Savez-vous quel vin je vante ? (Goethe)
La poésie est peu encline à l’aveu autobiographique. Il y eut certes des poètes pour qui la veine autobiographique était déterminante : cela va de Villon à Ungaretti en passant par certains poèmes de Hugo ou de Antar à Darwich en passant par Al-Moutanabi. On cherchera en vain chez ces poètes un engagement à se dire, une garantie que la confession n’est qu’une façon de parler, un des modes du dire. C’est en cela que la confession poétique est différente de celle du diariste. C’est en cela que l’écriture du moi diffère de la confession.
La biographie « poétisée » vaut plus par son caractère poétique que par sa nature autobiographique tout comme la biographie romancée vaut d’abord par son caractère romanesque. Pourtant, il est difficile de résister à la tentation de se connaître (se connaître soi-même et connaître l’autre). Il y a, propre à qui aime les belles lettres, un désir d’en savoir plus sur les auteurs.
L’aveu autobiographique ne vise pas la restauration d’un pan du vécu ; il dit l’ontologique quand il n’est pas un moyen de dire des préoccupations politiques ou sociales.
Mais à la réflexion, la littérature est-elle autre chose que ces aveux plus ou moins dissimulés ?
Présentant ce billet, j’aurais aimé, moi aussi, m’adonner à l’aveu, me laisser aller au désir de dire et de me dire à moitié.
L’aveu autobiographique est l’incursion du personnel dans l’espace public de la page publiée. Or qu’y a-t-il à confesser sinon cette nostalgie poignante pour cela qui n’est plus.
Cela se réduit souvent à ce que Verlaine appelait « L’inflexion des voix chères qui se sont tues ». C’est un brin de nostalgie non exprimée.
Mais la question est de savoir en quoi l’aveu poétique est différent de celui du diariste. La différence réside sans doute en ceci que le poème se situe au cœur même de ce battement dire / taire et qu’il se passe de ce que Philippe Lejeune appelle pacte autobiographique, c’est-à-dire cette promesse de révélation. La poésie n’est pas obligée de tenir parole. Le verset coranique qui les incrimine est moins une malédiction des poètes qu’une mise en garde contre l’expression figurale.
La biographie « poétisée » vaut plus par son caractère poétique que par sa nature autobiographique tout comme la biographie romancée vaut d’abord par son caractère romanesque. Pourtant, il est difficile de résister à la tentation de se connaître (se connaître soi-même et connaître l’autre). Il y a, propre à qui aime les belles lettres, un désir d’en savoir plus sur les auteurs.
L’aveu autobiographique ne vise pas la restauration d’un pan du vécu ; il dit l’ontologique quand il n’est pas un moyen de dire des préoccupations politiques ou sociales.
Mais à la réflexion, la littérature est-elle autre chose que ces aveux plus ou moins dissimulés ?
Présentant ce billet, j’aurais aimé, moi aussi, m’adonner à l’aveu, me laisser aller au désir de dire et de me dire à moitié.
L’aveu autobiographique est l’incursion du personnel dans l’espace public de la page publiée. Or qu’y a-t-il à confesser sinon cette nostalgie poignante pour cela qui n’est plus.
Cela se réduit souvent à ce que Verlaine appelait « L’inflexion des voix chères qui se sont tues ». C’est un brin de nostalgie non exprimée.
Mais la question est de savoir en quoi l’aveu poétique est différent de celui du diariste. La différence réside sans doute en ceci que le poème se situe au cœur même de ce battement dire / taire et qu’il se passe de ce que Philippe Lejeune appelle pacte autobiographique, c’est-à-dire cette promesse de révélation. La poésie n’est pas obligée de tenir parole. Le verset coranique qui les incrimine est moins une malédiction des poètes qu’une mise en garde contre l’expression figurale.
53 commentaires:
Bonjour Jalel..
