lundi 29 novembre 2010

« Le livre des secrets » كتاب الأسرار The book of secrets

Le Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek vient de me publier ce texte :
« Le livre des secrets » كتاب الأسرار
Le manuscrit écrit à Tolède, conservé à Florence et publié à Doha



Le livre des secrets est un traité de mécanique d’une cinquantaine de pages présentant une trentaine d’inventions dont on peut citer : l’« histoire de l’amour et des méchantes vipères » ; « l’aveugle et le chien », « la bataille », « horloge avec 24 portes et deux lions », « horloge solaire avec clepsydre »… Chaque invention consiste en un automate, un mécanisme permettant de mouvoir des engins et même des allégories. Ces machines exploitant les principes de la mécanique des fluides sont dues à un ingénieur andalou Ahmed (ou Mohamed) Ibn Khalaf al-Muradi du XIème siècle qui rédigea ce traité. Or ce n’est qu’en 1975 que l’ouvrage de Muradi a été découvert en Italie. Ayant certainement été acheté par un amateur éclairé, il a fini dans les réserves de Biblioteca Medicea Laurenziana de Florence.
C’est donc un de ces livres qui ont cheminé et qui, par les échos qu’ils entretiennent entre les diverses civilisations et par les liens qu’ils tissent entre les hommes, disent que la culture est une. C’est un livre qui rappelle des ouvrages postérieurs comme ceux de Léonard de Vinci ou Villard de Honnecourt, magister latomus, dont le Carnet est conservé à la BNP.
Chaque invention du Livre des secrets est agrémentée de croquis ce qui a permis de reconstituer ces machines. Les croquis sont d’une grande précision et esthétiquement, le manuscrit est beau malgré les sévices du temps. Peut-être même que les outrages du temps l’ont ennobli.

Cet ouvrage n’est certainement pas le premier du genre dans la culture arabe. Al Jazri, Ibn Moussa, Ibn Marouf avaient précédé al-Muradi et ont même été traduits en Europe dès les années 1920 en Allemagne grâce à Wiedmann et Hawser et, bien plus tard en Angleterre grâce à Donald Hill qui fut sans doute le premier à faire allusion au manuscrit de Florence.
Il s’agit d’un manuscrit rédigé en 1266 à Tolède, c’est-à-dire sous le règne d’Alphonse X de Castille dit le sage ou le savant. La cour d’Alphonse X comportait de nombreux savants et traducteurs musulmans, juifs et chrétiens.
Alphonse X (1221-1284), dont on se moquait en disant qu’il avait la tête dans les nuages, était un érudit et il s’était fait entourer de juristes, d’astronomes, d’historien qui traduisaient ou écrivaient. Parmi les ouvrages qui nous sont parvenus de cette époque citons El Libro di ajedrez, dados e tablas (le livre des échecs, dès et tables) ou encore Calila e Dimna, une traduction en castillan de Kalila Wa Dimna d’Ibn Al Moqafii ouvrage qui lui-même est une traduction libre du Panchatantra, le recueil de fables indiennes.

Le manuscrit qui nous est parvenu est émaillé de fautes de langue et d’erreurs dans la reproduction des planches et des illustrations parfois attribuées à des machines qui n’y correspondent pas. S’agit-il de l’œuvre d’un scribe néophyte ou d’un traducteur ne maîtrisant pas la langue arabe ? Difficile de trancher.
Mais j’avoue que ce n’est pas le côté technique, ni le côté scientifique qui m’ont interpellé dans cet ouvrage. J’aimerais lire ce livre comme une illustration de la machine narrative, comme la représentation concrète du désir de raconter des pans de vie. J’aime la formule qui se trouve en tête de chaque chapitre : « Nous voudrions faire une structure ». Ici, chaque mot se laisse gloser autrement : « vouloir » est synonyme d’« aimer », aspirer à. Quant au verbe « faire » il est tout à la fois son équivalent grec « poiein » et « travailler à » par « structure » , j’essaie de rendre compte du mot « chakl » désignant littéralement « forme ». Ainsi donc, Al Muradi aura donné à voir des instants de vie, des romans portant sur presque rien comme en rêvait Flaubert. Le tout suggérant que c’est à l’allégorie (à la vue) que se destine l’esprit.

Ibn Khalaf al-Muradi : The Book of Secrets. ISBN : 978-88-6048-013-2 (coffret comportant un CD, un volume en anglais et deux volumes en arabe).

