jeudi 30 avril 2009

Traduit du matin


OEuvre de Jérôme Bosch


Où chercher l’amande
Pouvant loger les loups
Qui nagent
Les poissons de Bosch
Qui volent
Et dans la hâte
Ne pas dégrafer l’été du songe
Ne pas défaire la tresse
Qui tient les cheveux de la nuit
Et voir vaguement
Le rêve hypertrophié
Sous les traits du cauchemar.

jeudi 23 avril 2009

Julio Pomar : portrait d'un peintre.


Sérigraphie de Julio Pomar

Pomar

Depuis qu’il est entré en peinture, Julio Pomar, peintre portugais né en 1926, n’a eu de cesse de relever ce défi d’être tout à la fois fidèle à lui-même et en perpétuel changement. Sa peinture, une mutation permanente qui, à aucun moment, n’induit un déni de soi, s’inscrit dans la perspective mallarméenne de l’être se muant en lui-même. Pomar sera toujours resté un puissant coloriste. Je pense surtout à la force du rouge en quoi je vois comme un écho d’un de La Tour ou d’un Rembrandt ou encore à son traitement de l’ombre. D’où viennent ces couleurs ? Ils sont moins souvenirs d’autres palettes qu’expression d’une propension à donner à voir les couleurs sous une forme immaculée, comme ce bleu des portraits qu’il a fait de Frida Kalho. Pomar la dévêtit pour la mettre dans un bleu paradis (pour penser au « vert paradis » baudelairien). Pour parler de ce peintre, il convient d’évoquer les poètes au moins tout autant que les peintres.
Pomar s’inscrit dans une filiation qui se veut non datée. C’est sans doute pourquoi l’horloge qu’il représente dans « Le temps de cuisson » (1992) affiche une heure illisible. Si l’on postule que l’horloge est figure d’une mise en abyme de l’oeuvre, cela signifie que Pomar ne se rattache à aucune lignée ou tout au moins pas à une lignée autre que celle de ses modèles. Ce sont les modèles qui font le peintre. Dans son ouvrage, Les Mots de la peinture, Pomar se dit la « proie » de ses modèles, « les beaux rapaces ». Une précision : ils le font ou le défont, ce qui dans les deux cas signifie qu’ils le refont.
Dans la galerie de figures à quoi il donne vie, figurent surtout les poètes : Fernando Pessoa, l’homme aux mille noms, Stéphane Mallarmé, Charles Baudelaire et, plus près de nous, Claude Michel Cluny. C’est en portraitiste que Pomar ressemble le plus à lui-même. Dans tous ces portraits, le trait est abstrait, le détail vient d’un je-ne-sais-où d’inquiétant mais le tout est réaliste et a un je-ne-sais-quoi de rassurant. Chacun des modèles demeure reconnaissable. Baudelaire par Pomar demeure Baudelaire ; Cluny par Pomar demeure Cluny, surtout celui qui rend hommage au peintre du Portugal et d’ailleurs dans un poème qui s’ouvre ainsi : «Agacer la gueule rose du tigre / d’une simple mouche fauve / Et clore la cage des barreaux de sa robe : / solitude fauve. »

A lire : Julio Pomar : Fables et portraits, texte de Claude Michel Cluny. Editions Ramsay, 1994. A lire également : Claude Michel Cluny Le Livre des Quatre corbeaux. Illustrations de Julio Pomar.
Voir le portrait qui fait la couverture de mon livre Claude Michel Cluny : des figures et des masques. Editions de la Différence.

dimanche 19 avril 2009

Editorial du Passe-Muraille par Jean-Louis Kuffer


Léon-François Comerre : La Belle liseuse


Le temps de la vraie lecture

Jean-Louis Kuffer

Editorial du Passe-Muraille, No 77, avril 2009.