Peut-être que le poète ne cesse de se dire… mais pas de dire sa petite vie personnelle [comme j'aime le carpaccio et je dors mal la nuit]… mais bien ce qui relie son être aux autres… "Ecoutons la confession d'un compagnon d'enfer…" "le je est un autre…" ce n'est pas tant le moi que le poète dit… c'est les nous dans le moi…
"Deux heure en train" en est l'exemple parfait… "Une heure pour la prison" s'entend comme un détail biographique… mais surtout comme un témoignage pour tous ceux qui sont envoyés en prison arbitrairement… ou même qui sont en prison arbitrairement ou pas…
Le dire du poète n'est peut-être que la tentative de dépasser le biographique…. pour une biographie qui serait seulement et simplement Humaine… et même quand le poète parle de la "nature"… du monde… il cherche le fil… le fil qui relie l'être au monde…
(Bien entendu ces propos n'engagent que moi et sont davantage des hypothèses que des affirmations.)
@ Andréa : Bonjour cher ami. Oui, je suis d'accord avec ces perspectives que vous ouvrez. L'une des questions possibles serait comment dire avec les mots des autres ce qui n'est qu'à moi ? Comment trouver dans l'expérience Comm-une ce qui ne revient qu'à moi? (le moi étant à entendre ici comme conscience personnelle de cela qui dépasse le personnel). Je n'ai pas de réponse.
Peut-être qu'il n'est pas possible de répondre à cette question (la science?)... mais c'est peut-être en tentant quand même d'y répondre que l'on écrit les plus belles pages...
Dans une lettre de Rilke on peut lire :"Lorsque je te dis où était mon sentiment du monde, ma félicité terrestre, il faut que je te l'avoue : ils se sont toujours situés hors du temps, dans les instants rapides, profonds, de cette divine intuition... Vois-tu, et lorsqu'on s'aimait c'était cela qui commençait par disparaître."
Ailleurs du temps et de l'espace, aucun chemin chronologique qui puisse en morcelant leur vie la rendre lisible, si ce n'est celui mouvant de leur conscience au monde, de leurs angoisses. Etres de l'exil, les poètes se donnent et se refusent, aiment et fuient devant celle ou celui qu'ils aiment, habitant un vide empli d'une indicible nostalgie, d'un royaume perdu dont ils sont en quête. Jalel,Angèle, Feuilly, Andrea,Gmc, Katch, Deborah, ...et beaucoup de plumes en lien ici, écrivent bien cela. Ce manque est leur biographie...l'éclair , ils l'habitent, au bord du vide et du silence...
Ecrit-on la biographie des vagabonds des neiges de l'enfance autrement qu'en poursuivant leur âme numide dans leurs poèmes ?
@ Andrea : Absolument, cher ami. La question, sans cesse creusée et reformulée, importe plus que la réponse.
@ Chritiane : Parfaitement chère amie. Et je retiens surtout votre belle sentence "le manque est leur biographie". Peut-être me permettrai-je de remplacer "manque" par "distance" comme pour ajouter un coefficient désir.
Merci
Peut-être le poète est-il d'autant moi coupable de complaisance avec soi que son "JE" est une subjectivité merleau-pontienne....comme une science du monde prélogique et que chacun ressent sans pouvoir la thématiser.
J'aime le poète parce qu'il dit à ma place, qu'il restitue mon indicible.
@ Renzo : merci de votre commentaire qui insiste sur la conscience et ce qui fait phénomène. Je crois que nous sommes face à une des questions les plus cruciales en poésie et en "philopoésie".
Amitiés
Le faire ensemble vous reçoit quand la souffrance de toutes ces déchirures, de tous ces fragments, de tout ce DESIR se fond dans la langue.
Ouvrez la porte , nous vous suivons dans l'instant fugitif.
Allumez les mots et nous verrons.
Soyez source et nous serons libres...
Soyez pain, nous partagerons nos faims...
@ Christiane : Je crois que toucher zone qui jouxte le silence et la vérité.
Cher poète j'ai faim de nourritures moins indicibles et je vais de ce pas chez mon boulanger !!!!
