dimanche 27 septembre 2009

Profil d'un poète 1 Armand Robin

On a voulu faire oublier ce mutin, ce poète polyglotte, anarchiste, honni et maudit.
ARMAND ROBIN
Armand Robin naquit à Plouguernével dans les Côtes-du-Nord le 19-1-1912 huitième enfant d'une famille modeste, il fut vacher, comme tous les enfants de sa région. Ce bretonnant de naissance décida d'apprendre les langues et en maîtrisa une vingtaine dont le persan, le roumain, le hongrois, le russe, le mongol, le gallois, l'arabe... Ce révolté qui se disait révolutionnaire fit des études des plus classiques : préparation des concours de l'E.N.S, puis de l'agrégation. Il sympathise très jeune avec le P.C mais un voyage en URSS effectué en 1935 l'éloigna définitivement de la grand-messe communiste. Plus tard, il payera cher cette rupture avec les communistes et son adhésion à la Fédération anarchiste.
S'il est un poète dont il est malaisé d'écrire la biographie c'est bien lui : voilà un homme qui écrit pour défaire sa vie, pour s'y soustraire. En 1940, il publie son premier recueil Ma Vie Sans Moi titre éloquent pour un poète qui écrivait : «J'ai choisi, pour me bâtir, d'être partout détruit ». Il traduit Goethe pour la Pléiade et se fait remarquer en 1942 par un roman Le Temps Qu'il Fait «grand poème où la prose cherche le vers» selon l'expression de Maurice Blanchot. Paulhan et Supervielle saluent son inspiration lyrique. Ce texte ne pouvait que plaire à un Supervielle : on y voit des animaux qui assistent le héros dans sa quête du savoir, on y voit des chevaux qui parlent... Il est presque un écrivain confirmé. En 1944, pour vivre, il passe ses nuits à écouter la radio et publie un bulletin d'écoute qu'il ronéotype lui-même. Tiré à quelques vingtaines d'exemplaires, parfois à cinquante, ce bulletin comptait des abonnés aussi illustres que le Canard Enchaîné, le comte de Paris, l’Élysée et le Vatican. Des années qu'il passe à écouter Radio Moscou, Radio Tirana, Radio Pékin et toutes les autres radios spécialistes de démagogie, de propagande et de ce qui s'appellera plus tard la langue de bois, sortira en 1953 un essai La Fausse Parole où il est le premier à analyser les mécanismes ensorcelants du surgissement du non-langage. On ne sait pourquoi à la Libération il est considéré comme indigne. Voici sa réaction à ceux qui lui jettent l'anathème :
«Paris ma grand' Ville
Trois millions de dénonciateurs
Sous l'oppresseur
Hitlérien
Trois millions de dénonciateurs
Sous l'oppresseur
Stalinien
Trois millions de dénonciateurs
Attendent tout oppresseur,
Lettre en main.
Et trois millions d'écrivains
Applaudissent: "C'est très bien !"
En 1945, il publie un autre recueil Les Poèmes Indésirables où on peut lire des pages d'une violence à la mesure du discrédit qu'on a voulu jeter sur lui. Robin ne peut se complaire dans le rôle de la victime, il préfère sortir ses griffes « Il n'y a plus de pensée, il n'y a plus que des clairons ; il n'y a plus de poète, il n'y a plus que des Aragon ». Plus rien ne fera taire ce poète qui rêvait d'amour et se voyait embarqué dans des altercations où il n'avait rien à faire. En 1946, il fait paraître une plaquette qui porte la mention suivante :«Armand Robin, inscrit sur la liste noire des écrivains français : Poèmes de Boris Pasternak, inscrit sur la liste noire des écrivains soviétiques. Édition mise en vente au profit des militants prolétariens victimes de la bourgeoisie communiste». Suivent d'autres recueils qui s'inspirent entre autres de la poésie arabe Poésie Non Traduite I et II (Gallimard). On voit le poète à Sèvres, à Lausanne d'où il revient avec une déception amoureuse, on le voit avec son ami Brassens. Personne ne présageait pas le drame, on commençait même à penser qu'il y avait de la place pour des anarchistes qui du reste étaient des excentriques, des originaux, des anticonformistes, des poètes qui n'ont jamais posé de bombes. En 1961, la France est un pays méconnaissable, capable du pire. Robin répétait à qui voulait l'entendre "Je suis un fellagha".
On ne sait pourquoi Robin est arrêté un jour au 7ème arrondissement, on sait encore moins pourquoi il décède quelques jours après (le 31 mars 1961) à l'infirmerie du dépôt. Mort mystérieuse retiendra l'histoire littéraire. Mort mystérieuse !!
Choix bibliographique :
Ma Vie sans moi NRF poésie/ Gallimard.
Omar Khayam Rubayat traduction d’Armand Robin poésie/ Gallimard.

