ANGELO VERGA
ELOGE POUR CE QUI RESTE
Traduit par Christian Garaud
Voici un extrait d'un long poème du poète new-yorkais Angelo Vergo dans sa version anglaise et dans la version traduite par le poète Christian Garaud. Cette traduction a été publié en mai par la revue Gros Texte - Art et Résistance. Mai 2010. Gros Texte nous a aimablement autorisé à reprendre ce texte.
Angelo Verga est un poète new-yorkais qui vit à la pointe de Manhattan, un œil sur la statue de la Liberté. Ses poèmes ont été publiés, aux Etats-Unis et dans d'autres pays, dans plusieurs anthologies et dans de très nombreuses revues, y compris, en France dans "Liqueur 44" (81) 2006 et (75) 2008. "Eloge pour ce qui reste" ("Praise for What Remains") a été publié sous forme de livre par Three Rooms Press en 2009. Parmi ses autres livres figurent 33 New York City Poems (Booklyn, 2005), 3 Poets 4 Peace (Against The Tide, 2003), A Hurricane Is (Jane Street, 2002), The Six O?clock News (Wind, 1999) and Across The Street from Lincoln Hospital (New School, 1995).
Christian Garaud est né en 1937 à Poitiers, il a enseigné dans plusieurs pays (Irlande du Nord, Suède, Canada, Chine, Etats-Unis), il vit actuellement à New-York. On lui doit des essais sur Victor Segalen et sur Jean Paulhan. Il vient de publier un recueil de poèmes : Les pommes clochards, Gros Textes (Polder 141) 2009, une petite édition qui recèle une grande passion pour la poésie.
Voir ma note du 5 décembre 2009 où je présente un de ses recueils.
Eloge pour ce qui reste
Quel ange puissant il me faut, ma chérie!
Et quel ange puissant tu es!
Et elle dit: quoi que tu me fasses,
Je l'aimerai, je n'y verrai pas
Un manque de respect, j'y prendrai plaisir.
Ne me fais pas plus mal que tu ne dois
Pour m'obliger à la soumission, je dois obéir,
Je n'ai d'autre désir que d'être à toi.
***
Visages dénués de toute expression,
Visages vidés de toute ferveur ou intention,
Visages qui font savoir que le porteur
Du masque est mort, négligeant
Seulement jusqu'ici de tomber sur le ventre, Visages de l'empire, d'un empire
Pourrissant, esclaves vampires,
Photos de police de damnés.
Avant l'aube: le bourdonnement d'ailes dans la nuit,
Les lumières, la brume, le brouillard: une lumière solitaire
Dans un nuage - hélicoptère? avion de reconnaissance?
Dans le port, les canons
D'un cuirassé gris pointés
Vers le parc, les tentes de l'armée rompent Le vert des arbres avec le vert du camouflage,
Et le globe des Tours Jumelles
Qui en a pris un coup est illuminé
Par une ampoule d'un million de watts[1].
Les sirènes de police annoncent l'aube en hurlant,
La fumée s'élève des plaques couvrant les bouches d'égout,
Les faisceaux lumineux sur les toits, les bateaux-pompes
Sur les deux fleuves, à l'est, à l'ouest,
Au nord, au sud, les abeilles, les bourdonnements,
Les abeilles qui font prospérer la ville,
Les abeilles, les abeilles sont sur le point
D'arriver, retournant à la ruche.
***
Le chant d'un coq dure plus longtemps que ses ailes,
C'est pourquoi nous écrivons des poèmes, supportons les bébés,
Cherchons l'immortalité pour aller au-delà du corps,
Du temps, de la géographie, de la tribu, pour nous unir à l'univers
Tandis qu'il chante en zigzaguant
Loin, loin, jusqu'au plus lointain tourbillon.
Pas d'ère nouvelle, pas maintenant, pas encore, seuls les gémissements
De l'aube viennent pendant la nuit; la joie arrive avec la lumière du jour,
N'est-ce pas, ma chérie, ma beauté?
Mais voici seulement le reflet de l'aube,
D'où une joie pâle, un lever de soleil squelettique
Contrôlé par le ciel, mon amour.
Donne-moi la main, ma Douleur, et viens avec moi,
Mets mes chaussures, mes sneakers, mes sandales, mes bottes.
L'ignorance ne cesse de croître, prospèrent
La folie et l'erreur, la mesquinerie et le vice.
Le vent et les nuages torturent les gratte-ciel,
Leurs milliers d'yeux fermés dans l'angoisse de l'acquiescence,
Une petite chose, peut-être aussi petite
Que la déchirure d'une feuille sèche entre le pouce et le doigt,
La torsion d'un mamelon de chair mûre,
Un petit crime, une petite annihilation
Complète, totale, rapide.