Ah, quelle joie de vous lire !
peut etre bien je serai hors sujet mais personnellement je trouve dans les poèmes de Badr chaker Essayab une vraie autobiographie là ou il s'est présenté le malade éxilé , tortué par sa nostalgie à sa mère sa patrie son enfance perdue à l'Irak . son éxperience poètique bien qu'elle a été marquée par sa douleure mais elle a dépassé le personnel , audelà de sois vers l'humanité éxilée d'une façon ou d'une autre .
@ Wallada : Vous n'êtes pas hors sujet. C'est le coeur de la question. Pour ce qui est du grand poète Seyyeb, sa poésie est certainement d'inspiration autobiographique mais je ne pense pas qu'elle soit autobiographique. Ce n'est pas dans ses poèmes qu'on apprend sa vie. Un exemple, quand il parle de son village Jikour il ne dit pas qu'il y est né ; on l'apprend par ailleurs.
Merci de votre visite (Wallada est une figure importante de la blogosphère tunisienne, elle est d'une grande sensibilité littéraire)
J'aime la pudeur du poète lorsqu'il parler de lui ....Débla
@ Débla : Vous avez raison. Chez un poète, la pudeur relève à la fois de l'ethique et de l'esthétique. Mais je me demande dans quelle mesure le poète n'est pas "condamné" à être pudique : puisque parlant d'une chose, il en dit une autre. Je pose juste la question.
Merci de votre visite, chère Débla.
Il faut souvent deviner le poète, j'aime cette sensation de découvrir au travers d'un voile..
Tous les poètes ne sont pas comme cela, aussi je me tourne vers ceux qui se laissent chercher, connus ou anonymes comme sur beaucoup de blogs dédiés aux poèmes ....
Merci pour votre accueil . Débla
POLYBIOGRAPHIE
Toutes les facettes du prisme
Racontent la saveur unique
Qui se réverbère
Sur les parois des arômes
Et les cloisons odorantes
La main de Leïla
Qui égrène la semoule
N'a pas moins d'affection
Pour une graine
Que pour une autre
Seule l'oreille
Entend tinter les épices
Qui guident la plume du vent
Sur les torrents de la mousse
Ou les flocons de l'ivoire
Le poète vise une chose et il en touche souvent une autre… la maîtrise se dispute au hasard… le « moi » (l’émoi ?) au « nous »… l’intellect au vécu… etc.
C’est dans cette tentative toujours avortée qu’il fait… et parfois seulement… qu’il crée… ce qu’il a voulu n’est pas toujours ce qu’il a donné… il n’atteint pas sa cible… parce qu’en l’atteignant… il ne lui resterait du reste plus rien à faire… sinon se taire…
C’est que « la complexité du monde échappe à la simplicité des mots » et la polysémie du mot parfois à la simplicité du geste… mais il faut essayer… toujours essayer… quand même...
HISTOIRE DE CAUSER
Le poète aveugle
Ne vise jamais rien
Connaissant les subtilités
Des polysémies de l'oreille
Le poète muet parle
Sans rien dire d'autre
Que ce qui doit être dit
Et peut-être entendu
Par on ne sait qui
On ne sait où
Sans pourquoi ni comment
Mais avec le sourire
;-)
Mizaru, kikazaru et Iwazaru
Les yeux du poète
Aveugles ou voyants
Verront toujours plus
Que le dernier singe
Les oreilles du poète
Sourdes ou perçantes
Entendront toujours plus
Que le premier singe
La voix du poète
Silencieuse ou chantante
Parlera toujours plus
Que le second singe
Mais le poète lui-même
Se condamne ainsi
Par tout ce qu’il sème
A beaucoup d’ennuis...
De gmc à Andrea, une vague et son ressac...la main passe...
DE L'IMPORTANCE PRESUMEE
Le feu taille les poètes
Dans le bois dont la pluie
Fait des bûchers gracieux
Sur lesquels repose la neige
Les ennuis peuvent venir
Ce qui doit être sera
Dans les bandes dessinées
Ou les livres d'histoire
Jusque dans le film
Mon nom est Personne
La nostalgie n'est pas le seul sentiment qui saurait se greffer à un tel partage. Regarder devant, plutôt que regarder derrière. Accepter les hommages du passé galamment et entrer dans une autre valse, à la mélodie inconnue.