mardi 22 septembre 2009

poesia per Isola del Liri


Isola del Liri
Pour P.I

Ho più di vent’anni
Ho lasciato a Parigi i miei vent'anni
Son andato attraverso i libri e ho letto le città
E non so ancora volare
Ho bevuto i migliori vini d'Italia e di Francia
E non so ancora volare
Ho pianto a volte una lacrima blu
E non so ancora volare
Mi manca il vento di Sora
La neve degli Appennini

lundi 21 septembre 2009

محي الدين بن عربي Ibn Arabi


Mausolée Ibn Arabi. Damas

محي الدين بن عربي
لقد كنت قبل اليوم أنكر صاحبي
إذا لم يكن ديني إلى دينه داني
لقد صار قلبي قابلاً كلّ َ صورة ٍ
فمرعى لغزلان ٍ ، ودير ٍ لرهبان ِ
وبيت ٍ لأوثان ٍ وكعبة طائف ٍ
وألواح توراة ٍ ومصحف قرآن ِ
أدين بدين الحب أنى توجهت ْ
ركائبه ، فالحب ديني وايماني"

Moheïddine Ibn ’Arabî (1164 Murcie-1240 Damas )
Auparavant je pouvais renier un ami
Si ma foi ne se rapprochait pas de la sienne
Maintenant mon cœur accueille toute figure
Il est désormais prairie pour les gazelles, couvent pour les ermites
Bétyle pour les idoles, Kaaba pour le pèlerin,
Planches de la Torah et un Coran
L’amour est ma croyance où que s’orientent
Ses convois ; l’amour est ma religion et ma foi.


