José Ensch ressemble à la ville où elle est née en 1945 et où elle est morte ce 4 février 2008. Comme la cité, elle est à la fois elle-même - comme la ville derrière ses fortifications longuement louées par Goethe dans Campagne de France- et très ouverte sur l’autre. L’identité est l’antonyme du repli et son « repli » n’était qu’une manière d’introspection. Son identité : un essaim aux quatre coins de la culture. Lectrice impénitente, José Ensch est à l’écoute des bruissements du monde et même de ses vacarmes. Chez elle, la quête du sens s’accompagne d’une vertigineuse conscience du non sens. Mais il y avait toujours le bonheur d’être là, si près d’un café, d’une fleur ou de tout autre mot contenant le son [f].Longtemps, j’ai trouvé auprès d’elle le mot qui fait admettre qu’il y a pourtant du sens. Aujourd’hui, je reprends ses mots, un à un, je les décortique et cherche un je-ne-sais-quoi derrière chaque syllabe. Cela tient de Goethe, de Hugo, d’Eluard, d’Aragon et surtout d’Edmond Dune et de José Ensch. Dans ses recueils L’Arbre, Ailleurs…c’est certain, Le Profil et les ombres ou L’Aiguille aveugle, les mots sont comme investis d’une autre signification. Cela va de l’abeille qui n’est plus ni son miel, ni son essaim, ni son désir de fleur mais désir de profondeur au vin qui n’est plus ni sa couleur, ni son ivresse, ni sa bonification mais un autre nom possible de l’écriture en passant par le bleu qui peinturlure son univers et qui n’est ni la couleur du ciel, ni celle de la campanule ni même celle du bleuet mais celle de l’harmonie sonore. Longtemps j’ai discuté avec José Ensch jusqu’à ce point jadis désigné par Vigny où seul le silence est grand. Dans l’immensité de ces instants de silence, je pensais à La Passante de Baudelaire.
Je t’ai aimée comme le font les étrangers. De loin, sans espoir, très mal ou alors intransitivement, comme dit Rilke. De très loin, très mal et avec maladresse. Pourtant, c’est en te lisant que j’ai eu la révélation de la proximité entre distance et proximité. Tu insinues que la distance n’est rien. A ta demande, j’ai intégré dans mon dictionnaire l’entrée « mort». Un jour, nous avons posé sur la table nos déshérences, nos soifs et la certitude que tout concourt à notre fin.Tout était prévisible, depuis ce poème sur la déshérence :
Ma déshérence, mon héritage, mon partage du rien
mon territoire désolé sous l’éternelle bruine
mon château fort qui claudique vers la nuit
une nuit de taille moyenne parfois
sinon insupportable (Le Profil et les ombres)
Je m’apprête à me rendre au Luxembourg pour la onzième fois. Les eaux calmes du Grund, l’Alzette sous le pont antique, le grand pan de mur jaune (celui de la carte postale que tu m’as envoyée), cet essaim de jeunes lycéennes et le noir que tu aimes porter seront comme une preuve de ta présence.
Je m’apprête à me rendre au Luxembourg pour la onzième fois. Les eaux calmes du Grund, l’Alzette sous le pont antique, le grand pan de mur jaune (celui de la carte postale que tu m’as envoyée), cet essaim de jeunes lycéennes et le noir que tu aimes porter seront comme une preuve de ta présence.
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