Le sentiment dominant de l’époque est à l’égarement et au désarroi sous l’effet de ce qu’Amin Maalouf appelle Le dérèglement du monde dans son bel essai où il se demande avec lucidité «si notre espèce n’a pas atteinte, en quelque sorte, son seuil d’incompétence morale, si elle va encore de l’avant, si elle ne vient pas d’entamer un mouvement de régression qui menace de remettre en cause ce que tant de générations successives s’étaient employées à bâtir».Cette interrogation portée sur la «compétence morale» de notre espèce pourrait sembler simpliste, mais la lecture attentive de cet essai limpide et grave d’un écrivain assumant le double héritage de la culture occidentale et de son homologue arabo-musulman, porte au contraire à examiner les nuances de la complexité et à dépasser les anathèmes et les exclusions réciproques ; demain, nous aimerions parler d’un tel ouvrage avec le professeur et écrivain tunisien Jalel El Gharbi, que nous accueillons dans cette livraison avec reconnaissance. Parce que c’est un vrai lecteur, un vrai passeur aussi, qui prend le temps de lire avec attention et respect.Une fois de plus, Le Passe-Muraille tente d’assumer la vocation première qu’annonçait son titre en 1992. À la fuite en avant d’un monde énervé, à l’obsession du succès et au panurgisme, à l’emballement passager d’un «coup» éditorial à l’autre, nous continuons d’opposer, selon le goût librement affirmé de chacun, notre attachement à la littér
ature qui est à la fois une et infiniment diverse, moins préservée du monde qu’attentive à celui-ci, poreuse autant qu’il se peut sans se diluer dans le n’importe quoi.Le Passe-Muraille se refuse aux replis et aux rejets identitaires qui ne pallieront aucun dérèglement. Aujourd’hui sur papier, demain sur un site ou des blogs, nous nous efforcerons d’en assurer la survie avec nos lecteurs. (jlk)
La nouvelle livraison du Passe-Muraille, No77, d'avril 2009, vient de paraître. Commandes: Passemuraille.admin@gmail.com


Le Passe-Muraille sera présent au prochain Salon du Livre et de la presse de Genève, à Palexpo, du 22 au 26 avril. Rue Kafka 38.


Retrouvez l’écrivain suisse Jean-Louis Kuffer sur http://carnetsdejlk.hautetfort.com/

mardi 14 avril 2009

Poème


Charles Degroux : Regrets (Musées Royaux des Beaux-Arts Bruxelles)



Pour Evelyne Boix-Moles

Comment être de l'autre côté
Au-delà des frêles limites
Démêlant
l'arc de son ciel
Réconciliant
L'étoile et sa mer
L'orange et son bleu
Le rouge et son baiser
Le ver et sa terre
Comment être de l'autre côté
Du désir et de moi-même
Dans ce point où se métamorphose la caresse
Où le blanc de l'image est perverti
Et où je suis si loin de toi
De l'ombre
Si près de ce qui n'a point de nom

lundi 13 avril 2009

Lorand Gaspar 3 (fin)


