samedi 19 décembre 2009

L'invention de la rhétorique selon Chidyaq أحمد فارس الشدياق

Oeuvre du grand maître Behzad de Herat (1470-1506)
J’ai souvent été sceptique, dit-il, quant à la question de l’immortalité de l’âme. Je penchais pour les thèses philosophiques soutenant que tout, pour avoir connu un jour un commencement, a une fin. Or m’étant aperçu que la grammaire avait un commencement et point de fin, j’en ai tiré une analogie avec l’âme, ce qui, Dieu merci, a dissipé toute équivoque en moi .
Tout aussi difficile, voire plus, que la grammaire sont les techniques de l’inventio et de l’elocutio.
-Je n’en ai jamais entendu parler, dit le disciple.
- Moi, par contre, si et je connais tout ce que cet art comprend à savoir tropes, métaphore, antanaclase, assonance et d’autres dont le nombre dépasse la centaine et dont l’étude détaillée prendrait une vie. Une personne pourrait consacrer toute sa vie à l’étude de la seule métaphore et mourir sans la connaître ou alors elle aura oublié vers la fin de l’ouvrage ou des ouvrages qu’il aura étudiés ce qu’il aura appris au début. C’est que celui qui inventa cette science auguste n’était pas un sultan pour pouvoir contraindre tout le monde à le suivre et à prendre son parti. Il était plutôt pauvre, il s’en passionna et Dieu lui insuffla le don d’en établir les canons. C’est ainsi qu’il ne pouvait rien apercevoir sans avoir à l’esprit tel ou tel cas de figure. Par exemple, voyant le soleil se lever, il se demandait comment l’entendre, au sens propre ou au sens figuré et s’il s’agissait d’une métaphore in absentia ou d’une métaphore in presentia. De même que voyant les légumes pousser au printemps, il se demandait comment interpréter une proposition du type « le printemps fait pousser les légumes ». Serait-il approprié d’attribuer cela au printemps alors qu’il résulte du mouvement de la terre autour du soleil et que cela en est, sans aucun doute, la conséquence. Il est indubitable que c’est Dieu qui fait tourner la terre. Ainsi dire « Le printemps fait pousser les légumes » est une hypallage au second degré car le printemps résulte de la révolution de la terre qui elle-même résulte de la volonté du Tout-Puissant.
Tel est le cas d’une phrase comme « la barque ou la jument a avancé ». Il est des figures présentant trois ou quatre degrés. Il en est même dont les degrés dépassent le nombre des marches d’un minaret. Et il en est en gigogne, en colimaçon ou en vrilles. Ainsi que d’autres.
Ahmed Faris Chidyaq La Jambe sur la jambe (Traduction Jalel El Gharbi)

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