mercredi 6 mai 2009

L'Esprit du boeuf de Gaspard Hons

Temple de Natamandir (Inde)

L’Esprit du bœuf est un petit recueil de moins de vingt pages publié par Gaspard Hons ; c’est une grande méditation sur la pensée. Cela tient de la pensée pronominale, je veux dire la pensée tout à la fois sujet et objet. Son propre objet. Tout est dans ce mouvement immobile qui permet à la pensée de se penser, de se voir en train de se penser. Or le propre de l’esprit étant d’être imprévisible, on le voit ici prendre d’autres formes, revêtir les traits de son allégorie : le mouvement.
Tous les aphorismes constituant ce recueil comportent un mot référant au mouvement, au cheminement :
« la pensée meut la roue de l’existence comme la roue d’un char invisible joint le fini à l’infini » dit le premier aphorisme.
Le mouvement en question est celui de la roue. La roue fascine le poète. Son mouvement ne la mène nulle part ; il ne « fait » que la roue. Elle ne tourne pas pour elle-même. La roue est transitive : elle est mouvement pour l’autre. Il y a de l’abnégation dans son faire :
« toute pensée est vaine où une roue ne tourne que pour elle-même et non pour faire tourner »
Plus loin, le poète reprend la définition que donne Malevitch de l’esprit : « mouvement de la matière ». Ce que Gaspar Hons apporte de plus, c’est que ce mouvement doit se passer d’alibi comme le suggère l’aphorisme final : « même s’il n’y a rien à franchir, jette un pont. »
Il y a autre chose que ce recueil ne dit pas : le plaisir de la pensée. Son bonheur. Le bonheur qu’il y a à retrouver çà et là un trait d’esprit de Khayyam, de Maître Eckhart ou de Lao-Tseu. Tout cela suggérant que la pensée est une et que le bonheur de la pensée, multipliée à l’infini, est un.

Ce recueil peut être obtenu auprès de la revue La Porte. Poésie, art et littérature.
Adresse : Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin, 02000 Laon

7 commentaires:

giulio a dit…

Coucou, me voilà de retour! Rome est toujours aussi belle, mais les touristes et les Romains la rendent parfois pénible.

Et voici quelques perles honsiennes tirées de son recueil "RITTE" (Estuaires, décembre 2006, collection 99 dirigée par René Welter):

"C’est l’inaudible silence
qui se fait entendre

l’écho du vide se passe de la parole pour se faire entendre

Tu rejoins la substance primordiale
quand le vide au fond de toi
rejoint le vide qui n’existe pas

Le moulin broie les grains du temps
des voix répètent les paroles perdues"

Me trompé-je, ou il me semble que "Ritte" (charrue) n'est pas si loin de "l'Esprit du boeuf" et ses aphorismes dans la même ligne.

Gaspard marcherait-il toujours dans le même sillon, tout en ayant mis la charrue plus de deux ans avant le boeuf?

Qu'en pensez-vous, les amis, et toi, Jalel?

Jalel El Gharbi a dit…

Bonjour Giulio, tu me raconteras ton séjour romain.
Il me semble que la différence entre Ritte et ce recueil ci (16 pages) est que ce dernier est fait uniquement d'aphorismes. Alors que dans Ritte, à côté des aphorismes on trouve des poèmes, "une fiction poétique". Ici la poésie est DANS l'aphorisme et non pas à côté.
Amitiés

? a dit…

d'effacement de mots en aphorismes, le poète glisse sur la roue du temps, iris de la pensée, paupières closes sur le bruit du réel, sillon s'enfonçant dans la glèbe de l'invisible...
Froissement de silence, archet suspendu...
Au matin des réveils chercher dans le corps-mémoire sa trace indicible, ancre si légère...

Philip Seelen a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Philip Seelen a dit…

Chers Amis,

Après une disparition égoïstement créative mais nécessaire, je vous rejoins. Salut Jalel, Giulio, "Christine l'Anonyme", GMC, Meriem et tous les amis qui s'expriment régulièrement ici dans cette "Cabane Commune" du Poète de la Rive Sud.

Je découvre, moi l'ignare en poésie, le poète et penseur Gaspard Hons qui nous offre son patient regard distant, plein de cette sagesse du temps, sur ce monde si avide de matières et d'écus.

Voilà j'ai refait mon retard de lecture et vous ai laissé quelques "papillons" en témoignage l'Ami Jalel. Je vous écrirai dans la journée, la soirée ou demain matin une lettre plus longue sur votre mail.

Amitié à tous. Philip Seelen

7 mai 2009 11:21

cp a dit…

Dans l'envoûtant "Regards sur la poésie du XXe siècle" (textes réunis et présentés par Laurent Fels (éditons namuroises), quelques pages écrites par Israël Eliraz et dédiées à son ami Gaspard Hons... et dans ces pages tant de lignes que j'aurais voulu poser ici pour éclairer l'écriture souveraine de ce poète... au hasard je pêche à l'ancre :
"... Tes poches pleines de carnets, de secrets qui se révèlent au fur et à mesure que tu cherches des amis cachés par leurs paroles poétiques. Tu sais bien que tout commence par le verbe et qu'il n'y a que la découverte du verbe qui nous apporte l'angoisse et la consolation. La possibilité de transformer l'expérience de la vie en "fragments sonores" (comme l'oiseau) te donne la force de parcourir "la ville", de reconstruire "la réalité d'une Rome perdue".
Oui, Gaspard, tu as raison : tout est perdu et tout doit être retrouvé dans "le carnet". Tu es "l'oiseau-langue" et le monde n'est que "fragments calcinés de silence". Tu as essayé, maintes fois, de parler du "silence de Paul Celan" pour retrouver la lumière aveuglante...."

G. HONS a dit…

bientot mes commentaires