Le poète a tous les droits, ceux-là comme les autres. Celui de dire comme celui de se taire. Le devoir d'accepter l'émotion et de la transcender en quelques mots épars.
La pudeur, le voile évoquées par Débla, Leïla (j'aurais dit Qais cherchant la distance plutôt que la proximité avec la bien-aimée), la tentative toujours avortée dont parle Andrea Maldeste, voire le ressac de Christiane tout cela me semble référer à une même vérité : la poésie, comme le désir, a besoin d'échec pour la récidive. En elle, l'échec n'est pas l'antonyme de la réussite.
@ Ondine : J'ai cherché en vain un mot français qui signifie tout à la fois désir et nostalgie. C'est-à-dire propension vers l'avenir et vers le passé dans une entreprise qui engage l'intensité de l'instant. "Nos langues imparfaites" disaient Mallarmé. J'ai ce mot arabe qui dit tout cela "Chawk" et qui insinue sans doute que toute aspiration est nostalgie. Nos plus grands désirs, ceux qui nous font le plus cheminer et qui nous mènent très loin, viennent du passé, chère Ondine.
Jalel, elle avait écrit pour le poète qu'elle aimait :
"Il marchait dans sa tête, il allait dans les pierres
dans l'or du soir qui se rompt
Il était le silence, il était la saison
l'entame de son chant dans le feu, son brasier, une
aube de blé comme un coeur qui bat ...
Quand le ciel marchait en lui, il ne tremblait pas
C'était le souffle tendu dans les nombreds légers, que
sa bouche aspirait, et donnait à sa voix
ô béances blessées de bonté, la soie en elle comme
un ciel majeur qui ne ploie
Et il montait, de neige drapé, choeur de lances
lucides
Il montait dans la pluie, les vagues qui brillaient vers
elle
Tous halos emportés, les prières, les miroirs, le
vertige des sommets..."
Vous connaissez la suite... Elle signait ses poèmes "José Ensch"...
LES COULEURS DE LA NEIGE
Tu es Qaïs ou Majnun
Selon que le sourire de Leïla
Regarde le Nord ou pas
En-dehors de ce sourire
Le désir s'appelle Eros
Un fils illégitime
Mais quel que soit le chemin
Le sourire commande
Et la neige règne
Sur les aurores boréales
@ Christiane : Merci infiniment de citer José Ensch, la grande dame des lettres luxembourgeoises, l'amie que j'ai perdue. Vous savez qu'avant qu'elle ne parte pour toujours, j'avais entrepris d'écire le Glossaire de son oeuvre. Elle en avait lu les premières pages. Et j'ai dû continuer tout seul, comme qui ramerait tout seul. Ce livre sortira le 6 février. Merci chère amie.
@ Gmc : les chroniqueurs racontent que Quais fut surpris un jour écrivant sur le sable dans une langue que personne ne parlait.
naturel
Chaque crépuscule cuivré couché par le vent éveille le poète au regard constellation. Il tresse tranquillement les effluves cendrés, glissant sur la cénesthésie pour défolier les sens, pétale après pétale, dans le sillage miroitant de songes aux esthétismes invraisemblables. Il divague plus profond sur les flancs de porcelaine de la volupté, défrayant le réel d’esquisses de plénitude ensoleillée d’orages. Il satine les plus saillantes érections dans le lit incendiaire d’une douceur que la grâce de la muse la plus charmante ou la magie de la fée la plus enchanteresse ne saurait pas plus refléter qu’égaler. Si émerveillée par inadvertance, une créature transparente accompagne son ombre le temps d’un souvenir, elle reste à jamais tatouée par les filaments de diamant brodés dans les mots délaissés sur le fond de ses iris insondables et parfois, à la faveur du couchant, elle parvient à percevoir presque malgré elle, quelques bribes de la vie fauve du poète naturel.