Jalel El Gharbi

mercredi 24 novembre 2010

الإمام الشافعي 2L'imam Chafi'i

Le grand Erg occidental (Algérie)

لقد أصبحت نفسي تتوق إلى مصر ومن دونها قطع المهامة والقفر
فوالله ما أدري أللفوز والغنى أساق إليها أم أساق إلى القبر


Désormais mon âme aspire vers l’Egypte
Par-delà les terres désertes et inhabitées.
Ma foi, je ne sais si j’y suis traîné pour le succès et la fortune
Ou alors pour y trouver ma tombe

samedi 20 novembre 2010

L'imam Chafi'i الإمام الشافعي

Mausolée de l'imam Chafi'i au Caire
ما في المقـام لـذي عقـلٍ وذي أدبٍ مـن راحــة فــدع الأوطــان واغـتـرب
سـافـر تـجـد عـوضـاً عـمـن تـفـارقـه وانصب فإن لذيذ العيش فـي النصـب
إنــي رأيــت وقــوف الـمـاء يـفـسـده إن ساح طاب وإن لم يجـر لـم يطـب
والأسد لولا فراق الأرض ما افترست والسهم لولا فراق القوس لـم يصـب
والشمس لو وقفت في الفلك دائمة ً لملها النـاس مـن عجـم ومـن عـرب
والتبـر كالتـرب ملـقـى فــي أماكـنـه والعـود فـي أرضـه نـوع مـن الحطـب
فـــإن تـغــرب هـــذا عــــز مـطـلـبـه وإن تــغــرب ذاك عـــــز كـالــذهــب

L'imam Chafi'i né à Gaza en 766 et mort au Caire en 820 était aussi un poète raffiné et un fin lettré.

Il n’est nulle quiétude pour l’honnête homme à être sédentaire
Laisse donc ton pays et émigre.
Voyage tu pourras remplacer ceux que tu auras quittés
Et peine car la douceur de vivre est dans la peine.
Ne vois-tu pas que l’eau qui croupit s’avarie ;
Qu’à couler elle bonifie faute de quoi elle se dégrade
Ne vois-tu pas que si le lion ne quittait pas son territoire, il ne dévorerait rien
Que si la flèche ne laissait pas l’arc, elle n’atteindrait pas sa cible
Que si le soleil s’arrêtait pour toujours dans sa sphère
Tous les hommes, les nôtres et les autres, s’en lasseraient
Que dans sa contrée, l’or est répandu comme la poussière
Et dans son pays, l’Oud[1] n’est qu’une variété de bois
Quand le premier émigre, il devient si estimé
Et quand le second s’exile, il est aussi cher que l’or
[1] Aquilara Malaccensis
Traduction Jalel El Gharbi

mercredi 17 novembre 2010

Amraoui par Giulio-Enrico Pisani

Photo empruntée à Helenablue (dans mes liens)
Giulio-Enrico Pisani vient de publier dans le Zeitung vum Lëtzbuerger Vollek ce compte-rendu du recueil de Mokhtar El Amraoui :
Mokhtar El Amraoui : Arpèges sur les ailes de mes ans
221 poèmes d’amour et... une chanson désespérée ?


