Cluny : le même visage
L’Autre visage de Claude Michel Cluny est une œuvre tout à la fois exaltée et inquiète. Elle exulte à répéter que l’être ressemble toujours à lui-même autant qu’il se nourrit de cette altération que le temps inflige à l’étant. Il y a cependant un espace où les dichotomies se résorbent en harmonie, où l’inquiétante étrangeté se trouve transcendée en contemplation, en délectation du beau. Le beau interpelle non pas en tant que réalité morphologique, mais en tant que poïen, en tant que faire poétique, artistique. Il faut que tout soit allégorisée : « Prête-moi ton visage, disent le maître au disciple, le peintre à son modèle, la mort au vivant, le jour à la nuit, le père à l’enfant, les dieux à la beauté, l’art à l’imprévu, l’eau à la soif, la mémoire à l’heure enfouie… » écrit Claude Michel Cluny.
Le beau est donc totalitaire, despotique, qui mobilise toutes les tendances de l’être. Il suffit que l’autre passe (comme chez Baudelaire, comme chez Nerval, comme chez Emile Nelligan, comme chez Antoine Pol…) et le « mal » est fait. Le passage de la beauté est diabolique, il est révélation du passage (celui du temps) et avant-goût de l’enfer. « Loin de toi, ma vie… » dit je ne sais plus quelle ritournelle, où la distance est avant tout distance avec ce que nous fûmes, avec ce que nous sommes.
Un jour, alors que je m’apprêtais à aller voir Cluny chez lui, cette jeune fille en fleurs se faisait photographier et tout Paris retint son souffle…
Pourtant, il faut se fier à la leçon du poète : il ne faut pas se retourner, suivre l’injonction faite à Orphée. Il convient de passer son chemin ou de cheminer, si possible. Il ne faut surtout pas s’arrêter face à « l’indéchiffrable profil ». Indéchiffrable peut-être parce qu’il vient d’une autre chronologie, d’une temporalité autre :
« Te savais-tu sans retour
avant même d’être parti ?
Les horloges disposent
d’un autre temps que le nôtre »
Il y a dans ce renoncement une possibilité offerte de possession. Ce n’est pas de mystique qu’il s’agit. Alain Bosquet en fit l’erreur en 1972 en soutenant le caractère mystique de l’œuvre de Cluny (il n’y renonça qu’après 1989). Ce n’est pas de mystique qu’il s’agit mais de ce canon poétique essentiel : le paradoxe.
L’Autre visage est un recueil qui interroge la rémanence et qui la situe du côté du style : « l’art survit seul à sa vérité : le style ». La sentence de Claude Michel Cluny rappelle la fameuse expression du Temps retrouvé de Proust « les anneaux nécessaires d’un beau style ». Le recueil se laisse lire comme une réflexion sur le signe et sa rémanence. Ce qui induit qu’il se nourrit d’une conscience de finitude. A lire.
Claude Michel Cluny : L’Autre visage. Editions de la Différence. 2004
Claude Michel Cluny : des figures et des masques essai de Jalel El Gharbi suivi de textes de Cluny issus d’entretiens. Editions de la Différence, 2005.
L’Autre visage de Claude Michel Cluny est une œuvre tout à la fois exaltée et inquiète. Elle exulte à répéter que l’être ressemble toujours à lui-même autant qu’il se nourrit de cette altération que le temps inflige à l’étant. Il y a cependant un espace où les dichotomies se résorbent en harmonie, où l’inquiétante étrangeté se trouve transcendée en contemplation, en délectation du beau. Le beau interpelle non pas en tant que réalité morphologique, mais en tant que poïen, en tant que faire poétique, artistique. Il faut que tout soit allégorisée : « Prête-moi ton visage, disent le maître au disciple, le peintre à son modèle, la mort au vivant, le jour à la nuit, le père à l’enfant, les dieux à la beauté, l’art à l’imprévu, l’eau à la soif, la mémoire à l’heure enfouie… » écrit Claude Michel Cluny.