Août 2008
TROUVER BAB-EL-OUED
Qaïs dessine des traces
Qu'il prétend être des mots
Dont il assure
Qu'ils ont un sens
Le lecteur attentif
Peut toujours gratter
Sous les écailles
Il ne trouve que du sable
Sable sur sable
Où donc est l'eau
@ @ude : Merci pour ce texte d'une grande teneur poétique.
@ Gmc : belle traduction de l'anecdote.
merci Jalel :)
le poète est bio-graphe, il transmet la "sasièté de la soif assouvie à la source" (pour paraphraser Gibran), il tente de faire écho à l'indicible de la vie, qui n'appartient à personne et qu'il ne s'approprie pas. Il n'a pas de volonté, Rilke l'exprime fort bien dans les lettres pré-citées, il aime, et d'une manière si détachée de tout objet, que pour être, hors des référentiels, il ne peut faire autrement que s'abandonner à la poésie...si son regard se pose un instant sur une Leïla de chair, il sait, plus ou moins consciemment, que ce n'est guère plus que par convention de langage. Et s'il cède parfois à la compagnie d'autrui, ça n'est pas pour combler un manque, puisqu'il est déjà repu au delà de tout désir, mais parce que, comme nous le fait remarquer avec sa verve colorée Rumi, même un âne a assez de bon sens pour ne pas entreprendre la traversée du désert sans compagnons de route...
@ @ude : Gibran, Rumi, Rilke et Leïla (en qui je vois aussi Qais) et j'ajouterais Char (voir à ce propos le billet que lui consacre Amel. Z. dont vous trouverez le lien ici), tous s'accordent d'une manière ou d'une autre sur cette nécessité de la distance (le désir demeuré désir de Char, le désir intransitif de Rilke, Qais demandant à Leila de s'éloigner parce qu'il est épris d"elle) et Rumi bien entendu pour qui le monde est souvent la rhétorique qui le dit.
Merci @ude
intransitif
Condensation nauséeuse de pulsations libidineuses, comme des coups de machettes dans la jungle démentielle, jongleuse de projections, amoureuse sans protection. Noirceur et couleurs s'unissent en un éclair transparent dont la capiteuse viscosité évolue en un cercle de feu oculaire aux globes cristallisés de cécité. La lumière colonise le surréel jusqu'au niveau cellulaire, simplifiant l'ADN à son dernier gène, le premier, le gène de l'origine, indifférencié, celui que même les programmations pavloviennes les plus brillantes, administrées aux sujets les plus consentants, ne parviennent pas à éradiquer, le gène du vide pénétrable, le gène du plein abyssal, le gène transitif de l'amour intransitif.
Mai 2007
Le travail autobiographique du poème tend moins à reconstituer la genèse du sujet qu'à exprimer comment il glisse inexorablement vers l'anonyme et l'impersonnel, sans pour autant cesser d'invoquer ce "je" lequel se voit pris dans une pluralité de figures. Quel est par exemple ce je partout présent dans la poésie Rimbaldienne, je livré à l'Enfer, et dont le recueil, Une saison en Enfer pourrait nous faire penser à celle d'une autobiographie? Dans ce cas, il s'agit moins d'une autobiographie au sens où nous en parle Legendre que celle d'une écriture en proie à la dépossession et qui dans l'histoire de la poésie annonce une crise sans précédent. Quel est le statut du sujet-poète : est-elle celle d'une figuration et d'une défiguration du sujet? Là où l'autobiographie tend à cerner et délimiter la figure, la poésie au contraire nous la subtilse, comme pour mieux nous la restituer? Si autobiographie poétique il y a, elle ne peut être pensée qu'en termes d'apparition/disparition, de présence/absence, de distance/proximité. Le je qui s'y dit est lacunaire, sporadique, à distance du réel. Il ne renvoie pas à une identité établie mais vise peut-être à rétablir une identité ou à établir une identité poétique.
Je suis sous le charme de tous ces messages, ceux d'Ondine, Andréa, Christiane.
Rien ne vaut une réponse poétique pour "approcher" ce fameux sujet qui se fait désirer.
Merci à tous.
Amitiés.
