Abdellatif Laâbi
Deux heures en train
En deux heures de train je repasse le film de ma vie
Deux minutes par année en moyenne
Une demi-heure pour l'enfance
Une autre pour la prison
L'amour, les livres, l'errance se partagent le reste
La main de ma compagne fond peu à peu dans la mienne
et sa tête sur mon épaule
est aussi légère qu'une colombe
À notre arrivée j'aurai la cinquantaine
et il me restera à vivre
une heure environ
In l'Etreinte du monde.Paris: La Différence, 1993.
ساعتان بالقطار
خلال ساعتين بالقطار
استعيد شريط حياتي
دقيقتان لكل سنة تقريبا
نصف ساعة للصبى
و نصف آخر للسجن
اما البقية
فيتقاسمها الحب و الكتب و الترحال
يد صديقتي
تذوب شيأ فشيأ داخل يدي
وراسها فوق كتفي
في خفة حمام
عند الوصول
ساكون في الخمسين
و سيبقى من عمري
ساعة تقريبا
عبد اللطيف اللعبي
19 commentaires:
صباح الخير..هذا النص الجميل الخفيف ذكرني بواقعة مضحكة..سأل صديقي عن المدة التي يقضيها القطار من هنا إلى مدينة همبورغ.. أجابه أحدى الأصدقاء بكل عفوية :"تاخذ القطار نصف الليل وتخلط لهمبورغ بعد ثلاثين سنة" ههههه أراد أن يقول بعد ثلاث ساعات..
@ART.ticulier :
شكرا لهذه الملحة الطريفة
ولكن اين تقع ًهناً؟
مودتي
هنا تقع على بعد ثلاث ساعات من هناك هههه
@ART.ticuler : شكرا لخفة الروح
De votre dialogue mystérieux je lie les courbes élégantes d'une écriture que je ne comprends pas mais puisque tous les deux vous comprenez la mienne je voulais vous dire que ce poème , je le trouve émouvant. Comme il dit bien ce petit pincement du coeur devant la rose de notre quête et le temps qui fâne notre visage mais pas nos désirs...
@ Christiane : Ce poème présente l'avantage de sortir la littérature maghrébine des vieux thèmes qui sont les siens. Elle aborde ici des préoccupations ontologiques, i.e. universelles.
Par ailleurs, j'apprécie cette superpostion de différentes chronologies qui structure le texte : celle du train, celle d'un "film" et celle de la vie et qui renouvelle le topos de "la vie est courte".
Amicalement
Ces différentes chronologies qui se superposent, c'est fulgurant : la vitesse qui permet à un mot d'être pensé sans jamais s'écrire. C'est cela les trains : un bagage oublié dans le compartiment des rêves et nous, sur le quai, on frissonne un peu, on relève le col de l'imper et on regarde le train s'éloigner sous la pluie...de Tunis .
Merci christiane, pour vos commentaires distingués.
ARTiculer,
comme c'est bon d'être à nouveau invitée dans votre langue. J'avais commencé à apprendre l'écriture arabe quand le professeur de mon école, l'apprenait aux enfants, le soir , après les classes. Je m'asseyais discrètement au dernier rang et j'écoutais et je regardais ces petits, plus savants que moi . Myriem Cherif est un excellent professeur et une grande artiste.
Sa mère peignait sur des galets le mot amitié écrit en français et en arabe. Quel plus beau présent à offrir ?
Un jour, une de mes petites élèves m'a confié que c'était elle qui avait voulu apprendre à parler, à lire et écrire l'arabe.
"Vous comprenez, m'avait-elle dit , c'est pour parler et écrire à ma grand-mère qui est au pays et qui ne parle pas le français."
Il y a comme cela des moments de grâce absolue.
Je viens de découvrir le blog de Stéphanie de Tanger. Une belle plume et une grande vérité :
stephaniegaou.over-blog.com
Elle est intervenue brillamment sur le site de Pierre Assouline
Il y a des poèmes qui dilatent le temps… celui-ci le contracte… un maximum de choses sont dites dans un minimum de mots… simplement efficace et beau…
@ Andrea Maldeste : effectivement, c'est une superbe contraction du temps.
Amicalement
J'aime beaucoup ce poéme , court et dense comme la vie , et ce mouvement créé par le train ...
Beaucoup de choses , c'est vrai en peu de temps , concentrées !
La vie , l'enfance , l'histoire , le temps , l'amour et la complicité , la présence ...
Oui , vraiment je trouve ce poéme trés vivant , pas de temps à perdre , plus qu'une heure à vivre ...
Ici , je n'ai jamais le sentiment d'en perdre d'ailleurs , du temps .
Merci Jalel.
Bien à vous.
Helena
@ Helena : Merci infiniment chère amie.
Ce qui m'a surtout touché, c'est l'heure passée en prison. Pour Laâbi, c'est une blessure ouverte. Voilà la condition des intellectuels chez nous.
@ Alaeddine Ben Abdallah : Vous avez raison. Juste un détail, je peux vous dire que Laâbi a su transcender cette blessure. Honte à ceux qui l'ont arrêté, à ceux qui l'ont jugé, à ceux qui l'ont gardé en prison.
Le train de "Abdelletif Laabi"le poète me rappelle un autre train,de la littérature magrébine,c'est celui de l'écrivain Algérien d'expression française"Malek Haddad",dans "Le Quai aux fleurs ne répond plus",tout comme le poète "De deux heures en train"qui emprunte un étinéraire jonché de souvenirs "khaled" dans son train de l'exil fait appel à sa mémoire :"lorsqu'il était jeune ,il ne dormait jamais la veille d'un examen.Lui aussi,à sa manière,il bachotait,comme le train,à cette différence près que le train sait exactement ou il va et ne se pose pas de questions"......." il avait bachoté toute la nuit,fumant cigarette sur cigarette,alors que défilaient derrière les yeux opaques des vitres les fantomes du paysage et l'incessant va-et-vient des souvenirs"
@ Olfa : merci d'avoir rappelé ce texte essentiel dans l'histoire de la littérature maghrébine.
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