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dimanche 29 mars 2015
samedi 28 mars 2015
Mahmoud Darwich
OEuvre de Willem Kalf
-Les pommes : mordre la forme sans le châtiment de la
connaissance.
-Les poires : un sein d’une configuration idéale, ni
plus petit ni plus grand que la paume d’une main.
-Les raisins : le sucre vous appelant à le presser
soit dans votre bouche soit dans les amphores
.-Les figues : les lèvres qu’entrouvrent deux doigts
pour recevoir en une seule fois le sens érotique.
-Les figues de barbarie : la vierge défendant son
trésor.
-Les cerises : la distance écourtée entre le désir des
yeux et l’image des lèvres.
-Les coings : les taquineries d’une femme faisant que
l’homme éconduit a la gorge nouée.
-Les grenades : la dissimulation du rubis dans la
syllepse.
Traduction Jalel El Gharbi
mardi 24 mars 2015
Lettre à une étrangère
OEuvre de Carole Melmoux
Lettre à une
étrangère
Tu peux t’envoler seule
Et traverser la mer
toute seule
Et toute seule trouver d’autres couleurs
D’autres fruits et sous le sable une rose toute seule
D’autres parchemins, d’autres livres et sourire toute seule
Mais s’il t’arrive le moindre mal j’ai le cœur qui saigne
tout seul
Car alors, l’étranger
c’est moi.
Jalel El Gharbi
Jalel El Gharbi
La Manouba : Palais de la Rose La musée militaire national
Ce palais construit sous le règne de Hamouda Pacha et superbebement restauré par l'armée nationale retrace l'histoire militaire de la Tunisie depuis l'époque carthaginoise. A lui seul le palais vaut le détour. Une pure merveille .
dimanche 22 mars 2015
samedi 14 mars 2015
Mahmoud Darwich. Assonance
Assonance (Pour Édward
Saïd)
Edouard Saïd, Marcel Khalifa, Mahmoud Darwic (de gauche à droite)
Cinquième
avenue/Novembre/New York
Le
soleil est un plateau en métal qui vole en éclats
J’ai
dit à mon âme étrangère dans l’ombre
Est-ce
Babel ou Sodome ?
Là,
sur le seuil d’un précipice électrique
J’ai
rencontré Édward à hauteur de ciel
Il
y a de cela trente ans.
Le
temps était moins fougueux qu’il ne l’est aujourd’hui
Chacun
de nous dit :
Si
ton passé est expérience
Fais
du lendemain sens et vision
Allons
donc
Allons
donc
Vers
notre lendemain, assurés
De
la franchise de l’imagination et du miracle de l’herbe.
Je
n’ai pas souvenir que nous soyons allés au cinéma
Le
soir. Mais j’ai entendu des Indiens
Devant
moi m’interpeller : ne te fie
Ni
au cheval ni à la modernité.
Non,
aucune victime ne demande à son bourreau :
Es-tu
moi-même ? Si mon épée était
Plus
grande que ma rose demanderais-tu
Si
je fais comme toi ?
Une
telle question suscite la curiosité de l’esthète
Dans
un bureau vitré donnant sur des
Tulipes
dans un jardin là où
La
main de l’hypothèse est pure
Comme
la conscience de
L’esthète
quand il règle ses comptes avec
La
tendance humaine. Il n’y a pas de lendemain
Dans
le passé, avançons donc.
Le
progrès est peut-être
Un
pont qui ramène vers la barbarie…
New
York. Édouard se réveille
À
la paresse de l’aube. Il joue un air de Mozart
Cavale
dans le court de tennis de l’université
Et
pense à la migration de la pensée à travers les frontières,
Par-dessus
les barrières. Il lit le New York Times,
Écrit
un commentaire enfiévré et maudit un orientaliste
Qui
indique à un général le point faible
Dans
le cœur d’une orientale. Il prend son bain. Il choisit
Son
costume avec l’élégance d’un coq. Il prend
Son
café au lait et crie à l’aube :
Assez
d’atermoiements.
Il
marche sur le vent. Et dans le vent,
Il
sait qui il est. Le vent n’a ni toit
Ni
maison. Le vent est la boussole
Indiquant
le nord pour l’étranger.
Il
dit : je suis là et suis ici
Je
ne suis ni là ni ici.
J’ai
deux noms qui se rencontrent et se séparent
J’ai
deux langues. Et j’ai oublié dans laquelle des deux
Je
rêvais
J’ai
un anglais aux mots malléables
Pour
écrire
Et
j’ai une autre langue extraite du dialogue du ciel
Avec
Jérusalem, son timbre est argenté
Mais
elle ne suit pas mon imagination.