Le beau est donc totalitaire, despotique, qui mobilise toutes les tendances de l’être. Il suffit que l’autre passe (comme chez Baudelaire, comme chez Nerval, comme chez Emile Nelligan, comme chez Antoine Pol…) et le « mal » est fait. Le passage de la beauté est diabolique, il est révélation du passage (celui du temps) et avant-goût de l’enfer. « Loin de toi, ma vie… » dit je ne sais plus quelle ritournelle, où la distance est avant tout distance avec ce que nous fûmes, avec ce que nous sommes.
Un jour, alors que je m’apprêtais à aller voir Cluny chez lui, cette jeune fille en fleurs se faisait photographier et tout Paris retint son souffle…
Pourtant, il faut se fier à la leçon du poète : il ne faut pas se retourner, suivre l’injonction faite à Orphée. Il convient de passer son chemin ou de cheminer, si possible. Il ne faut surtout pas s’arrêter face à « l’indéchiffrable profil ». Indéchiffrable peut-être parce qu’il vient d’une autre chronologie, d’une temporalité autre :
« Te savais-tu sans retour
avant même d’être parti ?
Les horloges disposent
d’un autre temps que le nôtre »
Il y a dans ce renoncement une possibilité offerte de possession. Ce n’est pas de mystique qu’il s’agit. Alain Bosquet en fit l’erreur en 1972 en soutenant le caractère mystique de l’œuvre de Cluny (il n’y renonça qu’après 1989). Ce n’est pas de mystique qu’il s’agit mais de ce canon poétique essentiel : le paradoxe.
L’Autre visage est un recueil qui interroge la rémanence et qui la situe du côté du style : « l’art survit seul à sa vérité : le style ». La sentence de Claude Michel Cluny rappelle la fameuse expression du Temps retrouvé de Proust « les anneaux nécessaires d’un beau style ». Le recueil se laisse lire comme une réflexion sur le signe et sa rémanence. Ce qui induit qu’il se nourrit d’une conscience de finitude. A lire.
Claude Michel Cluny : L’Autre visage. Editions de la Différence. 2004
Claude Michel Cluny : des figures et des masques essai de Jalel El Gharbi suivi de textes de Cluny issus d’entretiens. Editions de la Différence, 2005.
6 commentaires:
Décidément, il commence à m'intéresser, ton Cluny. Très belle réflexion, très actuelle et, comme devrait toujours être la philosophie, d'une adéquation lumineuse à la vie.
Joli : "... que le temps inflige à l’étant"!
.
Cher Giulio,
Je te conseille surtout son Journal. (5 volumes)
Amicalement
Cher Jalel, entretemps La Différence en a publiés 3 de plus (tot. 8), des volumes de son Journal littéraire, et il paraît qu'il y en aura encore. Mais, hélas, comment tout lire? Entre mille autres lectures à réaliser ante mortem? Les carnets de Camus m'attendent déjà - tiens toi bien - depuis près de 20 ans. Comment faire? Tempus irreparabile fugit!
Tu es mieux informé que moi, cher Giulio. La dernière fois que j'ai vu CMC - il y a moins de deux ans- il m'avait offert le tome 5.
Oui Tempus irreparabile fugit!
comment lire tous les livres qui l'exigent ?
Amicalement
J'ai hâte de me procurer votre essai ...
L’Amour de Dieu
La vie, life, la vida
A tourné le dos à Dalida,
Qui n’avait pu avoir
Assez d’espoir
Pour attendre l’amour et la paix.
Mais la vie n’est pas si avare
Pour ceux qui tendent leur regard
Vers le ciel,
Là où Dieu tend sa main aux pieux
Auxquels il révèle
Le chemin de la tranquillité
Qu’ils doivent emprunter
Tous les soirs et tous les matins
En toute simplicité.
Il faut être sage
Pour voir les rivages
Du bonheur divin
Que ressentent les pieux, jeunes et vieux,
Tous les soirs et tous les matins.
A quoi bon penser au regard de l’autre
Quand on suit la voie de Dieu et de l’apôtre?
Dieu aime tous les hommes et toutes les femmes
Qui ont dans leur âme
L’Amour de Dieu.
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