Traduction de Jalel El Gharbi

vendredi 18 septembre 2009

Il y a quelques années Sabra et Chatila


A peine entré dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila à la périphérie de Beyrouth, je ressens le besoin d’une langue autre. Il me faut une syntaxe torturée, des phrases mutilées, une rhétorique et un lexique ourdis de silence, de colère et de colère silencieuse. A droite se trouve le charnier. Quelques inscriptions couleur sang sur un fond noir répondent au devoir de mémoire. Le 16 septembre 1982 plus d’un millier de civils palestiniens, chrétiens ou musulmans, tombent sous les serres de miliciens de la droite libanaise et de soldats israéliens: ils sont massacrés, torturés, lynchés, suppliciés, charcutés. Les tueurs sont des hommes de M. Elie Hobeika(3), qui deviendra par la suite ministre dans le gouvernement libanais et ils ont été entraînés, aguerris et équipés par M. Ariel Sharon, Premier ministre d’Israël. Certains parmi les miliciens ont la nausée et se retirent. Les autres, pris dans l’engrenage du crime, continuent. Ils reprennent des forces en se servant dans les boutiques: pâtisserie et belles pommes libanaises, chantées jadis par Abu Nawas. Et le crime se poursuit associant sang et plaisir, rancœur et désir, celui d’en finir avec ces sous-hommes de Palestiniens. Femmes enceintes éventrées, gamines violées et hommes empalés. On m’a raconté qu’un milicien, boucher de son état, aurait conclu qu’il n’y avait pas de différence entre hommes et bêtes d’abattoir et qu’il suffisait de procéder de la même manière pour accéder aux abats. Les victimes sont toutes enterrées dans des sacs en plastique offerts par Tsahal. Et voilà vite remblayées les fosses communes. A la suite du scandale que fut la découverte de ce charnier, les témoignages les plus incontestables vinrent en révéler l’ampleur. Jean Genet(2), l’un des premiers arrivés sur les lieux avec Leila Shahid, déléguée de Palestine en France, témoignent de l’atrocité des faits. En Israël, la commission Itzhak Kahane(3), que personne ne peut accuser d’antisémitisme, conclut à la responsabilité personnelle de M. Ariel Sharon. On ne sort pas indemne après avoir vu Sabra et Chatila. On en sort, tout au moins paranoïaque. Ce bon père de famille qui presse le pas pour que la baguette de pain de ses enfants ne refroidisse pas a peut-être tué. Et cet autre qui choisit scrupuleusement des pommes. Il y a surtout cet autre qui, ayant pris une poupée, s’inquiète de savoir de quelle couleur sera le papier cadeau. Ce n’est pas moi qui m’égare, la question demeure posée: qu’est-ce qui fait qu’un citoyen paisible se métamorphose en assassin, en insulte à l’humanité tout entière. Ou encore: qu’est-ce qui fait que l’humanité accepte que l’anathème soit jeté sur un peuple? Il n’y a pas de réponse. Il suffira de creuser la question. Et je constate que la poésie est encore possible après Deir Yassine (massacre commis contre les Palestiniens en 1948) et après Sabra et Chatila, comme si l’oubli était possible. Et pourtant la beauté de cette jeune Palestinienne qui entrouvre une fenêtre est encore possible. Serions-nous promis à l’oubli des laideurs?
La grande rue, celle qui menait à l’hôpital Gaza, prétend être aujourd’hui une rue commerçante. Que de petites échoppes où foisonnent des marchandises de toutes sortes venues des pays d’Asie. De la pacotille qui se vend très bon marché. La clientèle se recrute dans tout Beyrouth. Je me suis même laissé dire que certains miliciens ayant participé à la boucherie viennent s’approvisionner ici en électroménager made in Turquie, made in Taiwan ou made dieu seul sait où. Il y a aussi des marchands aux quatre saisons: étals disposés avec un art qui contraste avec l’insalubrité ambiante. Les Palestiniens, surtout les enfants, ont droit à ces produits: ils doivent seulement attendre la fin du marché pour aller fouiller dans les poubelles ou dans les décharges : joie de l’enfant qui a trouvé une poupée à laquelle il ne manque que la tête; joie de l’enfant qui a déniché une tomate bien fraîche et joie de la chèvre à se délecter d’une salade. Quelques chèvres. Le bestiaire de Sabra et Chatila est à étudier. Quelques mulets, des rats, quelques chèvres, des rats, quelques chats et des rats. Aujourd’hui, le camp se vide. Les Palestiniens, interdits d’accès à plus de 70 professions ou métiers quittent le camp: Australie, Etats-Unis (quand ils le peuvent), pays scandinaves. Pour ne pas faciliter leur implantation définitive, la loi libanaise ne leur accorde ni le droit de travailler ni des papiers, ni eau, ni électricité, ni voierie. Des intellectuels libanais, des partis politiques, surtout le puissant Hezbollah, revendiquent des conditions plus humaines pour les réfugiés. Il y a de moins en moins de Palestiniens à Sabra ou à Chatila. Une autre population aussi indigente tend à les remplacer: des Syriens, des Libanais pauvres, des Asiatiques… qui très vite prennent le faciès des hommes privés de lumière: il fait toujours sombre dans les rues des camps. La misère prend un nouveau visage, celui d’une profusion de pacotille qui profite à de grands négociants ou trafiquants qui, eux, ne mettent jamais les pieds à Sabra. Impossible de savoir qui gère ce commerce. Dans les «ruelles» du camp, je marche sous une immense toile d’araignée qui approvisionne les maisons en électricité. Ces maisons de la promiscuité, du surpeuplement n’ont pas toutes quatre murs et un toit. Nombre d’entre elles ont en guise de mur ou de toit des draps ou des couvertures ou des plaques de taule. Il y a ici des représentations des groupes politiques palestiniens, des marchands de légumes, un médecin et un centre culturel. Les jeunes qui fréquentent ce centre ont calligraphié des poèmes sur les murs. J’avoue que j’ai trouvé un plaisir tout aussi immense qu’indécent à lire ces textes, à voir ce portrait très réussi de Che Guevara, du cheikh Yassine, assassiné sur son fauteuil roulant à Ramallah, ou ce portrait de Arafat. Le camp, cette preuve de la rémanence des crimes contre l’humanité, exhale une odeur d’égouts à ciel ouvert, près de certains étals de produits de «luxe», l’odeur écoeurante des parfums bon marché et des relents de crimes contre l’humanité. Je n’ai jamais mis les pieds à Auschwitz mais je suis sûr qu’il y règne la même odeur de crimes. Je me pose surtout cette question: comment nous – hommes et femmes – pouvons-nous admettre qu’il existe encore des apatrides? Un moment, je suis tiraillé entre ce désespoir foncier de l’humanité de l’homme et la foi qu’un peuple qui a donné autant d’artistes, de poètes (je pense surtout à Darwich), de victimes reviendra un jour chez lui sur les rivages d’Akka.
[1] Elie Hobeika a été assassiné le 24 janvier 2002: «quelqu’un» avait intérêt à ce qu’il ne vînt pas témoigner à Bruxelles.
[2] Genet à Chatila, textes réunis par Jérôme Hankins, Babel, 1992
[3] Rapport de la commission Kahane, Stock, 1983

jeudi 17 septembre 2009

Prose pour le transmaghrébin 2 Ibn Khaldoun

Maison natale d'Ibn Khaldoun 33 rue Tourbet El Bey

Rue Tourbet El Bey
A Tunis, la rue Tourbet El Bey devrait profiter d’une plus grande attention parce qu’elle a des prolongements qui vont très loin dans le temps et dans l’espace.
J’aimerais en colmater toutes les brèches, les fissures et les lézardes.
J’aimerais y accrocher des pots de géranium et y planter un olivier.
Je ne parlerai pas aujourd’hui du mausolée Husseinite qui donne son nom à la rue et qui mériterait d’être mieux entretenu.
La rue Tourbet El Bey c’est aussi le 33. C’est au numéro 33 qu’est né en 1332 l’historien, le fondateur de la sociologie Ibn Khaldoun.


