes de Coléoptères sont des romans possibles, virtuels. Ce sont des embryons de romans, des récits comportent les pans les plus importants du romanesque : la rencontre, la surprise, l’illusion et la désillusion, la description, l’insolite et l’anodin. Chaque texte insinue que le réel est une trame possible d’un roman. Un rien suffit à faire un roman. Il y a là comme un souvenir du projet de Flaubert auquel on pense surtout à la lecture de ce texte intitulé L’Orage et dont le héros s’appelle Emma. Les lectures de Janovjak nourrissent l’œuvre et l’on peut retrouver çà et là des références intertextuelles qui prennent parfois l’allure d’une réécriture du texte original comme ce texte intitulé L’Hôpital, qui pense très fortement au poème de Baudelaire A une passante.
Des réminiscences du passé, souvenirs de voyages ou pages vécus, s’immiscent dans le texte. Mais ce n’est pas seulement cela qui fait l’unité de cette œuvre. Je relis ces textes disparates cherchant ce qui fait leur unité. J’écarte tout de suite la réponse la plus facile : c’est le disparate du vivre qui fait l’unité du texte. Je cherche une réponse stylistique et crois la trouver dans la picturalité des textes. Le texte est moins une tentative oulipienne d’explorer les possibles littéraires qu’un tableau. Chaque texte rêve d’être figuration, image, tableau. C’est sans doute pourquoi, à quelques exceptions près, tous les textes comportent au moins un adjectif de couleur.
Sur un autre plan, on retiendra la signification du bestiaire du texte : ce ne sont partout que de petites créatures en consonance avec la taille des textes. Comme un entomologiste, Janovjak pose les grandes questions en examinant le microscopique. L’infiniment grand se livre à la faveur d’une réflexion sur les plus humbles : un lézard, une abeille…
Comme on le voit, il ne suffit pas de nier la poésie d’un texte pour être en dehors du poète. Les textes de Janovjak sont des poèmes en prose qui disent bien la ressemblance entre roman et poème. Tout se passe comme si le mot « roman » retrouvait ici son sens originel. A lire.
Pascal Janovjak : Coléoptères. Editions Samizdat. Genève 2007.
80 textes composent ce recueil à deux sections Coléoptères (62 textes) et Elytres (18). Ce ne sont pas des poèmes dit le poète mais des romans. Janovjak appelle ici roman la virtualité d’un roman. Tous les textes de Coléoptères sont des romans possibles, virtuels. Ce sont des embryons de romans, des récits comportent les pans les plus importants du romanesque : la rencontre, la surprise, l’illusion et la désillusion, la description, l’insolite et l’anodin. Chaque texte insinue que le réel est une trame possible d’un roman. Un rien suffit à faire un roman. Il y a là comme un souvenir du projet de Flaubert auquel on pense surtout à la lecture de ce texte intitulé L’Orage et dont le héros s’appelle Emma. Les lectures de Janovjak nourrissent l’œuvre et l’on peut retrouver çà et là des références intertextuelles qui prennent parfois l’allure d’une réécriture du texte original comme ce texte intitulé L’Hôpital, qui pense très fortement au poème de Baudelaire A une passante.
Des réminiscences du passé, souvenirs de voyages ou pages vécus, s’immiscent dans le texte. Mais ce n’est pas seulement cela qui fait l’unité de cette œuvre. Je relis ces textes disparates cherchant ce qui fait leur unité. J’écarte tout de suite la réponse la plus facile : c’est le disparate du vivre qui fait l’unité du texte. Je cherche une réponse stylistique et crois la trouver dans la picturalité des textes. Le texte est moins une tentative oulipienne d’explorer les possibles littéraires qu’un tableau. Chaque texte rêve d’être figuration, image, tableau. C’est sans doute pourquoi, à quelques exceptions près, tous les textes comportent au moins un adjectif de couleur.
Sur un autre plan, on retiendra la signification du bestiaire du texte : ce ne sont partout que de petites créatures en consonance avec la taille des textes. Comme un entomologiste, Janovjak pose les grandes questions en examinant le microscopique. L’infiniment grand se livre à la faveur d’une réflexion sur les plus humbles : un lézard, une abeille…
Comme on le voit, il ne suffit pas de nier la poésie d’un texte pour être en dehors du poète. Les textes de Janovjak sont des poèmes en prose qui disent bien la ressemblance entre roman et poème. Tout se passe comme si le mot « roman » retrouvait ici son sens originel. A lire.
