samedi 30 mai 2009

Voir Naples...



Université de Naples. Vue de son prestigieux Palazzo Du Mesnil. Photo Risotto al Caviale.


Un grand merci aux autorités académiques de l’Università degli Studi di Napoli L’Orientale, notamment au Professeur Agostino Cilardo.
Un grand merci à mes collègues et amis : l’éminent Professeur Mario Petrone, l’éminent Professeur Bartolomeo Pirone, Madame Maria Cerullo.
Mes remerciements vont également aux étudiants de mes collègues italiens.
Un grand merci au consul de Tunisie qui a tenu à être représenté par notre dynamique attaché culturel, Mr Mohamed Ben Youchaa.
Un grand merci pour leur accueil et leur exceptionnelle qualité d’écoute.
En les assurant de mon dévouement amical.

dimanche 24 mai 2009

Hergla de Lorand Gaspar


Le cimetière marin de Hergla

Hergla
Petit village blanc aux portes bleues sur un balcon de mer. Au bout des maisons, sous une mosquée équarrie dans la même blancheur, un cimetière descend de ces tombes de chaux, toutes semblables, escalier riant jusqu’à la mer. Là l’écume des vagues et celle de la mort se confondent. Pas un arbre, pas une ombre. Tout est clair, plus clair que jour, c’est la nuit, le néant passés à la chaux. Rien de ces méandres, de ces marbres aux inscriptions dorées, toutes ces coulisses qui nous cachent l’étendue, de nos cimetières. Ici l’inconnu est aveuglant. Comme si l’opacité battue par le soleil devenait aérée, lucide. Cette légèreté qui reste de nos secrets – ferments qui bougent au-dedans de la pesanteur, images brûlées dont la lumière est d’eau et de cailloux - , de ces paroles dans le vent quand s’use le contour d’une chose.
Lorand Gaspar : Feuilles d’observation. Editions Gallimard. P. 159

vendredi 22 mai 2009

Quelques villages 1 Hergla



Quelques villages 1
Hergla : La mer. Le cimetière marin. Ici, sur cette côte qui va de Hergla jusqu’à Mehdia en passant par Lamta on apprécie de mourir près de l’étendue bleue. On ajointe ainsi éternité et bleu, éternité et mer.
La mer a conservé sa teneur en silence, malgré le rythme des vagues et un moteur lointain. La place du village rappelle ses origines berbères. Ici on travaille l’alfa qu’on va chercher dans les lointaines steppes. On travaille la poterie. Quelques beaux restaurants.
Et une belle mosquée qui surplombe le village. Et partout des fleurs, des bougainvilliers surtout. Tout est fleuri. Lorsque le poète Lorand Gaspar visita ce village qui l’a beaucoup charmé, il n’était pas fleuri.
Ici le bleu est de rigueur.
Récapitulons : Hergla voisine avec l’étendue, le bleu, les fleurs et le sourire.

vendredi 15 mai 2009

José Ensch, Glossaire d'une oeuvre.






Le 8 mai 2009, Ian de Toffoli publie un article dans le d'Lëtzebuerger Land (Luxembourg) où il présente le dernier ouvrage de la grande poétesse José Ensch ainsi que l'essai que je lui ai consacré. Le titre reprend un mot que j'ai eu le plaisir de lui adresser.



« On ne peut parler du poème que poétiquement »