Mosquée du Dôme
Dans la même rue, la petite mosquée du Dôme où le jeune Ibn Khaldoun fit ses études primaires. Superbe mosquée qui allie la noblesse de la roche et le fini du crépi, l’abrupt et la blancheur, le circulaire et le carré.
L’auteur des Prolégomènes et de « L’Histoire universelle. Histoire des Arabes, des Persans et des Berbères » est la figure maghrébine par excellence.
Fèz conserve son souvenir puisqu’il y habita et enseigna à la Médersa Bou Inania avant de devenir premier ministre.




La médersa Bou Inania


La maison où il a habité se trouve au cœur de Fèz, pas loin de la Médersa. Une petite maison modeste. L’écriteau qui surmontait la porte d’entrée a disparu sans doute pour dérouter les curieux.
Grottes de Taoughzout où Ibn Khaldoun commença la rédaction de la Mouqadima (Les Prolégomènes)
C’est dans la région de Béjaïa qu’Ibn Khaldoun commence la rédaction des Prolégomènes. Il avait besoin de solitude, pas seulement pour se mettre à l’abri de ses ennemis mais surtout pour penser une nouvelle méthode historique, positiviste et pour asseoir les fondements de la sociologie. Mais en 1378, il doit revenir à Tunis pour travailler en bibliothèque. Il est recruté comme professeur.
Aujourd’hui, la Bibliothèque Nationale de Tunis conserve de précieux manuscrits de ses œuvres.

mercredi 16 septembre 2009

Un poème d'Artéphius لامية العجم الطغرائي



Je suis aux prises avec ce texte d’Artéphius الطغرائي que je suis en train de traduire pour une revue française. Je mettrai en ligne ma traduction après sa parution en revue.
الطغرائي Artéphius est un éminent chimiste du 12 eme siècle. Il est né à Ispahan dans une famille arabe. Sa naissance lui a permis une parfaite maîtrise des langues arabe et persane. Ce que l’on sait très peu en Occident c’est que ce fut un grand poète lyrique.
La version sur laquelle je travaille est légèrement différente de celle-ci. J’ai pris le parti de traduire le texte tel que publié à Constantinople en 1881 dans ce livre dont on voit ici la couverture.