Fallait-il vraiment que je paraphrase ici le grand Pablo Neruda en présentant Mokhtar El Amraoui ? Et pourquoi pas ? Compte tenu de leurs espaces culturels très différents, leur parenté est indéniable et leurs styles parfois assez proches. Coïncidence, ou influence du vieux poète chilien sur le jeune barde tunisien ? ¿Quién sabe ? Quoiqu’il en soit, chez El Amraoui comme chez Neruda, l’amour est partout, l’espoir fréquent, la colère aussi, le découragement sporadique et, à bien chercher, on leur trouve à tous deux au moins une « canción desesperada ».
Professeur de français à Bizerte, Mokhtar El Amraoui est né en 1955 à Mateur d’un père algérien et d’une mère tunisienne, qui, chacun à sa façon, ont contribué à son épanouissement poétique. (1) La source jaillit vers 1970 ; fille d’Erato, rivière aux flots passionnés, elle s’élança à la fois joyeuse et grondante, ici torrent sans frein, là vortex sans fond. Toute chutes, gerbes d’écume, espoir et clameurs, elle se fraya un passage entre les falaises et à travers les gouffres où Mnémosyne l’attendait pour l’enrichir de l’esprit de ses autres filles : Calliope, Melpomène et Thalie. (2) Adulée, caressée, tourmentée, parfois maltraitée par son chantre durant dix années de maturation, d’engagement et de colère, Erato, la muse des poètes, l’accompagna dès lors, à la fois stimulante et indulgente, au cours de ce qui allait devenir son premier recueil : « Élans d’espoir (1070-1980) ».
Son troisième poème, intitulé, justement, « Espoir », qui en représente le principe, sinon la quintessence, annonce clairement la couleur par « Je me tais, / Vous m’avez bâillonné / Mais l’enfant qui a faim / N’a pas cessé de pleurer... », passe par « L’homme qui combat » et culmine dans « Des chants d’espoir, / Des chansons de victoire. ». À 11.430 Km de là, « Victor Jara », lui, s’est élevé plein ciel sur les ailes de Mokhtar avec les « Oiseaux libres, / Oiseaux fiers du Chili... » auxquels Mokhtar crie : « Volez plus haut que le deuil, / plus loin que les larmes et les tristesses / Car son sang répandu, / Car ses chansons / Sont un bouquet d’espoir, sont un appel au combat ! »
Mais à la montagne avec ses Roncevaux rêvés finissent par succéder plaines et collines, aux cascades les marais, aux lacs sans fond les étangs glauques, aux jeunes roches cristallines les sables mouvants, aux épaisses forêts de trop rares oasis. Le blanc n’est plus tout à fait blanc, ni le noir toujours noir et les falaises usées devenues plages de sable bordant les méandres nonchalants invitent davantage à la réflexion qu’au combat, plutôt à l’amour qu’à la vindicte, à la raison qu’aux impulsions. Le rythme se ralentit, la poésie s’apaise. Mais elle grandit, s’étend sur trois décades et forme un second recueil qui s’intitule « Rayons de lune pour funambule absent (1981-2010) » C’est surtout dans cette deuxième partie, à la fois moins dense et plus apaisée, que la poésie de Mokhtar El Amraoui s’épanouit pour ainsi dire poétiquement. Moins engagée, plus contemplative et jouissive, mais non dépourvue de lucidité et de sens critique, elle cède part de sa fièvre à ce que d’aucuns appellent sagesse et d’autres maturité. Résignation ? Non, sans doute pas, mais découvrant ses limites, le poète tend peut-être vers quelque forme de fatalisme. La lune du funambule absent éclaire désormais surtout l’amour. Erato y triomphe partout, même quand l’amour devient l’Amour ou, le plus souvent, emprunte des sinuosités sous-jacentes. Libérée de combats qu’elle ne peut gagner, la poésie de Mokhtar se livre davantage à son propre épanouissement, à sa poétique, à ses libertés surréalistes et au chant sempervirent de la vie, tout en se permettant quelques mordances et une continuelle partance.
« Je vole, en frémissant, » clame-t-il, page 210, « Les dernières gerbes du soleil. // Derrière la vitre trempée, / Ta main tremble, / En tenant le même verre vide. » Et, douze pages plus loin, « Sans valises, / Sans mémoire, / Il décide de la portée de son clavier / Et ouvre, seul, / Les veines de la ville / Et ses cieux. ». Et plus haut, plus loin encore, au-delà des mille et une nuits, Mokhtar se réjouit que « La rose, jaillie des sables à dos de parfums, / Egaye, sorcière, du sein de la belle captive, la pointe. Son amour au long cours a scellé le destin / De l’amant aux aguets / qui se verse l’incendiaire vin. » Vers somptueux à l’érotisme délicat, que n’eussent renié ni Khayam ni Ronsard !