Ce qui est indivis, ce sont les différentes appréciations sensorielles. Le monde de Lorand Gaspar est un monde synesthésique. Chez lui aussi “ les parfums, les couleurs et les sons se répondent ”. Un fragment d’Héraclite dit “ tout ce dont il y a vue, ouïe, apprentissage par les sens, moi, je le préfère ”. Je pense à ce fragment 59 à la lecture de ce passage de Gaspar où le poète réapprend par les sens confondus et transcendés en perception par l’esprit l’univers de son enfance :
“ Nuits d’hiver transparentes au désert de Judée, d’une densité, d’une compacité difficiles à expliquer. Sentiment de toucher du doigt, d’ausculter les pulsations d’un “ corps ” qu’aucun extérieur ne vient limiter. Toucher des yeux, des doigts et de l’esprit une “ loi ” éternelle, un rythme unique qui lie les pierres de ce désert, quelques herbes, mon corps et les aiguilles glacées des étoiles. Crissement de la neige des nuits claires des hivers de mon enfance ” (Feuilles d’observation p. 13).
Ce qui est là, ce qu’il y a est invitation au toucher c’est-à-dire à un questionnement, à une auscultation. Et le toucher est révélation de l’abîme :
“ oui, oui, tant d’esprit dans les doigts,
l’abîme muet du toucher
cueilli sur les choses et les corps ” (Patmos. P. 69)
C’est sans doute pourquoi le toucher aime à s’exercer sur les roches, les cailloux. Qu’est-ce qu’un caillou ? C’est-à-dire que font les cailloux ? — Ils résistent. Ils désirent se maintenir dans l’indivis mais ils s’offrent à la caresse. Ils semblent se donner sans donation surtout quand il s’agit de galet :
“ J’ai sur la table à portée de la main
des cailloux longuement travaillés par la mer
les toucher, c’est comme si les doigts
pouvaient parfois éclairer la pensée ” (Patmos. P. 126)
Les cailloux font autre chose : ils convoquent ce passage de Heidegger : “ La pierre est sans monde. La pierre se trouve, par exemple, sur le chemin. Nous disons : la pierre exerce une pression sur le sol. En cela, elle “ touche ” la terre. Mais ce que nous appelons là “ le toucher ” n’est nullement tâter. Ce n’est pas la relation qu’a un lézard avec une pierre lorsqu’au soleil il est allongé sur elle. Ce contact de la pierre et du sol n’est pas, a fortiori, le toucher dont nous faisons l’expérience lorsque notre main repose sur la tête d’un être humain…La terre n’est pas pour la pierre donnée comme appui, comme ce qui la soutient elle — la pierre….La pierre, dans son être de pierre, n’a absolument aucun accès à quelque autre chose parmi quoi elle se présente, en vue d’atteindre et de posséder cette autre chose comme telle ”[1].
Le premier toucher, celui de la pierre, est le mode d’être de la pierre. Dans son être, la pierre est redevable à la terre exactement autant que le caillou de Lorand Gaspar est redevable à la table. Le caillou de Lorand Gaspar touche à la table du poète. Il a affaire à la poésie. Mais la pierre ne touche pas à la poésie, c’est la poésie qui y touche. Elle qui s’empare des objets et de leur monde pour se les approprier, pour les intégrer dans sa sémantique. Peut-être convient-il de ne pas trop se hasarder sur les questions ayant trait au sens. Jean-Luc Nancy nous rappelle que le sens du monde est justement dans l’absence de sens. Et il me plaît de citer ce passage du philosophe : “ En un sens, mais quel sens, le sens est le toucher. L’être-ici, côte à côte, de tous les êtres-là (êtres jetés, envoyés, abandonnés au là).
Sens, matière se formant, forme se faisant ferme : exactement l’écartement d’un tact.
Avec le sens, il faut avoir le tact de ne pas trop y toucher. Avoir le sens ou le tact : la même chose ”[2].
La présence du caillou sur la table n’est pas un indice de proximité mais de distance. Il s’agit de l’abîme de ce qui se dérobe et qui est pourtant là , comme un signe :
“Il y a toujours un soir où tu t’arrêtes
insuffisant devant la mer.
Etroit.
Tant de mouvements foliés,
gestes profonds qui cherchent l’air.
Alors le seul silence d’être là
étonne la terre, congédie les lois.
Acquitté
évident par cette brusque liberté en toi du large ”
Ce qui structure le poème, c’est cette scène de confrontation entre le fini de l’homme et l’infini de la mer comme avant que Baudelaire n’inverse les termes de ce syntagme. Mais la poésie est là. L’hypallage surtout, qui finit par conférer à l’homme un des attributs de la mer : “ cette brusque liberté en toi du large ” réalisant de la sorte cette union, cette prédilection pour le “ tout ” qui passionna tant Empédocle , poète et médecin. L’hypallage est ici cette figure par quoi le manque se trouve pallié. La béance, le manque, l’insuffisance ne se résolvent que poétiquement, par un emprunt poétique.
[1] Heidegger : Les Concepts fondamentaux de la métaphysique, trad . D. Panis. Paris, Gallimard, 1992, p. 293.
[2] Jean-Luc Nancy : Le Sens du monde. p.104. Galilée 2001.

dimanche 12 avril 2009

Lorand Gaspar 2



Qu’est-ce que l’excès ? Définissons-le rapidement, comme étant ce qui est à l’origine des horreurs du monde. Il y a une frénésie que le poète relève et à laquelle il n’adhère pas. Le poème auquel je me réfère mérite d’être amplement cité :
“ tu vas et tu viens
tu attends tu es comblé
tu désespères et tu tombes
tel qu’en toi-même
dans la clarté brutale—

tu cours encore à une faille
vérifier, comprendre, nommer
ce vent, saisir une chose
un regard qui t’ensanglante
et tu creuses la douleur
sous l’amas de boîtes vides
l’oxygène dans la fumante
épaisseur mal brûlée —

