vendredi 6 mars 2009

Jean Ziegler : La Haine de l’occident

Photo Philip Seelen
Giulio-Enrico Pisani présente Jean Ziegler : La Haine de l’occident


Lorsque notre bonne vieille Zeitung publia il y a près de 4 ans mes articles «L’eau et le péril libéral»(1) et «L’empire de la honte»(2), personne ne crut un instant que les dénonciations et avertissements de Jean Ziegler changeraient quoi que soit aux crimes et monstruosités du capitalisme. Jean Ziegler non plus, évidemment. Mais au moins eût-il pu espérer – et nous l’eussions pu avec lui – que l’on tire quelques enseignements du scandale des rapines, injustices et autres impairs du capitalisme qu’il stigmatisait. Il n’y a hélas pas plus sourd de qui ne veut entendre. Aussi, est-il évident (…) que, sans remise en question fondamentale du système, même des personnalités aussi bien-intentionnées et évoluant aussi près de l’Olympe que Ziegler ne pourront rien y changer.
Sans doute, Jean Ziegler le souhaite, ce changement. Cependant, devoir de réserve ou doutes, il ne l’exprime pas de manière vraiment constructive. Reste néanmoins que son dernier livre, «La Haine de l’occident»(3) va bien plus loin qu’un sévère état des lieux de la société contemporaine globalisée. Livre témoignage, objectivement technique, livre spécialisé et manuel (Sachbuch) à la fois, «La Haine de l’occident» se lit comme un "roman" d’aventure, de l’aventure humaine depuis les premières prédations coloniales au 16ème siècle jusqu’à nos jours. Cette sanglante épopée, retracée à partir du constat des innombrable tragédies résultant de la colonisation jusqu’au présent néocolonialisme capitaliste, n’hésite pas à remonter le temps et à chercher puis à expliquer les causes de cet immense sentiment de haine des deux tiers des peuples de la terre pour le monde occidental.
Ziegler montre comment cette haine n’est pas seulement le fait des masses du Sud, souvent plus misérables, souffrantes, exploitées que le prolétariat d’Europe en 1848. Mais il voit comment elle s’empare de plus en plus des parasites et des profiteurs locaux. Haine mêlée d’envie, d’admiration souvent, de fausse humilité parfois, d’opportunisme presque toujours, parmi les classes dirigeantes flattées, gâtées et corrompues par le capitalisme. Complices, certes, mais pour combien de temps encore? Ziegler ne le dit pas; travaille dans le présent, voyage, observe, constate, stigmatise, effectue parfois de brefs travellings arrière, revient, impitoyable, mais impartial et objectif. Pas besoin d’en rajouter, de romancer, d’affabuler. L’horreur des faits suffit.
Ziegler ne manipule pas l’histoire, comme tant de rapporteurs politiques, il observe; il compatit, certes, mais ne tire aucune véritable conclusion. Quant aux solutions, n’en parlons même pas. Constat de gâchis, et de quel gâchis! Dans son bref épilogue, plein de réalités connues (peut-être pas assez) et de chiffres qui devraient l’être, connus, il se réfère notamment à la 2e guerre mondiale. 16 à 18 millions d’hommes morts au combat, des dizaines de millions mutilés, amputés, défigurés, plusieurs centaines de millions de blessés civils! Son terrible constat: «Dans l’hémisphère Sud, les épidémies, l’a faim, l’eau polluée et les guerres civiles dues à la misère détruisent chaque année presque autant d’êtres humains que la Seconde Guerre mondiale en 6 ans.(4)».
Ziegler illustre parfaitement ses propos autant par l’expérience personnelle qu’en se référant à des sources historiques, statistiques ou politico-économiques reconnues. De Fernand Braudel,(5) par exemple, il retient que «L’Occident se définit essentiellement par son mode de production, le capitalisme. Plus que jamais, celui-ci reste rivé à son rêve de conquête planétaire». Ne croirait-on pas entendre Karl Marx un siècle plus tôt? Quoiqu’il en soit, Ziegler en appelle aussi à I. Wallerstein, l’un des principaux élèves de Braudel, qui «développe la pensée du maître...» et affirme: «... les dirigeants du monde euro-atlantique prétendent défendre et, au besoin, imposer sur toute la surface du globe les "Droits de l’homme" et cette forme de gouvernement qu’ils appellent la démocratie...»(6). Derrière ces drapeaux aussi hypocrites qu’élastiques, brandis quand ça les arrange, marchent en rangs serrés les champions des lois "scientifiques" du marché vendues comme lois "naturelles"... «C’est cette prétention qui suscite la haine (...) Elle exprime le rejet radical d’un système mondial de domination...».