[1] Il s'agit du globe qui reposait entre les deux tours du World Trade Center avant le 11 septembre 2001. Ce globe est maintenant placé à la pointe de Manhattan, à Battery Park.
ELOGE POUR CE QUI RESTE
Traduit par Christian Garaud
Voici un extrait d'un long poème du poète new-yorkais Angelo Vergo dans sa version anglaise et dans la version traduite par le poète Christian Garaud. Cette traduction a été publié en mai par la revue Gros Texte - Art et Résistance. Mai 2010. Gros Texte nous a aimablement autorisé à reprendre ce texte.
Angelo Verga est un poète new-yorkais qui vit à la pointe de Manhattan, un œil sur la statue de la Liberté. Ses poèmes ont été publiés, aux Etats-Unis et dans d'autres pays, dans plusieurs anthologies et dans de très nombreuses revues, y compris, en France dans "Liqueur 44" (81) 2006 et (75) 2008. "Eloge pour ce qui reste" ("Praise for What Remains") a été publié sous forme de livre par Three Rooms Press en 2009. Parmi ses autres livres figurent 33 New York City Poems (Booklyn, 2005), 3 Poets 4 Peace (Against The Tide, 2003), A Hurricane Is (Jane Street, 2002), The Six O?clock News (Wind, 1999) and Across The Street from Lincoln Hospital (New School, 1995).
Christian Garaud est né en 1937 à Poitiers, il a enseigné dans plusieurs pays (Irlande du Nord, Suède, Canada, Chine, Etats-Unis), il vit actuellement à New-York. On lui doit des essais sur Victor Segalen et sur Jean Paulhan. Il vient de publier un recueil de poèmes : Les pommes clochards, Gros Textes (Polder 141) 2009, une petite édition qui recèle une grande passion pour la poésie.
Voir ma note du 5 décembre 2009 où je présente un de ses recueils.
Eloge pour ce qui reste
Quel ange puissant il me faut, ma chérie!
Et quel ange puissant tu es!
Et elle dit: quoi que tu me fasses,
Je l'aimerai, je n'y verrai pas
Un manque de respect, j'y prendrai plaisir.
Ne me fais pas plus mal que tu ne dois
Pour m'obliger à la soumission, je dois obéir,
Je n'ai d'autre désir que d'être à toi.
***
Visages dénués de toute expression,
Visages vidés de toute ferveur ou intention,
Visages qui font savoir que le porteur
Du masque est mort, négligeant
Seulement jusqu'ici de tomber sur le ventre, Visages de l'empire, d'un empire
Pourrissant, esclaves vampires,
Photos de police de damnés.
Avant l'aube: le bourdonnement d'ailes dans la nuit,
Les lumières, la brume, le brouillard: une lumière solitaire
Dans un nuage - hélicoptère? avion de reconnaissance?
Dans le port, les canons
D'un cuirassé gris pointés
Vers le parc, les tentes de l'armée rompent Le vert des arbres avec le vert du camouflage,
Et le globe des Tours Jumelles
Qui en a pris un coup est illuminé
Par une ampoule d'un million de watts[1].
Les sirènes de police annoncent l'aube en hurlant,
La fumée s'élève des plaques couvrant les bouches d'égout,
Les faisceaux lumineux sur les toits, les bateaux-pompes
Sur les deux fleuves, à l'est, à l'ouest,
Au nord, au sud, les abeilles, les bourdonnements,
Les abeilles qui font prospérer la ville,
Les abeilles, les abeilles sont sur le point
D'arriver, retournant à la ruche.
***
Le chant d'un coq dure plus longtemps que ses ailes,
C'est pourquoi nous écrivons des poèmes, supportons les bébés,
Cherchons l'immortalité pour aller au-delà du corps,
Du temps, de la géographie, de la tribu, pour nous unir à l'univers
Tandis qu'il chante en zigzaguant
Loin, loin, jusqu'au plus lointain tourbillon.
Pas d'ère nouvelle, pas maintenant, pas encore, seuls les gémissements
De l'aube viennent pendant la nuit; la joie arrive avec la lumière du jour,
N'est-ce pas, ma chérie, ma beauté?
Mais voici seulement le reflet de l'aube,
D'où une joie pâle, un lever de soleil squelettique
Contrôlé par le ciel, mon amour.
Donne-moi la main, ma Douleur, et viens avec moi,
Mets mes chaussures, mes sneakers, mes sandales, mes bottes.
L'ignorance ne cesse de croître, prospèrent
La folie et l'erreur, la mesquinerie et le vice.
Le vent et les nuages torturent les gratte-ciel,
Leurs milliers d'yeux fermés dans l'angoisse de l'acquiescence,
Une petite chose, peut-être aussi petite
Que la déchirure d'une feuille sèche entre le pouce et le doigt,
La torsion d'un mamelon de chair mûre,
Un petit crime, une petite annihilation
Complète, totale, rapide.
