jeudi 24 octobre 2013

Ce matin à La Manouba

Au lendemain de l'assassinat de six agents de la Garde Nationale et d'un autre de la Police Nationale, il était difficile de disserter sur les figures de style et de faire comme si de rien n'était. Pourtant, nous avons travaillé jusqu'à 10h30 heure à laquelle les étudiants, qui étaient en AG présidée par l'UGET, ont essuyé des jets de pierres puis des coups de chaînes et de matraques de la part des partisans du parti Nahdha venus de partout soutenir les leurs aux cris salafistes de Takbir Takbir suivis de Allaho Akbar !!!
Un spectacle affligeant ! L'incarnation même du sous-développement érigé en foi.
Ils ne s'agit pas d'incidents isolés. On savait dès 8H du matin, à l'affluence record des étudiants pro-nahdha , certaines en niqab.
Les enseignants sont intervenus auprès des étudiants pour les exhorter à ne pas répondre à la violence par la violence.
Vers 11h30 des étudiants d'autres institutions sont venus au secours de leurs camarades. Et les islamistes ont dû quitter la faculté. Le premier étudiant islamiste à avoir quitté la faculté n'est autre que le fils de Ali Larayed, Premier ministre qui aime à se faire appeler Président du gouvernement. Hichem Larayedh n'a pas manqué avant de quitter la Faculté de manquer de respect à un collègue.
Rien à faire....
Nous nous sommes ensuite retirés pour nous rendre au siège régional de l'UGTT d'où nous sommes allés exprimer tout notre soutien à La Garde et à la Police Nationales.
PS  : pourquoi les partisans de Nahdha nous ont-ils pris en photos ? J'imagine que ce n'est pas parce qu'ils nous trouvaient photogéniques.

samedi 19 octobre 2013

Lampedusa, l'irrésistible chant des sirènes par Boubaker Ben Fraj


Lampedusa, caillou émergé des flots, en plein milieu de la grande bleue : la mer Méditerranée ; île si petite qu’elle est presque invisible sur les cartes; si isolée et introvertie, au point d’être jusqu’à une date pas lointaine, totalement épargnée par l’histoire.
Rocher d’à peine vingt kilomètres carrés, érodé et aplani par les vents marins soufflant de toutes directions, îlot inhospitalier, inhabité jusqu’au milieu du XIXème siècle, rocailleux et aride, Lampedusa n’arrête pas ces temps-ci de susciter dans mon imaginaire, les images fictives que je me suis faites d’une île tragique dans la mythologie des anciens grecs : celle au bord de laquelle, venaient se fracasser l’une après l’autre, les embarcations des malheureux navigateurs, envoutés par le chant irrésistible des belles sirènes, qui les attiraient implacablement vers leur funeste destin.

Jadis introvertie et oubliée, Lampedusa se trouve soudainement aujourd’hui - malgré elle - sous les yeux surpris du monde entier, l’épicentre d’une tragique et scandaleuse actualité.
Une actualité, qui ne cesse, à travers son défilé incessant d’images plus affligeantes les unes que les autres, de torturer les regards ; le nôtre tout d’abord, en tant que Tunisiens, lorsque nous voyons troublés et impuissants, ces vagues successives de nos jeunes compatriotes, fuyant le pays, dans l’état désastreux où ils se retrouvent au contact de cette île-gué, posée en plein milieu du détroit de Sicile.
Une île érigée en sentinelle avancée d’une Europe, de plus en plus verrouillée, tourmentée par la phobie maladive, d’être assaillie par les « hordes invasives» venant du côté Sud de la Méditerranée.
Images répétitives au point de nous devenir familières : celles de ces embarcations à la dérive, parties clandestinement de nos côtes, chargées à craquer de jeunes au faciès bien typé de chez nous , accroupis dans une posture quasi-humiliante au coude-à-coude, grillés par le soleil sur le pont craquant d’un chalutier de fortune, ou entassés tels des bestiaux à l’ombre de ses cales sordides.
Autres images, montrant de jeunes rescapés d’un naufrage, regards éteints et visages sans expression, qui suivent docilement en file indienne, silencieux et à bout de forces, une escorte d’humanitaires à l’apparence bienveillante, vers un hangar de rétention, trop surchargé pour pouvoir les abriter sous son toit .
 Pis encore : images effroyables de cadavres inidentifiables de compatriotes, éjectés par les vagues, sur le sable humide des criques abandonnées de l’île.
 Et pour clore le sinistre tableau, images de ces cérémonies rituelles funèbres, où des centaines de cercueils bien astiqués, sont alignés en rangées parallèles pour la pose photo. Clichés qui seront largement diffusés, pour prouver au monde que l’Europe, qui verse plus dans l’humanitaire que dans l’humanisme depuis qu’elle s’est unifiée, sait traiter les clandestins qui périssent à ses frontières, plus sereinement, et plus dignement que ceux qui ont la chance -ou la malchance- de les franchir vivants.
Ulysse et les sirènes. Musée du Bardo. Tunis