Sous couvert de bonnes paroles, affirmations d’amitié et d’aide au développement à double tranchant et souvent plus profitable au donneur qu’au bénéficiaire, la colonisation des états du sud par ceux du nord se poursuit sans trêve. Elle est aujourd’hui plus dure que jamais pour bien de pays sous-développés qui s’enfoncent toujours davantage dans la misère. Cela se passe souvent dans les salles de réunion feutrées des grands complexes hôteliers ou administratifs à grand renfort de poignées de main, sourires et photos "de famille". À croire que Charles Baudelaire songeait dans son "Invitation au voyage" aux déplacements ruineux de ces "grands" touristes de la politique qui évoluent là où «... tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté...». Mais Ziegler, pourtant coutumier des salons internationaux, n’en a rien f. de ces bonnes manières. Il refuse de regarder le monde par la lorgnette rose des diplomates et des grands commis; n’hésite pas à appeler un chat un chat et va jusqu’à citer certains des plus hauts responsables par leur nom. Car «le moment», écrit-il, «... vient toujours, où les masques tombent...».
Exemple : Bruxelles, siège de la Commission européenne, négociations EU – ACP,(7) 1er mars 2007. Je cite l’auteur: «Tout à coup, le jovial Louis Michel, commissaire pour le développement, perdit toute contenance. Il menaça de représailles économiques les Africains, leur rappelant que les fonds de développement pouvaient être (...) coupés...». Réaction violente du président nigérian, «... furieux de voir les Africains traités "comme des gamins" et comme des "mendiants" (...) Il est certain», conclut Ziegler ce paragraphe, «que le cynisme et l’arrogance avec lesquels Peter Mandelson, Louis Michel et Pascal Lamy tentent de briser la résistance des peuples du Sud, contribuent puissamment à la montée de la haine de l’Occident».
Ce qui précède peut paraître – je l’admets – anecdotique, confronté aux tragédies que Ziegler dépeint ailleurs, mais n’en est pas moins significatif de ce rapport dominant–dominé qui rend à terme toute entente franche et honnête impossible. Tout comme le macho qui tyrannise sa femme doit s’attendre à la voir se révolter avec violence ou bien devenir une béni-oui-oui fausse et rusée, l’"Occident", comme on l’appelle, ne doit pas s’attendre à autre chose: aversion et terrorisme chez l’un, ou opportunisme, tromperie et trahison chez l’autre; ce qui ne lui évite pas toujours de récolter les deux à la fois. Loin de n’être que purs débats de salon bien élevés, ces conférences d’"assistance" au Tiers monde peuvent avoir des conséquences graves pour les Peuples du Sud. Bonne part d’entre eux se voient notamment privés par la PAC (Politique Agricole Commune européenne) et la concurrence déloyale des produits subventionnés UE qui en découle (sans même parler des USA), par les règles de l’OMC, par les multinationales et les spéculateurs sur produits agricoles, des bases même de leur agriculture. Conséquence: paupérisation des agriculteurs, abandon des sols, désertification et diminution des surfaces exploitables, explosion des bidonvilles, du chômage, des révoltes et... émigration clandestine! Tiens, tiens...
Mais restons en là pour aujourd’hui, amis lecteurs! C’est à vous de découvrir le reste et – croyez moi – cet ouvrage est aussi prenant que n’importe que thriller.