Pascal Janovjak : Coléoptères. Editions Samizdat. Genève 2007.
20 commentaires:
Suite à une recherche sur Google, j'apprends que Pascal Janovjak est né à Bâle en 1975. Il a étudié la littérature comparée et l'histoire de l'art (tiens, tiens)à Strasbourg, avant de partir travailler à l'étranger, en tant qu'enseignant ou responsable de centre culturel. Il réside actuellement à Ramallah, où il se consacre à l'écriture. Voilà qui nous le rend déjà sympathique.
@ Feuilly : Entièrement d'accord avec vous. L'itinéraire de ces hommes qui ont troqué le confort contre l'intranquillité force le respect. A Pascal Jonavjak on pourrait ajouter aussi l'exemple de notre ami Battuta (dans mes liens).
Amitiés
Et pour ceux qui n'auraient pas fait le rapprochement: voir la correspondance entre l'auteur et Jean-Louis Kuffer:
http://carnetsdejlk.hautetfort.com/search/lettres%20par%20dessus%20les%20murs
Voici le poète par lui-même :
Je suis né en 1975 à Bâle, de mère française et de père slovaque. Etudes de Lettres et Histoire de l'Art à Strasbourg, avant de quitter l'Europe, d'abord pour la Jordanie (centre culturel français d'Amman), au Liban ensuite, où j'enseigne la littérature à l'université Saint-Joseph. Les Affaires Etrangères me proposent un poste au Bangladesh, où je reste trois ans. Je regagne le Moyen-Orient en 2005, je travaille à l'université de Birzeit mais me consacre avant tout à l'écriture. Je viens d'achever un roman, l'Homme invisible, actuellement en recherche d'éditeur, et je correspond régulièrement avec Jean-Louis Kuffer sur son blog (que vous connaissez).
J'ai par ailleurs écrit de nombreuses critiques d'expositions, notamment de peinture et de photographie.
Cher Jalal,
merci pour ce billet à propos de mon recueil. Je ne nie pas quant à moi que ces textes soient des poèmes - mais assurément le poème en prose brouille les frontières entre poésie et récit, pour se présenter souvent comme un concentré de roman.
Quant à choisir l'intranquillité contre le confort, je me rappelle de cette femme, dans "Beyrouth fantôme" de Ghassan Salhab (1998), qui regrettait la guerre parce qu'en temps de guerre "on vivait au jour le jour, tout était beaucoup plus simple". Ceci simplement pour dire que les notions de confort et de tranquillité sont très relatives..
@ Pascal Janovjak : vous avez raison d'insinuer que le confort est redevable à l'intranquillité et qu'ils ne s'opposent pas. Cela me rappelle ce mot de Sartre au lendemain de la libération "jamais nous n'avons été aussi libres que sous l'occupation"
Je me demande ce que nous réserve ce livre... Je n'ai lu que ces lettres imaginaires et déchirantes venues du pays où la mort est l'amie du jour, le détournant de ses promesses d'espérances. Cette terre où les fusils chantent plus vite que les lèvres closes comme les paupières des morts.
Poésie ou prose, il y a si longtemps que je n'entends plus ces frontières pour seulement ouvrir les langues du silence, celles nées en-dessous du langage dans la lave indistincte des sensations, des vertiges.
Une seule chose me terrifie : le titre et cette photo. Ils me rappellent TOUS CES PETITS INSECTES ENDORMIS DANS UN BOCAL AVEC UN COTON IMBIBE DE MORT ET CES EPINGLES CRUCIFIANTES LES PRIVANT A JAMAIS DE LA TERRE , DES HERBES, DE LA LUMIERE, DE LA DOUCEUR DE L'AIR.
Pourquoi Pascal a-t-il choisi cette métaphore pour nous faire entrer dans ses mots.
Bien aimé aussi l'accueil de l'inconnu apprivoisé par google de Feuilly toujours ouvert à la rencontre nouvelle.
@christiane : j'ai toujours été fasciné par l'enthomologie, et l'étrangeté des insectes - notamment les coléoptères, lourds et carapacés, qui ouvrent soudain leurs élytres pour dévoiler des ailes diaphanes. C'est peut-être une métaphore de la beauté cachée (la plus belle chose que l'on puisse éprouver, c'est le mystère des choses, dit Einstein).
Par contre, concernant la capacité des insectes à apprécier la "douceur de l'air", je n'en sais rien...