لامية العجم

أصالةُ الرأي صانتْنِي عن الخَطَلِ وحِليةُ الفضلِ زانتني لـــدَى العَطَــلِ
مجدي أخيراً ومجدِي أوّلاً شَرَعٌ والشمسُ رأْدَ الضُحَى كالشمسِ في الطَفَلِ
فيمَ الإقامُـة بالزوراءِ لا سَكَني بهــا ولا ناقتي فيهــا ولا جَمــلي
نَاءٍ عن الأهلِ صِفْرُ الكفِّ منفردٌ كالسيفِ عُرــِّيَ متنــاهُ من الخَـللِ
فلا صديقَ إليه مشتكَى حـزَنِي ولا أنيسَ إليــه منتَهــى جــذلي
طالَ اغترابيَ حتى حنَّ راحلتي ورحُلهــا وقرَى العَسَّالــةِ الذُّبــلِ
وضَجَّ من لَغَبٍ نضوي وعجَّ لما يلقَى رِكابي ولــجَّ الركبُ في عَذَلـي
أُريدُ بسطــةَ كَفٍ أستعينُ بها على قضــاءِ حُقــوقٍ للعُلَى قِبَـلي
والدهــرُ يعكِسُ آمالِي ويُقْنعُني من الغنيمــةِ بعــد الكــَدِّ بالقَفَلِ
وذِي شِطاطٍ كصدرِ الرُّمْحِ معتقلٍ لمثلــهِ غيـرَ هيَّــابٍ ولا وَكِـلِ
حلوُ الفُكاهِةِ مُرُّ الجِدِّ قد مُـزِجتْ بقســوةِ البأسِ فيه رِقَّــةُ الغَـزَلِ
طردتُ سرحَ الكرى عن وِرْدِ مُقْلتِه والليلُ أغـرَى سـوامَ النـومِ بالمُقَلِ
والركبُ مِيلٌ على الأكوارِ من طَرِبٍ صـاحٍ وآخرَ من خمر الهوى ثَمِـلِ
فقلتُ أدعـوكَ للجُلَّــى لتنصُرَنِي وأنت تخذِلُني فـي الحـادثِ الجَـلَلِ
تنـام عيني وعينُ النجمِ ساهرةٌ وتستحيلُ وصِبـغُ الليلِ لـم يَحُـلِ
فهـل تُعِيُن علـى غَيٍّ هممتُ بهِ والغيُّ يزجُـرُ أحيانـاً عـن الفَشَلِ
اني أُريدُ طـروقَ الحَيِّ من إضَـمٍ وقد رَمـاهُ رُمـاةٌ مـن بني ثُعَـلِ
يحمونَ بالبِيض والسُّمْرِ اللدانِ بهمْ سودَ الغدائرِ حُمْـرَ الحَلْي والحُلَلِ
فسِرْ بنـا في ذِمـامِ الليلِ مُهتدياً بنفحـةِ الطِيب تَهدِينَـا إِلى الحِلَلِ
فالحبُّ حيثُ العِدَى والأُسدُ رابضَةٌ حَولَ الكِناسِ لها غابٌ مِنَ الأَسَلِ
نَؤمُّ ناشِئةً بالجزع قد سُقيَتْ فِصالُها بمياه الغَنْجِ والكَحَلِ
قد زادَ طيبَ أحـاديثِ الكرامِ بهـا ما بالكـرائمِ من جُبنٍ ومـن بُخُلِ
تبيتُ نـارُ الهَـوى منهنَّ في كَبِدٍ حرَّى ونار القِرى منهم على جبلِ
يقتُلنَ أنضـاءَ حبٍّ لا حَـراكَ بها وينحرونَ كـرامَ الخيـلِ والإِبِــلِ
يُشفَى لديغُ الغوانِي في بُيوتهِـمُ بنهلـةٍ من لذيذِ الخَمْـر ِ والعَسَـلِ
لعــلَّ إِلمامــةً بالجِزعِ ثانيـةً يدِبُّ فيهـا نسيمُ البُـرْءِ فـي علل
ِ
لا أكرهُ الطعنةَ النجلاءَ قد شُفِعَتْ بردفةٍ من نِبــالِ الأعيُنِ النُّجُـلِ
ولا أهابُ صِفاح البِيض تُسعِدُني باللمحِ من صفحاتِ البِيضِ في الكِلَلِ
ولا أخِــلُّ بغِــزلان أغازِلُهـا ولو دهتني أسـودُ الغِيـل بالغيـَلِ
حبُّ السلامةِ يُثْني همَّ صاحِبــه عن المعالي ويُغرِي المرءَ بالكَسـلِ
فـإن جنحـتَ إليـه فاتَّخِـذْ نَفَقـاً في الأرضِ أو سلَّماً في الجوِّ فاعتزلِ
ودَعْ غمــارَ العُلى للمقديمن على ركوبِهــا واقتنِعْ منهــن بالبَلَـلِ
رضَى الذليلِ بخفضِ العيشِ يخفضُه والعِــزُّ عندَ رسيمِ الأينُــقِ الذُلُلِ
فــادرأْ بهـا في نحورِ البِيد جافلةً معارضـاتٍ مثانى اللُّجـمِ بالجُـدَلِ
إن العُلَـى حدَّثتِني وهـي صادقـةٌ في مـا تُحــدِّثُ أنَّ العزَّ في النُقَلِ
لو أنَّ في شرفِ المأوى بلوغَ مُنَىً لم تبرحِ الشمسُ يوماً دارةَ الحَمـَلِ
أهبتُ بالحظِ لو نـاديتُ مستمِعــاً والحـظُّ عنِّيَ بالجُهَّــالِ في شُغُلِ
لعلَّــهُ إنْ بَــدا فضلي ونقصُهُمُ لعينهِ نــامَ عنهــمْ أو تنبَّـهَ لي
أعلِّلُ النفس بالآمــالِ أرقُبُهــا ما أضيقَ العيشَ لولا فسحةُ الأمَـلِ
لم أرتضِ العيشَ والأيــامُ مقبلـةٌ فكيف أرضَى وقد ولَّتْ على عَجَـلِ
غالى بنفسيَ عِــرفاني بقيمتِهـا فصُنْتُهـا عن رخيصِ القَدْرِ مبتَذَلِ
وعادةُ النصلِ أن يُزْهَى بجوهـرِه وليس يعمـلُ إلّا في يــدَيْ بَطَـلِ
مــا كنتُ أُوثِرُ أن يمتدَّ بي زمني حتى أرى دولــةَ الأوغادِ والسّفَلِ
تقدَّمتني أناسٌ كــان شَوطُهُــمُ وراءَ خطويَ إذ أمشي علـى مَهَلِ
هــذا جَزاءُ امرئٍ أقرانُه درَجُوا مـن قَبْلهِ فتمنَّى فُسحــةَ الأجـلِ
وإنْ عَلانِيَ مَنْ دُونِي فـلا عَجَـبٌ لي أُسوةٌ بانحطاطِ الشمس عن زُحَلِ
فاصبرْ لها غيرَ محتالٍ ولا ضَجِـرٍ في حادثِ الدهرِ ما يُغني عن الحِيَلِ
أعـدى عدوِّكَ أدنى من وَثِقْتَ به فحـاذرِ الناسَ واصحبهمْ على دَخَلِ
وإنّمــا رجـلُ الدُّنيا وواحِدُهـا مـن لا يعـوِّلُ في الدُّنيا على رَجُلِ
وحسنُ ظَنِّكَ بالأيــام مَعْجَـزَةٌ فظُنَّ شَرّاً وكُـنْ منهـا على وَجَـلِ
غاضَ الوفاءُ وفاضَ الغدرُ وانفرجتْ مسافـةُ الخُلْفِ بين القولِ والعَمَلِ
وشانَ صدقَك عند النـاس كِذبُهمُ وهــل يُطابَقُ معـوَجٌّ بمعتَــدِلِ
إن كـان ينجـعُ شيءٌ في ثباتِهم على العُهـودِ فسبَقُ السيفِ للعَذَلِ
يـا وارداً سؤْرَ عيشٍ كلُّـه كَدَرٌ أنفقـتَ عُمـرَكَ في أيامِـكَ الأُوَلِ
فيمَ اعتراضُـكَ لُـجَّ البحرِ تركَبُهُ وأنتَ تكفيك منـه مصّـةُ الوَشَلِ
مُلْكُ القناعـةِ لا يُخْشَى عليه ولا يُحتاجُ فيه إِلى الأنصـار والخَوَلِ
ترجــو البَقاءَ بدارِ لا ثَباتَ لها فهــل سَمِعْتَ بظلـٍّ غيرِ منتقـلِ
ويا خبيراً على الأسرار مُطّلِعـاً اصْمُتْ ففي الصَّمْتِ مَنْجاةٌ من الزَّلَلِ
قـد رشَّحـوك لأمرٍ إنْ فطِنتَ لهُ فاربأْ بنفسكَ أن ترعى مع الهَمَـلِ