[1] Il s'agit du globe qui reposait entre les deux tours du World Trade Center avant le 11 septembre 2001. Ce globe est maintenant placé à la pointe de Manhattan, à Battery Park.
PRAISE FOR WHAT REMAINS
Invocation
What a strong angel I seek, my darling
And what a strong angel you are
And she says if you do it to me
I’ll like it, whatever it is,
I won't take it as a reprimand I’ll enjoy it
Don’t hurt me more than you must
To compel submission, I need to obey
I yearn for no choice but to be yours
**
Faces erased of all emotion
Faces devoid of fervor or intent
Faces that convey that the wearer
Of the mask is dead, neglecting
Only to face down fall as of yet
Faces of the empire, the empire
In decay, the vampire slaves
Mug shots of the damned
Predawn: drone of wings in dark
Lights, mist, fog: one lone light
Inside a cloud, helicopter? scout?
In the harbor, a gray
Battleship’s guns pointed in
At the park, army tents break green
Of trees with green of camouflage
And the globe from the towers
Punched hard is spotlighted
With a million watt bulb
Police sirens scream dawn
Smoke rises from manhole covers
Search beams on rooftops, fire
Boats on both rivers, east west
North south, the bees, the drones
The bees who make the city thrive
The bees, the bees are about
To arrive, returning to the hive
**
A rooster’s song lasts longer than his wings
That is why we write poems, suffer babies,
Seek immortality, to go beyond the body,
Time, geography, tribe, to join the universe
As it sings through its twists and turns
Out, out, into the far-flung whirlwind
No new era, not now, not yet, only the dawn
Moans come during the night; joy arrives with daylight
Isn’t that right? My darling, my lovely one
But here only the reflection of dawn arrives,
Hence a pale joy, a skeletal sunrise
Restrained by the sky, my sweetheart
Give me your hand, Sorrow, and come with me
Walk inside my shoes, my sneakers, sandals, boots
Since ignorance is increasingly on the rise
Folly and error, pettiness and vice thrive
The wind and clouds torture the towers
Their thousand eyes closed in anguish of acquiescence
A small thing, as small perhaps
As the breaking of a dry leaf between thumb and finger
The tweaking of a ripe nipple of flesh
A small crime, a small annihilation
Complete and inclusive, though swift
Invocation
What a strong angel I seek, my darling
And what a strong angel you are
And she says if you do it to me
I’ll like it, whatever it is,
I won't take it as a reprimand I’ll enjoy it
Don’t hurt me more than you must
To compel submission, I need to obey
I yearn for no choice but to be yours
**
Faces erased of all emotion
Faces devoid of fervor or intent
Faces that convey that the wearer
Of the mask is dead, neglecting
Only to face down fall as of yet
Faces of the empire, the empire
In decay, the vampire slaves
Mug shots of the damned
Predawn: drone of wings in dark
Lights, mist, fog: one lone light
Inside a cloud, helicopter? scout?
In the harbor, a gray
Battleship’s guns pointed in
At the park, army tents break green
Of trees with green of camouflage
And the globe from the towers
Punched hard is spotlighted
With a million watt bulb
Police sirens scream dawn
Smoke rises from manhole covers
Search beams on rooftops, fire
Boats on both rivers, east west
North south, the bees, the drones
The bees who make the city thrive
The bees, the bees are about
To arrive, returning to the hive
**
A rooster’s song lasts longer than his wings
That is why we write poems, suffer babies,
Seek immortality, to go beyond the body,
Time, geography, tribe, to join the universe
As it sings through its twists and turns
Out, out, into the far-flung whirlwind
No new era, not now, not yet, only the dawn
Moans come during the night; joy arrives with daylight
Isn’t that right? My darling, my lovely one
But here only the reflection of dawn arrives,
Hence a pale joy, a skeletal sunrise
Restrained by the sky, my sweetheart
Give me your hand, Sorrow, and come with me
Walk inside my shoes, my sneakers, sandals, boots
Since ignorance is increasingly on the rise
Folly and error, pettiness and vice thrive
The wind and clouds torture the towers
Their thousand eyes closed in anguish of acquiescence
A small thing, as small perhaps
As the breaking of a dry leaf between thumb and finger
The tweaking of a ripe nipple of flesh
A small crime, a small annihilation
Complete and inclusive, though swift
2 commentaires:
Je viens de lire « Eloge pour ce qui reste» dans sa traduction française. M e r c i, Jalel, de m’avoir donné à découvrir ce long poème.
Et merci à l’auteur et à C. Garaud.
C'est moi qui vous remercie chère Evel.
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