-Et
ton identité ? dis-je
-
C’est me défendre…
L’identité
est fille de la naissance
Mais
elle est en fin de compte invention de son homme
Et
point un héritage. Moi, le multiple je porte
Dans
mon dedans mon dehors renouvelé. Mais
J’appartiens
à la question de la victime. Si je n’étais pas d’ici
J’aurais
entraîné mon cœur à élever
Là-bas
la gazelle de l’écriture…
Emporte
donc ton pays partout où tu vas et sois
Narcissique
s’il le faut.
Exil
est le monde intérieur
Exil
est le monde extérieur
Qui
es-tu alors entre les deux ?
Je
ne me définis pas
De
peur de m’égarer. Je suis ce que je suis.
Je
suis mon autre dans une dualité
Dans
une consonance entre la parole et le signe
Si
j’écrivais de la poésie, j’aurais dit :
Je
suis deux en un
Comme
les deux ailes d’une hirondelle
Qui
se contente d’annoncer la bonne nouvelle
Quand
tarde le printemps,
Qui
aimant un pays le quitte
(L’impossible
est-il lointain)
Qui
aime partir vers n’importe quoi
Car
c’est dans le voyage libre entre cultures
Que
les chercheurs de l’essence humaine trouveront
Assez
de sièges pour tous…
Ici,
avance une marge. Ou alors c’est un centre qui
Recule.
L’Orient n’est pas complètement Orient
Ni
l’Occident parfaitement Occident
L’identité
est ouverture à la pluralité
Elle
n’est ni citadelle ni tranchée.
La
métaphore dormait sur la rive du fleuve.
N’eut
été la pollution
Elle
aurait embrassé l’autre rive
-As-tu
écrit des romans ?
-J’ai
essayé…essayé de récupérer
Mon
image dans le miroir des femmes lointaines, avec le roman
Mais
elles se sont engouffrées dans leur nuit imprenable
Et
elles m’ont dit : nous avons un monde indépendant du texte
L’homme
n’écrira pas la femme, l’énigme ni le rêve
La
femme n’écrira pas l’homme, le symbole ni l’étoile
Aucun
amour ne ressemble à un autre. Aucune nuit
À
une autre. Énumérons donc les qualités
Des
hommes et rions !
-
Et qu’as-tu fait ?
J’ai
ri de mon absurdité
Et
jeté le roman
À
la poubelle
Le
penseur freine la narration du romancier
Et
le philosophe explique les stances du chanteur
Aimant
un pays il le quitte :
Je
suis ce que je suis, ce que je serai
Je
me mettrai bas moi-même
Et
choisirai mon exil. Mon exil est l’arrière fond
De
la scène épique
Je
défends le besoin qu’ont les poètes
À
la fois d’un lendemain et de souvenirs
Je
défends des arbres que revêtent les oiseaux
En guise de pays et d’exil
Je
défends une lune encore valable
Pour
un poème d’amour
Je
défends une idée brisée par la fragilité de ceux qui y croient
Je
défends un pays ravi par les mythes
-Peux-tu
revenir vers n’importe quoi ?
Mon
devant traîne mon arrière et se hâte
Je
n’ai pas de temps à ma montre pour tracer des lignes
Sur
le sable. Mais je peux aller vers hier
Comme
le font les étrangers quand ils entendent
Par
un soir triste le poète pastoral :
« À
la fontaine, une fille remplit sa cruche
Avec
les pleurs des nuages
Et
rit et pleure pour une abeille
Qui
a piqué son cœur là où souffle l’absence
L’amour
est-il ce qui fait mal à l’eau ou bien
Une
maladie dans le brouillard… »
(Jusqu’à
la fin de la chanson)
-Tu
peux donc être sujet au mal de la nostalgie ?
-Oui
une nostalgie pour un lendemain plus lointain, plus haut
Et
encore plus lointain. Mon rêve guide mes pas.
Et
ma vision assoit mon rêve sur mes genoux
Comme
un chat domestique, lui le réaliste, le fictif
L’enfant
de la volonté : nous pouvons
Changer
la fatalité du précipice !
-
Et la nostalgie pour hier ?
C’est
une émotion qui ne concerne le penseur
Que
pour comprendre l’aspiration de l’étranger aux outils de l’absence.
Quant
à ma nostalgie, elle est lutte contre un présent
Qui
tient le lendemain par les testicules
-Ne
t’es-tu pas infiltré vers la veille quand
Tu
es rentré chez toi à
Jérusalem
au quartier Talbia ?