1) Le 6 avril 2005, article largement inspiré des enquêtes et rapports de Jean Ziegler, haut fonctionnaire suisse à l’ONU, rapporteur pour le droit à l’alimentation.
2) Le 14 avril 2005 sur Jean Ziegler: «L’Empire de la honte», Fayard 2005.
3) Jean Ziegler : «La Haine de l’occident», Albin Michel 2008, 303 pages.
4) Note de Jean Ziegler: Cf. Jacques Dupâquier, La Population mondiale au XXe siècle, Paris, PUF, p.44 et suiv.
5) Fernand Braudel (1902-1985) est considéré comme l'un des plus grands historiens du XXe siècle.
6) Un peu comme pour les conquistadores de naguère la "Vraie Foi". On connaît la suite.
7) ACP : Afrique, Caraïbe, Pacifique.
Article paru le - ici le 4.3.09 dans "Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek".
Giulio-Enrico Pisani
Luxembourg, mars 2009

14 commentaires:

Anonyme a dit…

"Tout ce que l'homme fut de grand et de sublime
Sa protestation ses chants et ses héros
Au-dessus de ce corps contre ses bourreaux
A grenade aujourd'hui surgit devant le crime

Et cette bouche absente et Lorca qui s'est tu
Emplissant tout à coup l'univers de silence
Contre les violents tourne la violence
Dieu le fracas que fait un poète qu'on tue

R
Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme, un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Ah je désespérais de mes frères sauvages
Je voyais, je voyais l'avenir à genoux
La Bête triomphante et la pierre sur nous
Et le feu des soldats porte sur nos rivages

Quoi toujours ce serait par atroce marché
Un partage incessant que se font de la terre
Entre eux ces assassins que craignent les panthères
Et dont tremble un poignard quand leur main l'a touché

R

Quoi toujours ce serait la guerre, la querelle
Des manières de roi et des fronts prosternés
Et l'enfant de la femme inutilement né
Les blés déchiquetés toujours des sauterelles

Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue
Le massacre toujours justifié d'idoles
Aux cadavres jetés ce manteau de paroles
Le baîllon pour la bouche et pour la main le clou

R
Un jour pourtant, un jour viendra couleur d'orange
Un jour de palme, un jour de feuillages au front
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche...."
Jean Ferrat - "Un jour, un jour....

Anonyme a dit…

Aragon chanté par Ferrat, Christiane, c'est aussi somptueux et encore plus tragique qu'un tableau de Velickovic. Quand, chère Amie, n'entendrons-nous plus le vol des corbeaux sur la terre? Quand viendra l'heure du dernier quatrain?

Lidia a dit…

Je vous ai lu avec une certaine "ébullition". Kant le disait si bien "L'homme est un loup pour l'homme"
Comment ne pas ressentir un dégoût légitime face à l'ignominie appelée colonisation ou droit d'ingérence, ou encore d'éducation des "sauvages". Le fascisme n'est-ce pas réellement tout cela : Une occupation géographique, sociale,antropologique et intellectuelle, cherchant pour des raisons de pouvoir et économique à soumettre un peuple par le biais somme toute, de la terreur ? L'hypocrisie est un moindre mot...
Le "terrorisme" a ses raisons, ses faciès et ses couleurs. Peut-être est-il la Révolution parfaite, celle qui devrait faire prendre conscience que chaque homme a le droit à son identité, son histoire, ses traditions,sa terre et ses idées.
Je souris... Oui, je m'emporte et je pars dans le passionnel.
Alors, si vous le permettez, je vais prendre congé...
Merci à vous.

Jalel El Gharbi a dit…

@ Christiane : Sublime ce texte, surtout rendu par la voix de Ferrat !
@Giulio : Connais-tu ce livre d'André Velter : Velickovic, l'épouvante et le vent. (chez Fata Morgana).
@ Lidia : J'ai comme l'impression que les différentes cultures s'ingénient à mettre en valeur ce qu'elles ont de plus répugnant. Je ne saurais dater cela. Sur un blog littéraire très connu, chaque fois qu'on évoque la culture arabe on évoque l'excision, la polygamie. Comme sur d'autres sites on n'évoque l'Occident que par le racisme....
Je comprends votre colère mais le terrorisme nuit d'abord à ceux qu'ils prétend défendre. Prenez Ben Laden (qui fut d'abord armé par les USA) : n'a-t-il pas fortement contribué à offerir l'Afghanistan aux USA. Comment s'en sortir, je n'en sais rien. Mais il nous incombe à tous de montrer le beau visage de nos cultures, de ne pas verser de l'huile sur le feu. C'est par la beauté qu'on fera reculer la laideur et non pas en lui opposant une autre laideur. Je reprends souvent ce mot de Dostoïevski : la beauté sauvera le monde.

