mardi 22 juin 2010

Une passante de Giulio-Enrico Pisani

Portrait de Madame Lantelme de Giovanni Boldini.
AMOUR D’UN SOIR FIN SEPTEMBRE (Édit. Schortgen 1996)
Où l'on voit passants & passantes de Giulio-Enrico Pisani


EN PASSANT PAR PARIS

Dis-moi un mot, belle inconnue,
Ne détourne pas les yeux ;
Tu ne dois pas bouder, vois-tu,
Le sourire d’un homme heureux.

Car pour l’être il doit aimer
Et de t’aimer comme tu veux l’être,
Tendrement ou passionnément,
Pas du tout ou sous ta fenêtre.

Amicale ou romantique,
Ma présence auprès de toi
C’est la chaleur d’un pique-nique,
La clairière au fond du bois.

C’est sourire en vis-à-vis,
Un café sur les boulevards,
C’est les montres qu’on oublie,
C’est les lampes, car il se fait tard.

C’est le « Oh, mon Dieu ! » effaré,
Devant ce temps perdu
A la terrasse d’un café
Avec moi, cet inconnu.

C’est aussi les confidences
À un ami qu’on ne risque pas
De revoir dans cette existence,
Car demain il ne sera plus là.

Car demain il sera parti,
Emportant tous tes secrets
Murmurés au creux du lit
Ou devant un café au lait.

Oh rencontres d’un jour, éphémères d’amour !
Qui sait mieux qu’elles comment aimer sans mal ?
Des passions dévorantes ne restent que discours
Et discours encore pour les amours vénales.

Mais le flirt suggéré, gratuite connivence,
Le sourire en passant, dénudant mais pudique,
Appuyé aux Tuileries et envolé à La Défense,
est baiser éternel au souvenir magnifique.

4 commentaires:

Mokhtar El Amraoui a dit…

En savourant votre si suave poème,je me suis surpris en train de le chantonner(je gratte un peu de la guitare)comme si j'étais encore à Paris ,dans l'un de mes séjours,plongé dans la grouillante athmosphère vibrante de pas ,de costumes et de rythmes corporels tellement variés et cosmopolites des galeries du métro que j'affectionne tant car c'est un haut lieu de tous les "passages". Essaie de réfléchir à cette conversion en chanson.Le tableau qu'a choisi Jalel pourrait en être une grande source d'inspiration, du moins, pour les premières notes. A méditer, je crois.J'aurais bien proposé à feu Léo Ferré de chanter ton poème.

giulio a dit…

@ Mokhtar: cela m'était en effet passé par la tête, cher ami. Il y a une douzaine d'années un chanteur français dont j'ai oublié le nom, s'y était même intéressé, puis a laissé tomber.
Aujourd'hui je regarde avec tendresse ces poèmes écrits il y a au moins vingt ans et qui ne correspondent plus vraiment à mon état d'esprit présent, qui produit très peu de poésie et qui exige un style plus sobre et dépouillé.

Mais c'est chouette, que Jalel en mette sur son blog, car quelque baladin de métro pourrait bien tomber dessus par hasard et...

chanter du poème en lointaine connivence,
les vers enjôlants, dénudants mais pudiques,
appuyés aux Tuileries et envolés à La Défense,
baisers aux inconnues, souvenir magnifique.
.

Feuilly a dit…

@ Giulio: encore des souvenirs, des rencontres ébauchées, à peine esquissées, jamais concrétisées.
Les écrire, c'est les revivre non?

giulio a dit…

Oui, Feuilly, les revivre, c'est vrai: combien de "baisers" gaspillés, façon de parler, car rien n'est plus joli qu'un papillon énvolé. Et il y a ceux, tout aussi anonymes et parfaitement immérités. Tiens, voici, remonté il y a vingt ans, un papillon d'il y a plus de neuf lustres... en fait, pas vraiment, car si les papillons meurent, ils ne vieillissent pas:


SOURIRE D’AIMER

Je n’étais pas dans le besoin,
je n’avais rien demandé
et pourtant tu étais déjà loin
lorsque je voulus te remercier.

Tout ce qu’on me dit, fut qu’une bonne dame
avait déjà payé mon dû.
J’ignore, sans en faire un drame,
pourquoi elle le fit, cette inconnue.

Pourquoi paya-t-elle mon café,
sans un signe de la tête, du doigt,
me permettant de refuser,
ou de l’inviter, comme il se doit ?

Temples, chapelles, cathédrales,
ce n’est pas à l’abri de vos vitraux
ni en vertu de vos morales
que sont faits les plus beaux cadeaux

L’amour se trouve là où il jaillit
– non pas où vous voudriez le trouver –
au coin d’une rue, d’un bar, d’un lit,
partout où passe le sourire d’aimer.

- AMOUR D’UN SOIR FIN SEPTEMBRE (Édit. Schortgen 1996)
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