Qui doit-on accabler en premier ? Et qui doit assumer la responsabilité d’une situation aussi dramatique, qui a transformé la Méditerranée en muraille bloquant la circulation des hommes entre ses rives, alors qu’elle a de tout temps constitué une passerelle, un carrefour, en temps de paix et de conflits, en périodes de prospérité et de crises ?
Est-ce l’Europe qui est la seule responsable de cette situation, en refusant, contre toute raison, d’accueillir chez elle ces jeunes compatriotes en fugue?
Ou bien, assumons-nous, nous-mêmes la part essentielle de cette responsabilité, par notre échec à retenir ces jeunes chez eux, en leur offrant des chances et des perspectives réelles de réaliser leurs espérances en une vie meilleure dans leur propre logis ?
Certes, la réponse n’est pas facile, et les solutions le sont beaucoup moins ; mais rappelons pour mémoire que la Tunisie n’a jamais été de toute son histoire, un pays de départ des hommes.
Bien au contraire, elle a toujours accueilli à bras ouverts des vagues successives de gens venus de toutes parts : les phéniciens du Liban, les Romains d’Italie, les Vandales de l’Europe du Nord, les Arabes venus d’Orient, les Andalous chassés d’Espagne, les Turcs et les Balkaniques, les juifs de Livourne, les milliers d’humbles Italiens chassés par la pauvreté de Sicile, de la Calabre et de la Sardaigne, des Maltais, des Français, des Tripolitains, sans parler des Africains du sud du Grand Sahara.
 Paradoxalement, à travers son histoire multimillénaire, la Tunisie a toujours eu besoin d’apports exogènes d’hommes et de femmes, et elle a toujours su les accueillir et les intégrer, tout naturellement.
 Comment comprendre alors cette Tunisie d’aujourd’hui, qui laisse ses propres enfants fuir ses rivages en clandestins, au péril de leurs vies sur des boat-people, vers les rivages ingrats de Lampedusa ? Est-ce une entorse à sa propre histoire ? Est un moment passager de déperdition de son équilibre, de sa raison et de sa dignité ? Espérons-le en tout cas !
Quant à l’Europe qui se raidit en se refermant sur elle-même, saurait elle jamais que la mort des jeunes gens sur la frontière qu’elle vient de dresser en Méditerranée, est annonciatrice pour elle, d’une régression inéluctable ? Ou au mieux, le saurait-elle à temps ?

 Boubaker ben fraj

vendredi 18 octobre 2013

Pour saluer la Garde Nationale

Dans l'inculture qu'ils prennent pour mode de penser, il n'y a pas de place pour la fête. C'est pour cela qu'ils ont lâchement assassiné deux agents de la Garde Nationale.
La fête les indispose. Il faut qu'ils la transforment en deuil.
Il leur faut du sang pour hisser leur drapeau couleur de suie.
Ils se nourrissent de haine, d'ignorance, de xénophobie.
Aujourd'hui, la Garde nationale fait face à la barbarie.

dimanche 13 octobre 2013

Tahar Bekri : Lampedusa

babelmed (www.babelmed.net) vient de mettre en ligne ce texte que je reprends sur conseil de Giulio-Enrico Pisani :
Lampedusa
      Tahar Bekri
   
     Si ta main se ferme comme la pierre
      Si ton olivier fait peur aux oiseaux
      Si ta porte est un rideau de fer
      Si ta cloche est sourde aux cris de la mer
      Si l'horizon remplit ton coeur d'épouvantails
      Si ta carabine tire sur les radeaux de fortune


      Comment peux-tu honorer la terre ?


      Si ton cactus ne sait donner que des épines
      Si ton muret est une frontière pour les rapaces
      Si ta vigne ne partage pas ses raisins
      Si ton rivage vomit les corps anonymes
      Si ton cimetière ne vaut pas une prière
      Si ton rêve est une mouette empaillée


      Comment peux-tu aimer la liberté ?
OEuvre de Marco Nereo Rotelli 


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       *Ce poème a été exposé au Musée d'Archéologie à Lampedusa- Italie,
Août-octobre 2011, sur invitation de l'artiste Marco Nereo Rotelli.