Je
me suis préparé à m’allonger
Dans
la garde-robe de ma mère comme le fait l’enfant
Quand
il a peur de son père et j’ai cherché à
Me
remémorer ma naissance et à suivre
La
voie lactée sur le toit de la vieille maison
Puis
j’ai cherché à tâter la peau
De
l’absence et l’odeur de l’été venant
Par
le jasmin du jardin. Mais la hyène de la réalité
M’a
éloigné d’une nostalgie qui s’est retournée comme une voleuse
Derrière
moi.
-As-tu
eu peur ? Et de quoi ?
Je
ne peux rencontrer l’échec face à
Face.
Je me suis arrêté devant la porte comme un mendiant
Demanderai-je
la permission à des étrangers dormant
Dans
mon propre lit, pour me rendre visite à moi-même
Cinq minutes ? Dois-je m’incliner avec respect
Devant
ceux qui habitent mon rêve d’enfant ? Demanderont-ils
Qui
est ce visiteur étranger importun ?
Pourrai-je
parler de guerre et de paix
Parmi
les victimes et les victimes des victimes sans
Mots
supplémentaires ni phrases intercalées ?
Me
diront-ils : il n’y a pas place pour deux rêves
Dans
un même lit ?
Ce
n’est ni lui ni moi
Mais
un lecteur qui se demande
Ce
que nous dira la poésie en temps de catastrophe
Du
sang,
Du
sang.
Du
sang
Dans
ton pays
Dans
mon nom, dans le tien, dans
La
fleur d’amandier, dans la peau de banane,
Dans
le lait de l’enfant, dans la lumière, dans l’ombre,
Dans
le grain de blé, dans la salière,
Des
snipers adroits atteignent leurs cibles,
Avec
excellence
Du
sang,
Du
sang
Du
sang
Cette
terre est plus petite que le sang de ses enfants,
Debout
au seuil de la résurrection comme
Des
sacrifices. Cette terre est-elle vraiment
Bénie
ou alors baptisée dans
Du
sang
Du
sang
Du
sang
Que
ni les prières ni le sable n’assèchent
Il
n’y a pas assez de justice dans les Saintes Écritures
Pour que les martyrs aient le bonheur de
Marcher
au-dessus des nuages. Du sang le jour.
Du
sang dans l’obscurité. Du sang dans le langage !
Il
a dit : le poème peut accueillir
La
perte, rai de lumière brillant
Au
cœur d’une guitare ou un Christ sur
Une
jument et lardé de belles métaphores
L’esthétique
n’est que la présence de la vérité
Dans
la forme
Dans
un monde sans ciel
La
terre devient précipice et le poème
Un
don du deuil ou une des qualités
Du
vent du Sud ou du Nord.
Ne
décris pas tes blessures
Celles
que la caméra voit et crie pour t’entendre
Crie pour savoir que tu es encore en vie
Et bien en vie et que la vie sur terre
Est
possible. Invente un espoir aux mots
Crée
un parti ou un mirage qui prolongerait l’espoir
Et
chante car l’esthétique est liberté
La
vie qui se définit par son contraire,
Dis-je,
c’est la mort… non pas la vie.
Nous
vivrons, dit-il, si la vie nous laisse
Tranquilles.
Soyons maîtres des mots qui
Rendront
éternels leurs lecteurs –selon
L’expression
de ton génial ami Ritsos-
Si
je meurs avant toi
Je
te confie l’impossible, dit-il.
J’ai
dit : l’impossible est-il lointain ?
À
une génération, dit-il.
-Et
si je meurs avant toi demandé-je ?
-Je
présenterai mes condoléances aux monts de Galilée, dit-il,
Et
j’écrirai « l’esthétique n’est que
D’atteindre
l’idoine » Maintenant, n’oublie pas :
Si
je meurs avant toi, je te confie l’impossible !
Lorsque
je l’ai visité dans la nouvelle Sodome
En
l’an deux mille deux il militait à la fois contre
La
guerre de Sodome contre les gens de Babel…
Et
contre le cancer. Il était comme le dernier héros
Épique,
il défendait le droit de Troie
À
avoir sa part dans le roman
C’était
un aigle qui disait adieu à sa cime
Très
haut
Très
haut
Car
résider sur l’Olympe
Et
sur les sommets
Suscite
l’ennui
Adieu
Adieu
poésie de la douleur !
Traduction Jalel El Gharbi
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