dimanche 28 mars 2010

Riches Heures

J’ai enfin pu lire le livre de l’écrivain suisse Jean-Louis Kuffer (dans mes liens). Riches Heures est la moisson de cinq années d’écriture. Voici un extrait irrésistible :
Munch
L’affaire est grave : il n’y a pas un seul sourire chez Munch. Cependant une grande poésie de la douleur, une profonde mélancolie et délectation, tout le bonheur atroce de la beauté qui se connaît, je t’aime je te tue, tu m’es désir mortel, et partout cet Œil à la paupière arrachée – je n’ose même pas dormir.
Sa chair blessée n’est pas que d’un puritain misogyne (rien chez lui des ricanements gris et des verts vengeurs de Vallotton), mais c’est la triste chair du triste ciel métaphysique, c’est la chair dorée et mortelle de la Madone vampire, c’est l’incroyable rencontre d’un limpide azur dans l’univers noir et la catin rousse aux yeux verts, c’est la luxure et la mort exilant Béatrice et Laure – à l’asile, probablement.
Ce qui est certain, c’est qu’on en sait désormais un peu plus sur les pouvoirs émotionnels d’un certain blanc et d’un certain rose, le drame muet se joue sur fond vert naturellement apparié au noir cérémonial, mais les couleurs ne sont jamais attendues ni classables, chaque cri retentit avec la sienne et tous sont seuls dans la nature splendide.
Jean-Louis Kuffer : Riches Heures (Blog-Notes 2005-2006) L’Age d’Homme. 2009

5 commentaires:

Pier Paolo a dit…

Cet extrait est magnifique, cher Jalel. Les couleurs ont un langage auquel l'auteur apporte une oreille attentive. Cela m'évoque une parole des Beatles (en l'occurence Lennon ici) chantant sur "Tomorrow never knows": "Listen to the colors of your dream. It is not living ?" Ammicalement.

Pier Paolo a dit…

Encore un mot concernant le tableau de Munch, on y sent tout à la fois une certaine sérénité et une grande tension dramatique, voire un sentiment de malaise et de peur, un peu comme dans le début de ces films d'épouvante ou d'horreur qui commencent dans une banlieue tranquille avant de basculer dans l'horreur et l'étrange. Amitiés.

Jalel El Gharbi a dit…

Oui, cher Pier, les couleurs demandent à être interprétées (musicalement, poétiquement)
Amicalement

Hafawa REBHI a dit…

J'étais veule et épuisée. Je n'avais plus de mots, tellement ma peine était grande et insoutenable. Un vers, deux lignes, un texte, des mots, des tournures, des locutions spatio-temporelles et des connecteurs logiques... C'était impossible, impensable...car le tout petit peu raison et de force qui me restait, je devais m'en servir pour lutter contre la démence qui avait déjà commencé à lécher mes nerfs. Et puis, y a -t-il vraiment des mots qui pourraient traduire la déchéance et décrire la défaite. L'amertume, est -elle assez amère pour définir le goût de la lassitude? Le vide est-il assez consistant pour remplir la vacuité d'une âme qui ne conçoit plus l'utilité de son existence. Je n'avais point de mots... même ma voie s'est éteinte et il était trop vain de pleurer.je regardais "le cri" de "Munch", silencieuse, immobile, inanimée..un cri strident et sourd..un ciel embrasé..une marée noire.. un visage fade, un cri retentissant, et des échos concentriques, qui, comme un tourbillon, m'hypnotisaient... et atténuaient ma douleur.

Jalel El Gharbi a dit…

@ Hafawa Rebhi, j'ai lu avec intérêt votre texte ainsi que d'autres sur votre blog.
Je vous remercie pour le lien. Je vous ai liée moi aussi.
Bien à vous