mardi 15 septembre 2009

A tourist among stangers.


La poésie de Sanford Fraser, poète new-yorkais, choisit des images de la vie pour dire la vie. Elle se saisit de l’instant éphémère pour dire sa soif d’éternité. C’est une poésie qui, comme chez Cummings ou chez ce poète François de Cornière (il y a longtemps que je n’ai plus entendu parler de lui), l’anodin insinue que rien n’est anodin dans la vie. Sanford Fraser happe des images qui, par elles-mêmes disent que le monde est ce qu’il est : chose immonde. Il laisse entendre l’immensité de la solitude. Une solitude quasiment ontologique : nous apparaissons et nous disparaissons seuls.
Cela fait des années que je suis attentivement le cheminement poétique de mon ami Sanford Fraser et je puis dire qu’il dit quelque chose d’essentiel : les réalités sociales sont plutôt l’expression de réalités ontologiques car l’existence nous offre à chaque instant des allégories de l’être, du néant. Il suffit de regarder. Et le dernier recueil en date de Fraser ne pouvait que s’intituler Tourist car ce qui définit le touriste, ce passager, ce passant, c’est qu’il voit. Le touriste : un être du regard qui passe.
Voici le poème qui donne son titre au recueil. Il est remarquer que la fin de ce poème est le titre même de son premier recueil « among stangers I’have known all my life »

Tourist est pulié ici par NYQ Books, 2009 (New York Quarterly Books). amazon.fr/ amazon.com/Barnes & Noble/ Powells' Books.

Tourist
My head,
prayer-bent over a folded map

my eyes, walking
lines

of streets
I don't have time to see

I look up
somewhere lost

among
strangers
I've known
all my life...

Touriste
Ma tête,
inclinée comme en prière

sur une carte pliée
mes yeux marchant

le long des rues
que je n'ai pas le temps de voir

je lève les yeux,
perdu quelque part

parmi
des étrangers
que j'ai connus
toute ma vie.

lundi 14 septembre 2009

Kasserine

Le monument flavii.