Les Façades, le dernier recueil, posthume de José Ensch, et José Ensch : Glossaire d’une œuvre. De l’amande… au vin de Jalel El Gharbi
Ian de Toffoli
José Ensch est morte il y a plus d’un an. Mais les hommages, les témoignages d’admiration, les gages d’amitié continuent à se multiplier. Un an après sa mort, la douleur reste inconsolable.En février ont paru Les Façades (éditions Estuaires), un recueil des derniers poèmes de José Ensch, écrits entre septembre 2007 et janvier 2008, et José Ensch : Glossaire d’une œuvre. De l’amande… au vin, un livre qui allie commentaires, interprétations et réflexions poétiques sur l’œuvre de la poétesse luxembourgeoise, écrit par Jalel El Gharbi, professeur à l’Université de Tunis, essayiste qui s’est déjà plus d’une fois intéressé à des textes luxembourgeois, et proche ami de José Ensch.
À la question de sa première rencontre avec la poétesse (c’est par hasard qu’il a lu un de ses poèmes ; il est interpellé ; il lui écrit une lettre, lui faisant part de sa lecture du poème) il répond : « Un jour, nous nous sommes rencontrés chez elle. Et c’est comme si nous nous étions toujours connus. Nous avons parlé de poésie. À un certain moment, le mot ‘silence’ est venu dans la discussion. Nous étions au bord du silence. Cette impression d‘avoir tout dit. Depuis, ce fut une amitié à toute épreuve. »
Son livre, son glossaire, son dictionnaire comme il dit dans l’avant-propos, se veut donc moins une grille de lecture qu’un carnet de notes, accompagnant le texte de la poétesse plus que ne l’expliquant. Bien sûr qu’il s’agit d’analyses et d’interprétations, mais dans cet ouvrage se décèle surtout quelque chose comme une connivence poétique. La méthode est la suivante : chaque entrée (par ordre alphabétique, de la lettre A à la lettre V) est un mot ou une expression tirée d’un texte de José Ensch. Ceux qui connaissent ses poèmes s’attendent à certains mots-clés : bleu, chant d’oiseau, la préposition de, la conjonction et, mer, mort, voici. Ils seront surpris par d’autres entrées : lucioles, palimpsestes, tour magne, vert-de-grisé, viride.
Il est intéressant de voir que l’auteur du glossaire s’est autant passionné pour les grands sujets que José Ensch a travaillés, repris, répétés tout au long de ses recueils (ne dit-on pas que les vrais grands auteurs sont ceux qui ressassent un même sujet dans tous leurs livres ?) que pour les mots et expressions plus rares ou frappantes, archaïsmes, mots composés, échos, résonances et renvois poétiques (à Hugo, à Rimbaud, à Supervielle) que le lecteur n’identifie pas toujours. D’autres entrées auraient pu être ajoutées à la liste : enfant, ciel, etc. On s’imagine aisément la difficulté du choix pris par l’auteur.
La grande force de ce glossaire est la mise en œuvre de l’idée qu’ « on ne peut parler du poème que poétiquement ». José Ensch : Glossaire d’une œuvre. De l’amande… au vin est, sans au­cun doute, un travail académique, un ouvrage de critique littéraire.
Jalel El Gharbi rend compte de l’œuvre de José Ensch en se servant de la rhétorique, en expliquant par exemple la prédilection de la poétesse pour les figures du zeugma (contigüité de choses distantes ou hétéroclites), de l’oxymore, de l’hypallage (la qualité d’un objet attribuée à un autre), de l’hendiadyn (figure difficile à décerner qui transforme par exemple un substantif et son épithète et deux substantifs coordonnées ; voir le premier vers de l’Enéide : « Je chante les armes et l’homme qui… »), et autres figures. L’auteur montre comment, chez José Ensch, le mot désigne souvent à la fois son référent et se désigne lui-même en tant que signe. « Dit autrement, écrit Jalel El Gharbi, la pomme – tout comme le pain – se donne à déguster jusque dans sa réalité phonique », et morphologique d’ailleurs, faudrait-il ajouter. Les notes en bas de page, les renvois aux textes et recueils de la poétesse luxembourgeoise ainsi que les renvois aux auteurs qu’elle admire ou cite, sont nombreuses.
Mais « si académique veut dire prosaïque, répond encore Jalel El Gharbi à la question de la langue et du ton très poétique de son glossaire, la recherche ne peut rendre compte du poétique. On ne peut parler du poème que poétiquement ». D’où cette langue très loin de toute austérité académique, parfois légèrement énigmatique elle aussi, comme si elle avait mue au contact avec la poésie de José Ensch, usant de figures elle aussi, comme par exemple l’antimétabole (une inversion de mots) dans cette phrase sur le caractère livresque du monde dans les textes de José Ensch : « Ce qui se trouve affirmé ainsi, c’est l’essence textuelle de la nature, l’essence naturelle de l’écriture. » Le résultat est un ouvrage qui allie poésie et académisme de façon tout à fait remarquable.
Mais n’oublions pas le dernier recueil, posthume, de José Ensch, Les Façades, paru en même temps que le glossaire. Le livre ouvre sur une description de la poétesse, assise dans un jardin, dans le soleil matinal. Lieu de prédilection. On pense aux oiseaux dans ses textes, aux nombreuses évocations du ciel. Et en effet, certains sujets, méditations, thèmes et motifs, reviennent dans ces ultimes poèmes, écrits durant les derniers cinq mois de la vie de la poétesse. Il y a la présence des instruments de musique, cette invitation à une poésie de plus en plus orale, souffle presque, air, mélodie.
Certaines hantises reviennent aussi : souvent les textes apostrophent un enfant inconnu. Plusieurs poèmes sont accompagnés de reproductions de pages manuscrites, petites pages arrachées à des agendas, remplies de ce petit gribouillis qu’est son écriture, avec les habituelles ratures, corrections, traits ou flèches censées lier ou inverser l’ordre des vers.
José Ensch a encouragé l’ouvrage de Jalel El Gharbi. C’est elle qui a proposé l’artiste Iva Mrázková, pour les illustrations du livre. Elle a pu lire certaines des entrées. Le glossaire aura finalement été achevé sans elle. Ainsi de ses derniers poèmes. Ces deux livres sont de très beaux hommages. Le vide que sa voix a laissé en se retirant se ressent tout à coup plus brutalement.
José Ensch, Les Façades, Éditions Estuaires, février 2009, 68 p., ISBN 978-2-9599704-9-8
Jalel El Gharbi, José Ensch : Glossaire d’une œuvre. De l’amande… au vin. Institut Grand-Ducal, Section des Arts et des Lettres, février 2009, 120 p., Conception et réalisation du livre : MediArt, ISBN 2-9599749-9-9