Certes, aucun poète n’est toujours égal à lui-même et sur 222 poèmes de Hölderlin, Rilke, Apollinaire ou Darwich, il est difficile de trouver 222 chef-d’oeuvres. Peut-être qu’ici, pour les puristes, une sélection plus sévère se fût imposée et une centaine de ses sommets poétiques eussent suffi à assurer le renom de « notre » poète sans risquer de lasser le lecteur. Cependant, le lecteur, eh bien, parlons-en du lecteur, boulimique, curieux, enthousiaste et aventureux, poète lui-même pas sa lecture interactive, autant que l’auteur l’est par l’écriture, ce lecteur donc, refusera ce régime minceur. Et il a bien raison. Car les huit lustres qu’embrasse sa rhapsodie « Arpèges sur les ailes de mes ans » (3), où Mokhtar sous-entend à tout bout de champ (ou chant) ces vers de Neruda : « Je ne suis rien venu résoudre. / Je suis venu ici chanter. / Je suis venu / Afin que tu chantes avec moi. », ces quarante années donc, forment un tout.
Sans être nécessairement un chant général, « Arpèges sur les ailes de mes ans » est la musique d’une vie, et ses deux recueils forment un binôme magnifique : deux orogenèses somptueuses avec leurs sommets, cols, vallées, crêtes, torrents, chutes, forêts, rochers, dryades, naïades, nymphes, tempêtes et étoiles calcinées. Mais ce couple de chaînes enchaînées sans véritable discontinuité au seuil de la 9ème décade du 20ème siècle n’en font en réalité qu’une seule autour d’une fracture/soudure unique aux reflets protéiformes. Et ceux-ci de provoquer de nouvelles diffractions communes à quasiment tous les cheminements poétiques : jeunesse–maturité, protestation–critique, espoir–lassitude, impulsivité–sagesse, amour–mort, sérénité–passion et j’en passe et des meilleurs.
L’une des principales caractéristiques de la poésie de Mokhtar, est que l’interaction auteur–lecteur peut s’y développer et s’y épanouir librement. Ainsi que je l’esquissai plus haut et le formulai dans d’autres articles, l’authentique poésie est telle autant par son écriture que par sa lecture, qui peut même diverger de l’intention de l’auteur. En effet, le vrai poète est celui qui n’impose pas ses choix, n’écrit pas du tout cuit, ne fournit pas du prémâché. Il permet à son lecteur d’appréhender le texte à sa manière, à s’y retrouver, au moins en partie, lui-même, ce dernier pouvant même y introduire des éléments créatifs nouveaux, insoupçonnés : en fait ses propres sentiments et visions. La poésie est un dialogue entre poètes.
Qu’on me permette à présent de conclure en vous recommandant chaleureusement la lecture de ce double recueil d’une grande richesse linguistique – les créations de mots, phrases et tournures y pullulent – et d’une harmonie poétique presque toujours réussie. Mais, de grâce, amis lecteurs, n’essayez pas de le dévorer en quelques heures. Vous passeriez à côté des subtilités qui distinguent les grands crus. Et si de courts poèmes, comme croqués en quelques trait de sanguine, peuvent y être saisis d’un coup d’oeil, d’autres, plus complexes, permettent parfois – n’allons pas jusqu’à dire : exigent – plusieurs combinaisons, recombinaisons et lectures. Ailleurs se forment des micro–romans surréalistes. D’autres pages encore vous nouent la gorge, ne vous bouleversent pas nécessairement, non, mais vous émeuvent à coup sûr. N’hésitez donc pas à ouvrir cette fenêtre sur notre ailleurs profond qu’est « Arpèges sur les ailes de mes ans ». Et, ne craignez rien : non ĕ vietato sporgersi !
***
1) Mokhtar El Amraoui évoque aussi son défunt oncle maternel Belhassen Ben Chaabane, barde et poète, dont la générosité poétique se perdit trop souvent en oralité et en feuillets servant plus tard au fruitier ou à l’épicier. Nombre de ses poèmes ont toutefois échappé à ce dévoiement alimentaire grâce aux journaux de l’époque, à un livre de Mohamed Boudhina et au travail de Habib Ben F’dhila (Belhassen Ben Chaabane : Recueil de poèmes écrits entre 1930 et 1960 - Présentation et établissement de texte par Habib Ben F’dhila, 208 p. – 2001), info. CNCC@ Email.ati.tn
2) Les neuf muses sont, selon la mythologie grecque, les filles de Zeus et de Mnémosyne, déesse de la mémoire. Parmi elles Érato préside à la poésie lyrique, Calliope à l’éloquence, Melpomène à la tragédie, Thalie à la poésie bucolique.
3) Mokhtar El Amraoui : « Arpèges sur les ailes de mes ans » 288 pages, ISBN 978-9973-05-892-8, peut être commandé à Monsieur Noureddine Limam, Librairie Science et Culture, 24 avenue Taïeb Mehiri, Bizerte, 7000 Tunisie. Fax : +216.72431372.
Giulio-Enrico Pisani

jeudi 11 novembre 2010

سنان المسلمانيSinan Mossalamani - Qatar-

Musée d'art islamique Doha


على الخيط الأبيض و الأسود من الفجر

كنت أسير كلاعب سيرك عجوز




J'ai marché tel un vieux funambule
Sur le fil noir et blanc de l'aube