Lapsus : J'ai rebatisé Aude par Ondine. Que va en penser le docteur Freud.
Mille excuses à Aude!
Amel,
le charme est partagé !
Quelle puissance et quelle finesse d'analyseici et sur votre blog : un questionnement sidérant.
Pour moi le mystère reste absolu. Pourquoi un jour se met-on à labourer le langage, à le retourner, à s'y blesser et à chercher sans fin comme une langue oubliée que nous aurions connue. Pourquoi s'enfouir dans ces mots, dans ces musiques de silence ? Quelle solitude en nous réclame son son sang d'encre ? Que pèsent les poètes dans ce monde où coulent les barils, les dollars, les armes ?
Quant à l'amour, poète ou pas, que d'émerveillements et que de douleur.
Nous sommes au bord d'un monde prêt à l'implosion et l'arme terrible qui nous est destinée est l'indifférence, alors les poètes tendent leurs mots comme des lucioles et parfois on croirait rencontrer des étoiles.
Contre la violence, les prisons, les tortures , les censures, la violence, la haine...une luciole !
Permettez-moi d'en déposer une dans le creux de votre main.
absurde
le souffle chiffonne encore la soie
batifole dans les froissements voluptueux
se prélasse au creux de l’écume bruissante
les saveurs de violette dévorent le velours
affranchissent l’élan sans mot
saturent la lumière de douceur brûlante
la révélation est dans la transparence
cet effacement lisse qui se réverbère
jusqu’à dissolution sempiternelle
la présence est dans l’absence
cette absolution d’absolu qui miroite
jusqu’à l’absurde en bout d’être
Novembre 2008
P.S. Amel, ondine, aude, aurore...peu importe justement ;)
Chère Christiane,
je dois être bien fatiguée pour avoir écrit Legendre à la place de Lejeune... Commment vous répondre?
Je m'interdis de penser que la poésie est une manière de soustraire à ce monde-ci dont on sait qu'il est comme à bout de souffle, que les constructions humaines pour la première fois compromettent notre survie. La poésie est partout si l'on veut la voir. Et peut-être est-elle une des façons de ne pas se laisser gagner par une sorte de nihilisme qui prospère et donne raison malheureusement au philosophe du Gai savoir...
Mon pseudo était Luciole... c'est amusant quand je songe à Sainte-Victoire.
Merci à vous.
Aprés tous ces commentaires si denses et si justes , je me suis demandée si je pouvais me permettre d'intervenir ... parce que pour moi , le poéte est le révélateur d'âme et la poésie une nourriture indispensable , comment vous dire , un carburant , une essence , une expression de la vie ...
Personnellement , la poésie m'a sauvée la vie ...
Et je ne conçois pas le monde sans poétes !
Sans doute je ne suis pas dans le vif du sujet qui vous anime , tous ...
Ma présence ici est humble ...
merci...
que du bonheur à vous lire , vous n'avez même pas idée ...
Merci à vous Jalel , ce n'est pas la premiére , ni la derniére fois ...
Tendresse
Helene
Chère Aude, il y a dans vos poèmes des vers si percutants que je me dois de m'y arrêter...
Je ne manquerai pas de vous en faire part.
Merci encore pour vos mots.
merci Amel et vous tous, même si les mots n'appartiennent à personne...
@ "condensation nauséeuse de pulsations libidineuse..." écrit @ude; oui mais toute la lumière vient de là. Comme Helenablue je pense que le poème est quête du poétique. Je ne suis pas loin de penser que l'idéal du poète est de quitter le poème pour le poétique. C'est sans doute cela ce lacunaire dont vous parlez Amel.
Je dois me rendre à mon colloque, je reviendrai en fin de semaine.
Bien à vous
Nous vous souhaitons un très bon colloque, cher Jalel.
A bientôt.