Anonyme a dit…

J'espère que je verrai ce jour, Giulio, ou que mes enfants le verront...
J'ai vu, il y a quelques mois, le courageux film d'Abderrahmane Sissiko - Bamako - mettant en scène un procès fictif contre la Banque mondiale et le FMI.
Il a tourné ce film dans la cour de la maison où il a grandi, joué, où son père a creusé un puits, où il parlait longuement avec lui des problèmes de l'Afrique.
Il disait à un journaliste :
"J'ai ressenti une sorte d'urgence à évoquer l'hypocrisie du Nord. Aucune juridiction n'existe pour remettre en question le pouvoir des plus forts. Le destin de millions de gens est scellé par des politiques décidées en dehors de leur univers...."
Oui, cette absurdité qui provoque faim et misère là où il y a eu, là où il devrait y avoir encore bonheur de vivre et prospérité, cette inégalité, ce règne du profit pour certains politiques, ces barques où l'on meurt, Stangate... me préoccupent beaucoup...

Lidia a dit…

Permettez moi, je n'excuse pas la laideur du terrorisme, je la comprends.
Les révolutions sont toutes laides mais à travers leurs violences, la conscience humaine caresse une certaine beauté. Bien que cette dernière n'ait rien d'universel, elle représente une forme de liberté.
Quelque part, gardez le pour vous, je préfère Ben Laden à Bush et le prolétaire anti-fasciste qu'était mon père à Franco l'inculte.
Oui, il s'agit bien d'ignorance, d'ignorance vis à vis de la "beauté"
La beauté n'est ni blanche ni noire, elle est grise par le mélange et l'équilibre des deux. En fait, il n'y a pas plus gris que la liberté, la beauté, la richesse humaine.

Jalel El Gharbi a dit…

@ Lidia : oui, le terrorisme a des causes qui l'expliquent : essentiellement l'injustice faite aux Palestiniens. Mais vous remarquerez que Ben Laden n'a jamais rien fait pour la Palestine (c'est peut-être tant mieux ainsi) mais il ouvre d'autres fronts, fait des victimes innocentes partout. A qui profite-t-il ? Surtout pas à ceux qu'il prétend défendre.
Je souscris à ce que vous dites de la couleur de la beauté (à ses couleurs)
Bien à vous

Anonyme a dit…

Pour Vladimir Velickovic, je suis fascinée par sa peinture et en même temps épuisée par ce que j'en reçois. Oui, c'est la violence faite à l'homme par l'homme ... (crochets, gibets, tortures...) mais c'est aussi l'extrême solitude de celui qui souffre humilié à en être défiguré, brisé, éclaté... C'est un miroir qui nous renvoie les ténèbres de l'humanité.
J'avais vu en 2007 une exposition, à laquelle il participait - "Visage ou portrait" - et où il avait accumulé des dizaines de visages qui tous, étaient, expression de la douleur, fragments de visages, de cris et d'os, chairs exsangues ou cendres de sang... Terrible... Univers très proche de celui de Zoran Music (évoqué par Fabian Gastellier dans Terres de Femmes, en février).
Les artistes ont ce pouvoir de matérialiser l'innommable de la souffrance, de l'horreur et de la douleur.
Cette situation évoquée aujourd'hui porte en elle ces visages de la douleur et de la mort au sein d'une vie belle et créatrice. Le contraste des deux réalités est déchirant...

Philip Seelen a dit…

L'Occident en question ?

L'Ocident existe-t-il ?
L'Occident est-il un pur concept superposant, photosynthétisant plusieurs concepts ou plusieurs réalités ou plusieurs définitions ?
L'Occident est-il nocif ?
L'Occident est-il machiavélique ?
L'Occident, pourquoi ce concept est devenu la mode après la chute de l'URSS ?
L'Occident source de tous les maux de l'humanité ?
L'Occident sont-ce les blancs ?
L'Occident une ou plusieurs cultures ?
Quelle est la culture de l'Occident ?
Les juifs font-ils partie de l'Occident ?
Les Russes font-ils partie de l'Occident ?

