dimanche 27 juillet 2008

Collioure, Machado et le lit de la rivière





Lorsque le poète espagnol Antonio Cipriano José Maria Machado Ruiz, plus connu sous le nom de Antonio Machado (Séville 26 juillet 1875- 22 février 1939 à Collioure), poète de la rêverie méditative et de l’épanchement mélancolique, se rend à Paris en 1899 il fréquente le tout Paris poétique de Jean Moréas à Verlaine en passant par Oscar Wilde qu’on pouvait alors surprendre à Montmartre et qu’on peut voir aujourd’hui dans le tableau de Toulouse-Lautrec. Oscar Wilde dort au cimetière parisien le père Lachaise. Mais ce n’est pas de ce voyage qu’il s’agit ici.
Juillet 1936. La guerre civile éclate. Le poète, comme Lorca, est du côté des Républicains. Il est contraint à l’exil après la chute de la République espagnole. Il gagne la petite ville de Collioure (Pyrénées Orientales) située à moins d’une lieue de la frontière espagnole. Il y mourut le 22 février 1939.
Je comprends en me rendant à Collioure pourquoi la chanson de Jean Ferrat (je me suis laissé dire à Paris qu’il était souffrant) sur le poème de Louis Aragon (Les Poètes) est si émouvante :
Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d’Espagne
Que le ciel pour lui se fit lourd
Il s’assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours.

Je longe la corniche qui surplombe le village. La vue est imprenable. J’aimerais saisir ce bleu qui me fait penser aux plages bizertines.
Collioure est aujourd’hui une station balnéaire très prisée. Mais cela ne m’intéresse que très peu.
Je pense à Matisse et je ne trouve pas la cité aussi flamboyante qu’il la peint.
Dans les kiosques à journaux et dans les tabacs qui vendent des cartes postales, il n’y a pas une seule trace du poète. Même la carte représentant la tombe du poète est épuisée. Je n’insiste pas. Ce village pittoresque préfère se souvenir de Matisse par exemple.
Reprenons : le 2 février 1939, arrivant épuisé à Collioure, Machado descend au Quintana hôtel situé dans le lit d’un ruisseau. Il y mourra 20 jours après. Le cimetière est tout proche. Je m’y rends avec Annie Ahunon et Laura.
Une famille espagnole est en train de se recueillir autour de la tombe fleurie. Il y a dans la boîte aux lettres quelques messages adressés au poète.
Quel chemin a mené cet homme vers un lit de rivière, si près d’un cimetière. Me reviennent ses vers si souvent cités et que la poétesse Evelyne Boix-Moles aime à citer : … Caminante,/ no hay camino, se hace camino al andar, ( voyageur, il n’y a pas de chemin, Le chemin se fait en marchant). Je remonte vers la corniche. Les ailes du moulin ne tournent pas et il n’y a pas de cartes. Juste un vers qui me revient encore :
Estos dias azules y este sol de la infancia (Ces jours bleus et ce soleil de l' enfance.) On raconte que c’est le dernier vers écrit par Machado. On l’avait retrouvé sur lui.