souviens-toi de l’agrafe d’or
d’un feu qui augmente
et l’eau tremble dans l’œil
penché sur un geste si simple
qui déchire un temps un lieu
la fièvre d’un vert allumé
aux fonds si jeunes du toucher —” (Patmos p. 21)
Serait-ce la démesure du désir courant à sa perte, ce désir qu’Empédocle, autre présocratique, stigmatise ainsi :
“Etroites sont les puissances diffuses au corps des hommes,
et nombreux les maux qui les assaillent émoussant leur attention soucieuse.
Ils n’aperçoivent qu’une part brève de la vie,
hommes d’un rapide destin, fumée que le vent agite et dissout.
Ils n’ont de foi qu’à ce vers quoi les porte leur désir,
jouets de toutes les impulsions, se glorifiant chacun de connaître le tout,
mais en vain (…) ”
La locution “ il y a ” s’accommode mieux du passé que du présent. D’où la fréquence de son emploi adverbial :
Il y a des années (Egée Judée p. 87)
Il y a si longtemps (Patmos 23)
Il y a vingt ans (Feuilles d’observation p 74)
“ Il y a ” n’est pas une unité de mesure, mais locution par laquelle se dit le constat d’une béance. Et la béance a presque toujours une épaisseur temporelle.
Quand la locution “ il y a ” n’est pas employé adverbialement, elle est surdéterminée par un adverbe de temps du type “ Il y a encore ” ou, autre exemple “ il y a toujours un soir ”.
Dans son emploi adverbial, “ il y a ” se mue en adjuvant du souvenir dont le corollaire est le constat de distance, de cet exil qui nous mène loin dans le temps. Dans son emploi adverbial, “ il y a ” donne à voir ce qui n’est plus, donne la mesure de cela qui passe inexorablement et qui se dérobe à la saisie, à l’appréhension, à la sensation tactile. Or, l’être au monde se signale d’abord par une possibilité d’appréhension. L’exister se vérifie, se mesure à l’aune des mains. Dans un certain sens, le monde ne demande qu’à être pris.
Mais l’être là est indivis dit un poème de Patmos :
“ flocons, pétales, duvets
d’un être là indivis
irriguant cailloux et figues (…) ” (Patmos p. 177)

