vendredi 18 décembre 2009

Sur un mot de Giulio-Enrico Pisani


"Plus on avance en âge et plus le nombre augmente des choses qu'on n'a pas faites" (Giulio-Enrico Pisani)
Ce n'est pas tant la vérité de l'affirmation qui m'interpelle ici que sa syntaxe. Phrase torturée, dans sa correction grammaticale, mimant le supplice du regret. Phrase grammaticale, canonique qui ajointe sujet et verbe, qui met en contigüité antécédent et pronom relatif. Implacablement juste. La vérité de cette phrase est d'abord syntaxique.
Pisani ne dit pas "Plus on avance en âge et plus le nombre des choses qu'on n'a pas faites augmente". Il dissocie le sujet et son expansion relative. Comme pour signifier ce divorce entre la chose et son corollaire. Divorce, dis-je. Sans doute parce que je pense à Aragon :"Sa vie est un étrange et douloureux divorce".
Pisani donne à voir ce divorce si canonique entre être et faire (le poïen grec d'où vient poésie).--

9 commentaires:

giulio Jourdain a dit…

Merci, Jalel, d'avoir cueilli entre mes lignes cette fleur de l'improbable, ce fruit du hasard et de l'avoir si joliment emballée.

Pier Paolo a dit…

Bonjour Jalel,
Merci pour votre éclairage sur cette belle phrase de Giulio. Vous démontrez, preuve à l'appui, que le traducteur est véritablement ce truchement par lequel il faut passer pour comprendre l'autre même si celui-ci parle la même langue que vous. Comme quoi, il ne suffit pas de parler la même langue pour se comprendre ; la compréhension de l'autre exige également de l'écouter avec son coeur. Bien à vous.

Jalel El Gharbi a dit…

@ Pier Paolo : vous aussi vous faites une belle traduction de mon propos. Faisons nous autre chose qu'essayer de traduire?
Bien à vous

sleemane a dit…

Il y a beaucoup à apprendre et à prendre dans votre blog. Merci pour cette générosité.
Amitiés,
Sleemane.

michèle pambrun a dit…

Giulio-Enrico aurait tout aussi bien pu écrire " (...) et plus augmente le nombre des choses qu'on n'a pas faites." Que le verbe soit à la fin ou au début revenait à ce que le sujet ne fût pas "dissocié de son expansion relative".

Lire la phrase de Giulio nous met en déséquilibre et donc en alerte. Je m'arrête, lectrice, au plaisir que provoque cette rupture. Quelque chose se passe et passe qui nous agit.

Votre lecture, votre analyse, Jalel, augmente cette jubilation en débusquant ce qui de cette syntaxe astucieuse et subtile, nous dit cette vérité : "le divorce entre la chose et son corollaire".

Merci à tous deux pour ces bonheurs qui s'ajointent.

Michèle

Jalel El Gharbi a dit…

@ Sleemane : Merci si Sleemane .
Amitiés
@ Michèle Pambrun : Oui mais dans la phrase telle que vous la formulez, il n'aurait pas dissocié le pronom relatif (qu') et son antécédent (choses).
Vous avez raison d'évoquer ce plaisir à lire la phrase de Giulio. Etonnante cette parenté entre douleur lyrique et lyrique de la douleur.
Bien à vous

Jalel El Gharbi a dit…

Sorry. Vous aurez rectifié par vous-même, ce que Giulio dissocie ce n'est pas le relatif et l'antécédent mais plutôt le nom et son complément

christiane a dit…

Quelle importance, Giulio ? Nous aurons eu le temps de découvrir que les choses attendent qu'on ne bouge plus pour respirer paisiblement à nos côtés. Poser la main sur l'écorce d'un arbre et prendre le temps d'aimer et de pardonner, alors nous aurons fait tout ce qu'il fallait pour fermer les yeux au seuil de l'inconnaissance, silence contre silence, étoile contre étoile, fini contre infini...
Pour vous et nos amis en retenir une par un fil d'or : l'étoile de Noël, certains disent que c'est à cause des minotaures de la haine... pour retrouver son chemin...

giulio a dit…

Merci, chère Christiane, de vos réflexions bien plus poétiques que mainte poésie ne saurait être.