OEuvre de Michael dell'Olio
Ce moment fut délicieux pour Jules, qui, honteux de sa démarche et comme pour se cacher même dans sa profonde nuit, s'était collé au tronc énorme d'un de ces chênes verts aux formes bizarres qui existent encore aujourd'hui vis-à-vis le palais Campereali" Stendhal Chroniques italiennes,p 35
9 commentaires:
Un tableau très prenant, cher Jalel, intense et ouvert à toutes sortes de poésie !
De plus, il est en cela bénéfique pour moi qu'il me rassure sur mes facultés mnémoniques dont l'âge m'amène parfois à douter. Il m'a fallu quelques secondes pour retrouver ton texte de l'époque :
"C’est un tableau de 56x76 cm appartenant à la collection du peintre présentant une scène nocturne. La nuit n’est pas signifiée par la couleur noire mais par ce bleu du ciel plus prononcé que celui du jour et par la présence de la lune. Chez Dell’Olio, la nuit n’altère ni les couleurs ni les contours. La couleur noire est réservée ici à la veste du jeune homme qui attend sa belle (d’où le titre du tableau « L’Attesa ») et à la rampe du balcon. Deux touffes de branches figées dans leur verdure suggèrent le silence et signifient la discrétion du rendez-vous, ou tout au moins du jeune homme qui se tient derrière un arbre. La fenêtre aux volets bleus, ce bleu de Sidi Bou Saïd, est ouverte. C’est une nuit d’été, la chambre est chaudement éclairée par une lumière jaune. Ce jaune a un écho dans la surface de la lune. Comme dans l’imaginaire arabe, la lune suggère la beauté de la belle (en la matière, il n’y a pas de redondance). Les rideaux blancs sont ici un comparant de la féminité et de la fraîcheur.
Le jeune homme tient une cigarette ce qui semble exprimer le coefficient désir dans le tableau.
Le jeune homme attend. Et le tableau aurait pu ne pas s’appeler « l’Attesa » mais « La Distance » ou « La Proximité ». En tout cas, « L’Attesa » est une illustration de cette proximité entre distance et proximité dont j’aime à trouver les expressions. Ou alors, le tableau est une redéfinition de l’attente qui serait l’équidistance entre proximité et distance.
Le tableau est une belle allégorie du désir. On en voit les signes, les traces, les empreintes mais non pas l’objet. Veut-il insinuer que nous n’avons pas à voir ce que nous désirons ? Veut-il signifier que nous devons désirer par-delà l’absence, dans une posture qui n’espère pas de réalisation ? Dans une posture qui se contente de la complicité que peut laisser entendre la fenêtre ouverte."
- Jalel El Gharbi, 28.9.2008.
Cher Giulio
C'est donc à moi de m'inquiéter : oublié ce texte
amitiés
Superbe tableau, oui, et superbe analyse de Giulio.
Bizarres les associations d'idées. Me viennent en vrac "le petit pan de mur jaune" (ce jaune autour duquel s'organise le tableau), "L'Acacia" (l'attente dans la nuit et le regard du jeune homme) et puis Stendhal qui m'a "baignée" pendant plusieurs années.
Je me souviens en 2008 de ce bel échange de commentaires sous cette toile. J'ai eu la même sensation que Giulio : un bond dans le passé.
La superbe analyse est de Jalel, chère Michèle X. Je ne fais que le citer.
Désormais, chère Christiane, je m'y glisse plus souvent qu'à mon tour, dans le passé...
Oui, Giulio, quelques années où le monde a changé et durant lesquelles, fidèlement, des repères nous sont donnés par l'écriture de nos amis. Le passé s’accommode bien de l'écriture et des images. Il laisse le temps passer pour devenir souvenir un peu mélancolique car nous aussi sentons en nous passer ces années, ces saisons. souvent je vais au cimetière pour m'approcher d'une tombe aimée. Sournoisement le passé a transformé le chagrin en absence douce, puis en présence filigrane. Palimpseste que nos vies. Arpège des rencontres. Presque un autre sens à donner à cette scène nocturne. Le désir reliant alors Faust à Méphistophélès...
Un temps à relire Proust ou ce beau poème de Marceline Desbordes-Valmore : Les roses de Saadi :
"J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.
Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir."
Eh oui, chère Christiane, tempus irreparabile fugit. Une rose, de temps à autre, nous permet d'épouser cette fuite. En voici une autre, extraite pour toi de mon dernier bouquet :
Faut-il cueillir la rose ?
Du parc encore noir
Les larmes du matin
Brillaient pourtant déjà
Par myriades à l’aurore.
Au milieu des ombres,
Des étoiles de mon chagrin
Une rose me sourit en passant,
Laissa un rayon transpercer le cafard
Nourri de mes entrailles ; délivrance !
Faut-il toucher la rose, la rose du matin?
Midi : le parc brûle
Amer, seul le laurier
Exhibe sa verdeur
La rose agonise.
Mais au milieu du parc
Au grand bassin je puise
Deux mains pleines de sourire,
De son sourire d’aurore, que je lui rends,
Enrichi de mon amour et passe mon chemin
Sans songer à cueillir au soir ma rose du matin!
*
Extrait de "La nuit est un autre jour", Édit. Op der Lay, octobre 2014 - http://www.opderlay.lu/index.php/lu/literatur-lu/bicher-lu/gedichter/item/164-giulio-enrico-pisani-la-nuit-est-un-autre-jour - Couverture et illustrations de Carole Melmoux
"Faut-il toucher la rose, la rose du matin ?"
Oui, un lent voyage de Ronsard à vous, poètes. Beauté traversant le temps...
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