Je descends vers le sud de la Tunisie pour revoir un poème gravé sur un mausolée du II ème siècle après J. C. J’affectionne la poésie qui se fait chose visible. Ma route passe par Kairouan, le centre spirituel du Maghreb. J’entre dans la ville, dans sa profusion de coupoles, de minarets et de dômes et dans la luxuriance de ses riches tapis pure laine qui tapissent les riches demeures d’Amsterdam, de Paris ou de Hambourg. Kairouan est l’une des capitales mondiales du tapis étroitement concurrencée par les prix des pays asiatiques: l’artisanat kairouanais n’emploie pas d’enfants. Cette ville fournissait au pays ses plus grands savants et ses plus grands poètes. Aujourd’hui encore, il n’est pas rare de croiser dans tel ou tel café de la ville de jeunes poètes discutant littérature. Dans la grande mosquée de la ville, la première de toute l’Afrique, je me laisse aller à la fraîcheur et au calme des lieux. Ici, on comprend comment l’Islam a réussi à s’ancrer si profondément dans cette terre. Il n’y a qu’à voir les chapiteaux corinthiens et autres qui couronnent des colonnes récupérées dans les ruines de la région pour comprendre que l’Islam a su faire siens les symboles des cultures qu’il a supplantées. A quoi ressemble la mosquée? L’idéal des architectes musulmans était de reproduire l’oasis. Les colonnes, les arceaux sont une palmeraie. L’oasis faite de fraîcheur est comparant du paradis. L’eau des ablutions est acheminée par des conduits souterrains. Comme au paradis, l’eau coule invisible. C’est une allégorie que vous viendrez voir ici. Je ne m’attarde pas trop à Kairouan. Le poème gravé dans la pierre m’appelle. Soleil radieux. De Kairouan à Sbeïtla, la route traverse des plaines peu habitées. Pendant longtemps cette région a été saignée par l’émigration et l’exode rural. Hémorragie humaine de plus en plus jugulée. Les oueds sont tous à sec toutefois cette terre naguère quasiment désertique est en train de verdir. Ici, on a la main verte. Pourtant l’eau demeure invisible. Elle est surtout dans les barrages qui recueillent toute goutte d’eau. Schématisons, l’image de cette région, serait un château d’eau au milieu de nulle part. Un cheval barbe scrute l’infini de son horizon et une petite bédouine le regarde. De la petite bédouine, je ne puis rien dire sinon qu’elle a des yeux étonnamment bleus. Le cheval barbe constitue la race maghrébine. Il est endurant, patient. Pendant des siècles, il fut de toutes les luttes. J’ai une pensée pour l’Émir Abdelkader, auteur d’un traité sur le cheval barbe, cet ancêtre du cheval andalou et des chevaux qui sillonnent la lointaine pampa.

A Sbeïtla (l’ancienne Sufetula). A l’hôtel Sufetula. L’hôtel est modeste. Il a un air de pension de famille qu’un accueil des plus agréables rend sympathique. De l’hôtel, la vue sur le site archéologique est imprenable. Au coucher du soleil, le site retrouve une qualité de silence presque audible. Les pensionnaires de l’hôtel, des allemands, des français, des espagnols, semblent respecter ce calme. Il n’y a pas la foule bruyante des touristes qui viennent pour la plage. Ici, lointaine est la mer. Sufetula est un site fort intéressant: on s’arrêtera longuement devant ses multiples monuments: la majestueuse porte d’Antonin qui faisait office d’arc de triomphe, le forum, les trois temples dédiés à Jupiter, à Junon et à Minerve, l’église de Bellator, l’église de Vitalis avec son baptistère orné de mosaïques, l’église du prêtre Servus, les trois fontaines, le théâtre, les thermes, l’amphithéâtre, l’huilerie et au fond du site, en apothéose, l’emblème éternel de la ville: l’arc de triomphe. Le site est tout en fleurs. Dans la rue principale de Sufetula, me revient un poème de Michel Deguy évoquant cette rue: “Le vent de la rue des temples, le temple de la rue des vents, la rue du temple des vents, le vent des temples en rue, le temple des vents de rue, la rue des vents des temples à Sbeïtla. Où l’herbe est gardée la grande invasion ne repousse pas.”. Je reprends la route, un cheval barbe traverse fièrement. Noble monture des chevaliers d’antan. Chevaliers assagis aujourd’hui que “chevaux” renvoie d’abord à la puissance fiscale des moteurs. A Kasserine, ville spacieuse, propre, je m’empresse d’aller voir mon poème gravé sur un mausolée. D’où vient ce monument pyramidal. Quelle en est la filiation? L’ancêtre de cet ouvrage se trouve en Syrie. C’est le mausolée d’Halicarnasse. Il se retrouve aussi en Libye d’où il est venu en Tunisie pour proliférer. Mais les deux chefs-d’œuvre du genre sont ceux de Dougga et de Kasserine. Ce type de monument a traversé la Méditerranée et on le rencontre en Italie, à Agrigente (tombeau de Théron), en France (bâtisse de l’île du Comte à Beaucaire). Il atteint la vallée du Rhin à Cologne (mausolée de Poblicius), à Bonn (Krufter Saüle) et près de Trèves (le monument Igel). Il se retrouve également en Algérie, en Espagne.

