Les «Univers parallèles» d’Adam Martinakis
(Zeitung vum Lëtzeburger Vollek)
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Certes, les expositions collectives, où l’on présente de nombreux artistes, ont l’avantage d’en faire connaître davantage au cours d’une même visite. Mais comment vraiment apprécier chacun d’entre eux ? Comment approfondir la vision de chacun, l’esprit de son travail, l’âme de son art, quand dessin, peinture, photographie ou composition digitale se côtoient en une sorte de concurrence cacophonique confrontant l’incomparable et poussant le visiteur à être simple passant ? Imaginez donc mon plaisir, amis lecteurs, lorsque Madame Gila Paris, la directrice de la Cultureinside gallery1, m’invita à ce vernissage solo. Plaisir qui se mua en une joie profonde, lorsque je vis que l’artiste exposé n’était autre que le génial Adam Martinakis, dont j’avais pu admirer il y a cinq ans2 quatre compositions digitales exceptionnelles. Je pense à «Crystal Nightmare», symbiose et interpénétration entre un nu féminin et les carreaux d’un palais de verre surréaliste, ou «Blurred» où l’homme se bat contre l’architecture (autoportrait, symbole ?), ou «Where is Love ?», intérieur d’immeuble fou incluant un homme nu dans sa folie...
J’écrivis à l’époque «Espérons que ce jeune prodige et déjà grand artiste garde un bon souvenir du Luxembourg (...) et nous présente un de ces jours une exposition en solo...». Cinq longues années, et dire que j’avais failli l’oublier, pendant que son «confrère» Giacomo Costa, cet autre magnifique graphiste et peintre digital, ne cessait d’exposer chez nous. Le digital ! Oui, mais la comparaison s’arrête là. Lorsque Costa s’est rendu célèbre par ses grandioses paysages urbains et industriels post-apocalyptiques dont l’être humain est exclu, chez Martinakis tout tourne autour de l’être humain. C’est autour de l’homme et de la femme qu’il conçoit et réalise ses oeuvres et affirme construire son travail comme «un mélange de futurisme post-imaginaire et de symbolisme abstrait». Quant à moi, je pense que ses créations tiennent moins d’un symbolisme abstrait que surréaliste, voire transréaliste, ou même uchronique ». L’art digital permet de donner vie à des mécanismes de création illimités. L’artiste explore sans cesse l’inconnu, la lumière, les ténèbres... Propose-t-il une passerelle entre matière et esprit, vivant et absent, personnel et universel ?
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Chacune est une féerie unique, mais toutes sont extraterrestres, dans la mesure où, poèmes visuels régurgités par son subconscient, puis façonnés et mis en scène par ce magicien du numérique, elles explosent le connu, dépassent le magique et flirtent avec l’inimaginable.
Né à Lubań, en Pologne en 1972, Adam Martinakis émigre en 1982 avec sa mère, polonaise et son père, grec, à Athènes. Là il s’inscrit au TEI, Institut Éducationnel technologique, où il étudie architecture d’intérieur, arts décoratifs et design industriel. Après son diplôme, il entre aux Beaux-arts à Thessalonique. Mais ses études sont traversées, voire saturées par un énorme travail personnel dans de nombreux autres domaines artistiques. A partir de 2000 il travaille et expérimente sur l’art numérique lato sensu, c’est-à-dire la sculpture et les images digitales en 3 dimensions, l’animation, la vidéo digitale et les nouveaux médias. Aussi se considère-t-il avant et par-dessus tout comme un autodidacte. Mais quel autodidacte ! Car Adam Martinakis a reçu des muses bien plus que l’habileté, qu’un goût très sûr, que du talent, que du savoir-faire ; il a été touché par le génie. Membre de la Chambre grecque des Beaux-arts, il a également enseigné l’art et le design digital, le graphisme, la décoration d’intérieur et le design céramique dans de nombreux instituts et écoles d’art. Il vit et travaille en Grèce, en Pologne et au Royaume Uni et expose dans le monde entier. Voilà, amis lecteurs, vous en savez à présent autant que moi. A vous de jouer !
Giulio-Enrico Pisani
(1) Cultureinside gallery 8, rue Notre-Dame (coin rue des Capucins) Luxembourg centre, Tél. 621241243, expo Adam Martinakis jusqu’au 31 janvier 2015, du mardi au vendredi de 14h30 à 18h30, samedi de 11 à 17h30.
(2) Galerie Clairefontaine, juillet 2009
(3) Le Diabond, ou ACP (Aluminium Composite Panel) est un panneau en PVC de 3 mm, revêtu d’une feuille d’aluminium
(4) Traduit de l’anglais: «I imagine art being a bridge, a connection between the spirit and the material, the living and the absent, the personal and the universal. My aim is to explore the unknown, the light and the darkness of a supplementary coexistence that forms the event horizon of the creation. I compose scenes of the unborn, the dead and the alive, immersed in the metaphysics of perception».
(5) Tableau représentant le syndrome, complexe ou malédiction de Cassandre, qui avait reçu le don de la prophétie, mais n’était jamais crue (mythologie grecque).
(6) Tumbleweed en anglais (herbe culbutante)
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