L'Occident, c'est quoi au juste, est-ce que c'est synonyme du Nord ?
L'Occident a-t-il créé l'Orient ou le Sud à son image et pour ses désirs ?
L'Occident combien de divisions ?
L'Occident s'arrête-t-il en Alaska et à la Terre de Feu?
L'Occident a-t-il créé tout ce qu'il prétend ou qu'on lui prête d'avoir créé ?
L'Occident est-il formé de classes ?
L'Occident a-t-il une vision du monde ?
L'Occident a-t-il un désir d'avenir ?
L'Occident peut-il être traduit devant le TPI.
L'Occident a-t-il des alliés ?
L'Occident a-t-il des ennemis ?
L'Occident peut-il détruire la planète ?
L'Occident a-t-il un chef ?
L'Occident a-t-il une ethnie ?
L'Occident a-t-il encore un avenir ?
L'Occident domine-t-il toute la planète ?
Peut-il y avoir une seule réponse à tous les problèmes que posent l'Occident ?

Pourquoi faire exister l'Occident s'il n'existe pas ?

La seule chose dont je sois à peu près sûr c'est que la tragédie est le seul genre qui puisse se réclamer du réalisme dans la littérature occidentale.

Peut être cela est-il vrai précisément en raison des tragédies que la modernité occidentale a imposé au monde : Camps de concentration, armes nucléaires, génocides, esclavages à grande échelle, colonialisme, apartheid, destruction des réserves alimentaires des océans, dégradation terrible de notre environnement.

La modernité européenne née à la fin de la Renaissance, est un état de crise permanent des sociétés. C'est cet état de crise qui a dans le même temps favorisé la naissance de la science moderne et de tous les progrès techniques et scientifiques que l'on envie à ce concept d'Occident.

Samir Amin économiste et penseur égyptien et français a écrit entre autre cette pensée sensée sur l'Europe :

"Si la période de la rennaissance marque une rupture qualitative dans l'histoire de l'humanité, c'est précisément parce que à partir de cette époque, les Européens prirent conscience de l'idée que la conquête du monde par leur civilisation était désormais un objectf possible et qu'ils s'attelèrent à le réaliser."

C'est à partir de ce moment que l'eurocentrisme imposa aux peuples du monde ses conceptions comme conceptions valables pour toutes les civilisations humaines.

Pour le malheur et pour le bonheur des hommes.
Les temps de faire les comptes seraient-il advenus?

Anonyme a dit…

Giulio...et Ziegler...Philippe en pirate ! Voilà un article surprenant comme tous ceux déposés chez Jalel.
Sur ce sujet je m'abstiens. Je ne sais pas argumenter en ligne. Il me faut un tête à tête voilé ou dévoilé.
Je dirai juste qu'il vaut mieux parfois se contenter d'une vie sans trouble ni gloire, que d'un luxe trompeur toujours épouvanté !

Anonyme a dit…

Non, Jalel, je ne connais pas ce livre sur Velickovic d'André Velter, ni d'ailleurs Karton de Michel Onfray , dont j'ai pourtant plusieurs fois présenté les ouvrages de philo.

J'ai eu le plaisir (grâce au galeriste Lucien Schweitzer, de dîner avec Velickovic, Christiane. C'est un homme profondément traumatisé qui n'avait pas encore récupéré des horreurs nazies de l'enfance lorsqu'il a été plongé dans celles de la dernière guerre en Yougoslavie, et son grand succès, sa veste verte et sa renommée m'avaient pas l'air de flatter surtout sa jacassante "meilleure" moitié. Il refuse de se considérer comme Serbe et voit la fragmentation de son pays comme une combine de l'"OCCIDENT"... une de plus. (en fait surtout de l'Allemagne)

Dans le sens que lui donne Ziegler, l'Occident a beau être une mauvaise métonyme (je crois qu'on dit ainsi - Jalel?), il existe bel et bien et s'appelle grosso modo "Monde Développé capitaliste" qui s'oppose au Monde sous-developpé tout court, ou Tiers-monde + les pays en voie de développement (Chine, Inde, Brésil...) Cela se récoupe +/- avec la fracture coloniale, mais je crois pas qu'il faille considérer cela du point de vue uniquement géographique. La Russie appartient à cet occident: impérialiste et l'a toujours été et colonialiste (sans grand succès est-il vrai) aussi.
Samir Amin, que j'estime et je lis fréquemment, n'a pas tort, sauf qu'il me semble avoir tendance a généraliser, un peu comme son maître K.M. avant lui, mais bien moins qu'Attali qui par dessus le marché simplifie à outrance.
Le temps de faire les comptes viendra sans doute, Philip, mais quand?