samedi 11 avril 2009

Lorand Gaspar 1


"Il y a "dans l’œuvre de Lorand Gaspar.
Dès que je dis “ Il y a ”, je convoque un substantif. “ Il y a ” est toujours subordonné à un nom déterminé. Ce qu’il y a après “ il y a ” est voué à la détermination, à la nomination. Ainsi donc, la locution semble faire sens puisqu’elle est révélation d’une évidence qui, nous le verrons, va au-delà même de l’apparence évidente. Un mot d’Anaxagore (VIe siècle avant J.-C.) répondant à une question fondamentale : qu’est-ce que le phénomène ? dit “ opsis ton adelon ta phainomena ” (Les phénomènes donnent vue sur le non patent). Ainsi entendu, le phénomène a comme correspondant médical le symptôme, c’est-à-dire ce par quoi la maladie se fait visible, comme un phénomène. “ Il y a ” est toujours symptôme. Ainsi donc, tout est symptomatique.
“ Il y a ” n’est pas constat d’une simple phénoménalité mais seuil d’une incursion dans ce que recèlent les apparences. “ Il y a ” est l’outil par quoi le visible donne vue sur le non visible. La locution met en œuvre le battement observable / non observable. Ce sont apparitions disparaissant et disparitions apparaissant dans un vertige qui n’a rien de ludique, celui de l’être se déclinant en sa négation et celui de la négation se présentant sous les traits d’un être. C’est encore le détour par lequel un sens se révèle. “ Il y a ” tient de l’épiphanie. Il s’agit d’une épiphanie d’ordre ontologique. Ce qu’il y a après la locution “ il y a ” tient de la dimension intérieure. Après la locution, il n’y a rien d’autre que de l’être. De ce point de vue, “ il y a ” est intransitif comme l’insinue ce passage de Feuilles d’observation :
“ C’est en vain que nous accusons de tromperie les apparences. Ce travail de nos yeux, de nos doigts, de nos cerveaux, de notre pensée qui produit l’univers des images et des idées, des plus simples aux plus chimériques, aux plus anti-images, est lié à des mouvements en nous qui existent réellement. Fragments et mélanges de fragments d’une vérité ou d’une réalité inaccessibles ”[1]
Ce qui se situe derrière “ il y a ” outrepasse l’être-là d’une chose pour rejoindre la question du sens. Ce qu’il y a là est toujours signe. Et il y a une sémiologie de l’être-là qui me semble caractéristique de la poésie de Lorand Gaspar. Cela induit l’existence d’un mode de lecture gaspardien. Ce qui fait phénomène chez Lorand Gaspar s’offre à un décryptage qui passe par la sensation tactile. Saisir, appréhender, com-prendre, c’est déterminer ce à quoi les choses touchent, ce à quoi elles tiennent et en quoi elles se laissent saisir par le poème. A quoi tiennent les choses ? Ici le verbe “ tenir ” a aussi une signification tactile.
Ce qu’il y a dans l’œuvre de Lorand Gaspar est souvent problématique car l’être se signale par le questionnement permanent qui l’aiguillonne, le pousse sur les sentiers du monde. Le phénomène importe moins par ses attributs que par ce qu’il recèle. Ce qui fait phénomène donne à réfléchir et le monde se présente comme l’équivalent de la somme des questions qui s’y rapportent. Le monde se mesure à l’aune de notre ignorance. Or que signifie être là, avoir lieu pour un poète qui mesure l’étendue de l’ignorance à laquelle nous sommes condamnés ? Je répète que l’être se résume à la somme des questions qu’il soulève. Cela explique pourquoi la locution “ il y a ” est souvent affecté d’un coefficient d’interrogation ou de négation. Il semble que la poésie de Lorand Gaspar affectionne davantage des formules comme “ il n’y a pas ” ou “ y a-t-il ? ” plutôt qu’ “il y a ”. L’être au monde n’est pas fruit de donation, comme celle qu’évoque Husserl. Rien n’est évident, pour maintes raisons : le prétendu sens caché, le vrai non-sens et la lapalissade de l’absence.
Employé au passé , la locution “ il y a ” dit cette tragique métamorphose par quoi l’être se mue en événement relégué au passé. Il y eut n’est pas à entendre en “ il y a au passé” mais plutôt en équivalent d’un “ il n’y a plus ” aux accents tragiques. Il y a de la négation, partout. Là encore, ce qui importe, c’est moins l’événement en soi que la distance qui nous en sépare.
“ Il y a ” est souvent indice d’absence. La locution a une nette prédilection à se décliner à la forme négative ce qui suggère qu’il y a dans l’œuvre de Lorand Gaspar comme une diffraction, comme une fracture qui caractérise l’être :
“épeler lentement sur la table rugueuse
ces images dont sombre le dessin
ceci n’est pas, cela est.
Et tout ce que ta parole avait pouvoir
de lier se délite, se fragmente, se sépare.
Peu de choses, débris.
Règne tout autour la sereine démesure.
Tu réchauffes encore dans ta voix émue
toutes choses s’abreuvant à soif et à sel —
le sifflement sur les crêtes de lumière
toujours même quand s’éteint le jour
la migration des sources, cette part
nomade de l’âme levée dans la pierre
dans les fosses et les failles impensées.
Et c’est une eau tranquille lavant le corps
vin qui éveille l’inconnu d’un visage —
cela est. ”[2]
Le poème parle de démesure. Le mot suggère à l’esprit un fragment d’Héraclite selon lequel “ il faut éteindre la démesure plus que l’incendie ”. Il ne faut pas que l’être fasse preuve de débordement, d’excès.

[1] Feuilles d’observation, p. 24.
[2] Patmos.p. 12.

mercredi 8 avril 2009

La tulipe blanche


Mon jardin : ma première tulipe sur son lit de giroflées


La tulipe blanche

Sais-tu que ma tulipe
Vient de chez Maurice

Fleur d’Orient ouvrant ses volets en Occident

Ce matin tu fais un chiasme
Occident en Orient
Fleur de chez Carême

Voici l’étymologie de tes pétales

Où ai-je rencontré ton comparant
A Damas au café de la Fontaine
Où elle était si près de l’ipomée
Ou alors à Bruges la lointaine