Pourvu que vous ne les épingliez pas ! je vous accorde que moi non plus je ne sais pas s'ils apprécient la douceur de l'air mais comme vous j'aime leurs petites ailes fragiles, leur vol incertain, les fleurs qu'ils habitent le temps d'une ivresse de nectar... et cela me donne la douceur de l'air.
Je comprends mieux votre titre et je respire. Me reste à aller vers votre livre, ce qui ne serait tarder !!!!
Ce recueil de textes fait penser à des bruissements d'ailes, parlers d'insectes, dans lequel s'intercale des écrans de souvenirs d'autres textes et qui forme semble-t-il toute la respiration de l'ouvrage?
J'espère que votre Colloque s'est passé.
Amicalement.
@ Amel : je pose en conclusion hâtive ceci : généralement, les oeuvres dans le bestiaire desquels les insectes occupent une place importante (Apollinaire, Supervielle et l'oeuvre qui nous occupe aujourd'hui) posent les questions essentielles.
Notre colloque sur le risque s'est très bien déroulé (notamment pour la haute qualité des interventions et la diversité des participants, outre les Maghrébins, USA, Royaume uni, France, Belgique....)
By the way, j'ai pensé à vous : il y avait une romancière portant le même nom de famille que vous.
Cher Monsieur El Gharbi (l'homme de l'Ouest, en arabe, si je ne m'abuse!!)
J'ai eu les références de votre blog par une amie commune ,Christiane Parrat.
Je vais parcourir votre blog avec grand plaisir mais je ne voudrais pas vous importuner par des interventions trop fréquentes.
Très cordialement,
JPH GOLDSCHMIDT
alias MàC
J'ai également pensé à vous car je crois pouvoir dire (après mûres réflexions) que l'une des meilleures amies ne doit pas vous être étrangère... Elle enseigne sur le même lieu que vous, à savoir la Faculté de La Manouba en classes supérieures... l'équivalent en France d'une hypokhâgne ou khâgne. Je vous laisse deviner.
Je serai par ailleurs ravie si vous pouviez nous faire partager les interventions qui ont eu lieu autour de cette notion de risque avec tout ce qu'elle recèle d'ambivalence. Je vais m'y coller!
Entièrement séduite par la présentation que vous faites du recueil de Pascal Janovjak, je vais de ce pas le commander...
Merci pour tous ces partages.
@ JPH GOLDSCHMIDT : des interventions d'un homme aussi cultivé que vous, ayant un sens aussi aigu de l'ethique (je le sais par vos coms sur RDL et par notre amie Christiane)ne peut en aucun cas m'importuner. Je ne vais plus sur la RDL parce que je pense que la penseé n'a pas à agresser ni même à être agressive.
Effectivement mon nom signifie l'occidental et je suis heureux de porter cette part d'occidentalité. Elle me sert dans mon utopie d'un Occirient ou d'un Orcident à venir.
Très cordialement
@ Amel : j'avoue que je ne vois pas de qui vous voulez parler. Peut-être me le direz vous !
Le thème du risque a été abordé de différents points de vue : cela va de la condition féminine à la situation politique. Moi, j'ai parlé de la traduction et j'ai risqué une poétique de la traduction.
Très cordialement
Oh ! je me sens si petite que j'ai presque peur de me brûler les ailes face à autant de talent , de générosité , de culture et d'intelligence du coeur ...
Et je vais lire ce livre ; vous pensez bien , cher Jalel , le romanesque poétique , c'est un peu comme si vous me disiez , Helena : quelqu'un vous parle , en secret , dans votre jardin ...
Alors je me permet de laisser un parfum ici , mais en sourdine , permettez ...
bien à vous
Helena
@Helenablue : une autre vertu de ce parfum bleu est qu'il est ignifuge.
Merci de votre visite chère amie
Cher Jalel, merci pour cette pensée, croisée : l'une de mes amies qui enseigne à la Faculté de la Manouba était probablement parmi vous lors de ce colloque consacré à cette notion passionnante de risque. J'espère que vous nous en ferez part si cela occupe votre sujet. C'est avec beaucoup de plaisir que je lirai Coléoptères. Je me suis souvenue en relisant votre note du bestiaire lautéamontien dans Les chants de Maldoror, et de l'observation minutieuse de leurs manières de se mouvoir et du rôle qu'ils tiennent dans cet univers abandonné par Dieu...
@ Amel : oui Lautréamont mais Hugo aussi. En fait, l'attention aux petites créatures est de provenance religieuse. C'est la même chose dans le bestiaire coranique.
Très cordialement
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