Philip Seelen a dit…

Et la suite ?

On peut regretter que Jean Ziegler ne se prononce pas sur des issues possibles, voire heureuses à l'écroulement par palier du canevas des relations de dominations et de soumissions dans les rapports entre les hommes, les peuples et les états qui ont fait le 20ème siècle. Mais à son grand dame, c'est tous les modèles de rechanges, mêmes les plus catastrophiques se sont écroulés comme des châteaux de cartes.

La colère des peuples est cependant toujours là et s'amplifie prenant des proportions généralisées dont Ziegler nous annonce les soubresauts violents pour tout bientôt.

On peut donc tranquillement penser que la colère peut prendre des formes de projets et que de ces projets naîtront des vengeances.

Staline avait l'habitude de dire sous forme de boutade : "Choisir la victime, préparer soigneusement le coup à donner, assouvir inexorablement sa soif de vengeance, et puis aller dormir...Il n'est rien de plus doux au monde."

Marx et Engels aussi ponctuaient leurs analyses par
la formule de leur fameux Manifeste de 1848: "Toute Histoire et l'Histoire des exploitations de la colère."

Une aile influente de l'Islam révolutionnaire d'aujourd'hui pense dans le même schéma que ses précurseurs athées, d'une révolte générale des opprimés contre les oppresseurs rêvant d'une seule grande société enfin juste pour tous les musulmans.

Colère et vengeance deviennent des forces à exploiter et à organiser par ceux qui se sentent les dépositaires de la légitimité de ces colères et se désignent eux-mêmes comme les gérants et les banquier de ces colères accumulées comme des dividentes pour le profit d'une trés grande révolte ou de ce qu'on a appelé jusqu'à aujourd'hui des révolutions.

Mais les banques de la colère nées et disparues au 20ème siècle, que se soit le marxisme léninisme, le maoïsme, le social-fascisme ou le socialisme démocratique, ne sont plus du tout en état d'exploiter et d'entretenir ces capitaux de la colère.

Dans le monde globalisé où nous vivons, aucune politique voulant équilibrer les souffrances et tendre à y mettre fin ne sera possible si elle se fonde sur le ressentiment contre l'injustice passée, qu'elle soit enjolivée ou non par des accents religieux, écologistes, ou social messianiques.

Il est bien plus important désormais de délégitimer l'alliance moderne et fatale entre une intelligence politique et le ressentiment.

Il faut faire place à des paradigmes fondés sur une sagesse de la vie décontaminée de son venin et capable de faire ainsi face à l'avenir. Il faut commencer à créer des codes de conduites pour les affaires du monde, tenant compte que ces affaires ne peuvent se réduire à un seul dénominateur commun et que ces codes doivent s'élaborer pour fonctionner dans des univers culturels complexes et multiples.

La grande politique ne s'est toujours faite que sur un mode d'exercices d'équilibres. Il faut à tout prix apprendre à se voir toujours avec les yeux des autres et à développer ses facultés de se relativiser soi-même.

Nous devons quitter avec l'ancien système de gestion qui s'écroule de lui-même les temps de l'épopée et du drame tragique.

Le temps essentiel est le temps de se civiliser et non plus celui de faire l'Histoire. Nous devons nous exercer afin d'éviter, d'empêcher que le pire ne survienne. Il serait grand temps de bâtir une civilisation mondiale respectant l'être, pour son être temps, son être multiple, son être amour.

Anonyme a dit…

Un livre à lire (même s'il date déjà): "Les veines ouvertes de l'Amérique latine" ("Las venas abiertas de America latina") d'Eduardo Galeano. Il explique comme le continent Sud-américain, malgré son indépendence politique suppposée, resta économiquement soumis à l'Espagne 'abord, puis à l'Angleterre et enfin aux Eats-Unis (avec tout cela suppose comme coups d'état).

L'Occident, pour répondre à Ph. Seelen, a donc plusieurs visages, mais on peut le définir a contrario comme celui qui n'est pas exploité mais qui exploite.

Jalel El Gharbi a dit…

@Feuilly : je note ce titre. Merci