L'ombre grandit et grandit la haute solitude. Un jour, nous avons tout dit de l'essentiel : nous avons bu et nous avons lu et nous avons lorgné du côté d'une passante. Je le savais un peu : tu ne pouvais pas rester. Tu as besoin d'un paysage qui ressemble à Haydn. Il te faut des prières impies. La beauté qui n'a pas de sexe et de lointaines calligraphies. J'ai posé sur la table tous les égarements et tous les orages et tu as su d'un sourire et d'un verre tout éteindre. Moi aussi, j'étais en péril et je ne savais pas qui j'étais. Il te faut des phrases torturées de désir et il te faut l'épaisseur du silence et les amers citrons de l'inhabitable.
Je viens d'apprendre que toi aussi tu étais mortel, l'ami.
Claude Michel Cluny vient de s'éteindre. Au bout du chemin que nous avons fait ensemble, il reste un livre que je lui ai consacré et une traduction d'un choix de poèmes demeurée à ce jour inédite.
1 commentaire:
Combien sont-ils ceux qui ont su s’adapter aux calligraphies lointaines des poètes qu’ils ne veulent pas savoir mortels et qui comme eux, poètes, oublient qu’ils sont eux aussi irremplaçables ?
Tous les hommes sont mortels, mais la disparition d’un poète nous déchire et ne sait pas nous réparer. Comment se consoler de la perte de celui qui nous fait goûter généreusement aux saveurs bienheureuses que convoquent ses mots et nous tisse inlassablement de son cœur cet espoir indéfectible qui nous maintient solides et confiants face à l’adversité ?
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