Le monument de Kasserine (l’ancienne Cillium dont les vestiges sont encore visibles) est connu sous le nom de mausolée Flavii. Avec le mausolée Pétronnii, il a donné son nom à la ville (Kasserine signifie en arabe: les deux châteaux). Si le monument Flavii n’a pas la grâce de celui de Dougga, il s’en distingue par son importance épigraphique. Désireux de perpétuer leur souvenir, les propriétaires de cette sépulture ont fait appel à un poète. Sur la façade du premier étage (il en compte trois) deux poèmes de pas moins de 110 vers célèbrent le défunt. Les deux poèmes ne sont pas d’une lecture aisée, d’où la difficulté de les traduire mais surtout de les interpréter. J’avoue en toute humilité ne pas être convaincu des lectures qui ont été faites de ces textes. Je lis le début du poème: “La vie est bien courte et ses moments s’enfuient, nos jours arrachés passent comme une heure brève, nos corps mortels sont attirés au fond des terres élyséennes par Lachésis la malveillante acharnée à couper l'écheveau de nos vies, voici pourtant qu’a été inventée l’image, procédé séduisant; grâce à elle, les êtres sont prolongés pour la suite du temps, car la mémoire, rendue moins éphémère, les recueille et garde en elle bien des souvenirs: les inscriptions sont faites pour que perdurent les années […]. Qui pourrait désormais s’arrêter là sans ressentir de vertueux élans, qui n’admirerait ce chef-d’œuvre, qui, en voyant cette profusion de richesses, ne resterait confondu devant les immenses ressources qui permettent de lancer ce monument dans les souffles de l’éther?…”. Le poète à qui on a demandé de célébrer le défunt, le fait si bien mais le célébrant, le poème ne fait rien d’autre que glorifier la poésie même; tant et si bien que le mot “monument” est à lire comme synonyme de poème. Je relis ce poème comme coquetterie de la poésie ne faisant que son propre éloge. Pour finir, l’envie me prend de comparer le mausolée de Kasserine à celui de Dougga, un site très bien conservé au Nord du pays. Je remonte vers le nord où l’eau est visible. Le monument de Dougga est le cénotaphe présumé du chef carthaginois Massinissa. Il est en excellent état de conservation. Imposant par son architecture et par son emplacement, il domine une plaine verdoyante. La poésie du paysage semble le dispenser de tout poème. Sur le chemin du retour, je traverse des villages qui s’annoncent par leurs minarets et leurs sites byzantins. A voir la Medjerda, le principal cours d’eau du pays, je conclus qu’il vient de pleuvoir sur les hauteurs de l’Atlas. Un nuage venu de la mer promet de la pluie.

samedi 12 septembre 2009

Prose pour le transmaghrébin 1

Mausolée de Dogga

Pays de Massinissa
Et il y a derrière les oliviers de Dougga, regardant la rivière venant du lointain Atlas, ce mausolée qui pense aux origines mésopotamiennes et à la mer lointaine. On dit que c’est le mausolée de Massinissa, l’illustre roi numide alors que c’est celui du chef Afeban. Le mausolée de Massinissa se trouve plutôt à Cirta, près de l’actuelle Constantine. Les deux monuments –celui de Cirta- ayant pu être reconstitué par ordinateur – se ressemblent.

Mausolée de Massinissa à Cirta.

Echo du passé et souvenir effilé des pyramides et d’une matinée romaine. La transcendance du site est ponctuation du silence. Elle est jonction. Il y a ici un silence qui s’épaissit dès qu’on y goûte. Un oiseau venu d’il ne sait plus où tente de se faire bémol du bleu. Et les nuages ne semblent pas tenir leur promesse. Et il y a sur ces coteaux des paysans qui pensent au lointain exil. Maures chassés de leur Andalousie, Arabes venus de très loin ou ce Français ayant opté pour une autre identité : ici on peut changer d’identité. Il suffit de pouvoir dire Salam et quelques mots d’amour. C’est peut-être pourquoi le site de Dougga est aujourd’hui le site romain le mieux conservé.