Je n’ai pas toujours le temps de pouvoir suivre le déroulement des commentaires et d’y intervenir comme je le voudrais… Je n'ai d'ailleurs à mon grand regret pas toujours le temps de lire attentivement tous les commentaires... Je voudrais néanmoins revenir sur deux points…
D’abord je lis « une sorte de nihilisme qui prospère et donne raison malheureusement au philosophe du Gai savoir... » Le philosophe du Gai Savoir n’est pas plus responsable du nihilisme qu’il n’est responsable de la mort de Dieu… et sa philosophie n’est d’ailleurs pas une philosophie du nihilisme… mais bien une tentative justement de le dépasser…
Ensuite… je ne sais pas moi si la poète et la poésie sont les plus à même de répondre aux questions que posent la poésie… et les questions qu’elle amène…
comme je l’ai déjà dit dans une intervention pour répondre à quelqu’un qui s’en prenait à la stérilité des analyses sémantico-poétiques… je pense que le poème s’adresse à tout le monde : au lecteur, au philosophe, à l’universitaire etc. et c’est en ce sens, que les commentaires et même les bavardages de ces derniers… loin d’être stérile… nourrissent et approfondissent le poème… Le poème vie à travers ces lectures, il en a besoin pour exister…
Je ne parle pas ici en tant que poète… je ne sais d’ailleurs toujours pas ce qu’est un poète et même un poème… mais bien comme lecteur… et amateur de lecture… ne voyez pas non plus dans cette intervention une prise à parti ou une affirmation… mais bien le désir de redonner un peu ce que je viens chercher ici… à savoir une saine discussion autour de ce qui nous réuni… la poésie…
Oui, Andréa , vous êtes un sacré lecteur ! Jamais le blog de Jalel n'aura connu une telle effervescence alors même qu'il défend cette traduction de Darwich dont il nous a offert la primeur ici.
C'est bon ces liens , vous dîtes "vie" entre lecteurs et êtres d'écriture et les com se mêlant à la source deviennent embellie de ce travail de la langue.
Une respiration de par le monde qui unit gens de marche par cet or liquide : l'encre, et par le faire et le dire qui parfois font de certaines vies comme celle de Roberto Saviano, un enfer !
Andrea, quand je faisais référence au nihilisme, c'était tout au contraire pour dire le danger devant lequel Nietzche nous mettait. Excusez-moi si je me suis mal fait comprendre.
Bonne journée à vous tous.
Vous n'avez pas à vous excusez Amel... mon commentaire n'était que complémentaire au votre... Nietzsche a été l’un des grands artisans de ma construction intellectuelle…
Merci Christiane pour ce compliment… que je vous retourne… Mais je crois d’ailleurs que c’est ce qui nous rassemble tous ici… autour de ce blog… qui est un îlot actif de résistance poétique… c’est bien l’amour de la lecture… ;-)
Je cherche dans la poésie ce bruissement d'âme qui fait trop souvent défaut ailleurs.
Ce mélange de main tendue, de baiser sur les paupières et de sourire offert au bleu.
Se dévoiler dans le fléchissement d'un regard, s'appuyer sur des mots fuyants pour reprendre contenance, offrir ainsi une épaule d'encre, fragile mais aimante.
Je suis peu devant mon ordinateur, ces jours, il est difficile de s'immiscer dans ce fil à l'écho puissant, mais je ne pouvais pas vous lire sans vous témoigner ma sympathie et vous dire combien vos voix me sont importantes.
Affectueusement vôtre.
Lorsque je dis : je confesse ...etc. Comment envisagez-vous la proposition?
Baltha
Mes remerciements à tous. Je rentre épuisé de ce colloque où j'ai parlé de la poétique de la traduction. Je tiens cependant à remercier mes amis Christiane, Katch et à leur dire toute mon affection. Pour vous Andrea Maldeste que je lis avec plaisir toute mon amitié confiante dans l'escorte que nous nous faisons.
@ Appels d'air : si vous me dites que vous vous confessez, je vous croirai sur parole , cependant il me sera impossible de voir un prêtre devant vous. Je veux dire que votre confession est métaphorique; elle est poème. Merci de votre visite.
Quel plaisir de vous lire à nouveau. Vous avez vu ? Nous vous attendions en buvant du thé et en écrivant des poèmes. Racontez nous votre beau voyage en terre d'écriture...
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