lundi 13 novembre 2017

Une page de Stevenson

Robert Louis Stevenson donne à lire dans Voyage avec un âne dans les Cévennes (Travels with a Donkey in the Cevennes) la page irrésistible que voici : 



La route passait sous les châtaigniers et, bien que j'aperçusse quelques hameaux au-dessous de mes pieds dans la vallée et plusieurs habitations isolées de fermiers, la marche fut très solitaire tout l'après-midi et le soir s'amena promptement sous les arbres. Tout soudain j'entendis une voix de femme chanter non loin de là une vieille ballade mélancolique et interminable. Il semblait s'agir d'amour et d'un bel amoureux, son aimable galant. Et je souhaitai pouvoir reprendre le refrain et lui faire écho, tout en poursuivant, invisible, ma route sous bois, unissant, comme la Pippa du poème, mes pensées aux siennes. Qu'aurais-je eu à lui dire ? Peu de choses ; tout ce que le cœur requiert pourtant ; comment le monde donne et reprend, comment il ne rapproche les cœurs qui s'aiment que pour les séparer de nouveau par de lointains pays étrangers ! Mais l'amour est le suprême talisman qui fait de l'univers un jardin et "l'espérance commune à tous les hommes" annule les contingences de la vie, atteint de sa main tremblante par delà le tombeau et la mort. Aisé à dire, certes. Puis aussi, grâce à Dieu, doux et réconfortant à croire.
Mais, lisez plutôt le passage dans le texte : 

The road lay under chestnuts, and though I saw a hamlet or two below me in the vale, and many lone houses of the chestnut farmers, it was a very solitary march all afternoon; and the evening began early underneath the trees.  But I heard the voice of a woman singing some sad, old, endless ballad not far off.  It seemed to be about love and a bel amoureux, her handsome sweetheart; and I wished I could have taken up the strain and answered her, as I went on upon my invisible woodland way, weaving, like Pippa in the poem, my own thoughts with hers.  What could I have told her?  Little enough; and yet all the heart requires.  How the world gives and takes away, and brings sweethearts near only to separate them again into distant and strange lands; but to love is the great amulet which makes the world a garden; and ‘hope, which comes to all,’ outwears the accidents of life, and reaches with tremulous hand beyond the grave and death.  Easy to say : yea, but also, by God’s mercy, both easy and grateful to believe!


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