Pour commander le Glossaire :
http://www.mediart.lu/index.php?id=6

samedi 9 mai 2009

Réaction de Gaspard Hons


Nicolas Poussin : L'Inspiration du poète

Je reçois à l'instant la réaction de notre ami Gaspard Hons à mon billet et aux réactions de CP et de Giulio-Enrico Pisani. Merci Gaspard.

Voici quelques fragments “ramassés” dans le beau désordre par un esprit ne suivant aucune piste, un rien coq-à-l’âne. La matière est tellement dense pour “ esprit “ qui vagabonde.
Méditation sur la pensée en la pensant. Je me vois en train de penser. Suis-je déjà hors de moi, me suis-je sorti de moi-même? Je suis parfois le moteur, d’autrefois je suis lancé par le moteur. Le moteur propulse-t-il, suis l’objet propulsé. Le mouvement, la matière ? Comme pour le “vide”, le mouvement, la matière sont-ils habités? Cette question Juarroz la pose dans ses poèmes. Je voudrais toucher comme je touche la matière, le mouvement.
La réaction de CP, corps-mémoire, sa trace invisible ne va-t-elle pas en ce sens, il rejoint l’ami Jalel. Se passer d’alibi. Ne rien rejoindre, en rejoignant (en me rejoignant). Quelque chose fait signe, la pensée me fait signe, elle est déjà signe.

Le bonheur de la pensée, écrit encore Jalel l’ami lointain, pourtant si proche, je l”enferme dans ma cabane intérieure, qui déjà m’enferme. Je suis prétentieux, de là je parle au monde, tout en me parlant. Je parle en silence.
Giulo (j’ai marché longuement à Rome), j’y ai tracé un sillon avec ma charrue archaïque et imaginaire (comme les frères Rémus et Romulus) Ritte était là, je l’ignorais, je n’en avais pas conscience. Giulo a fait le rapprochement (j’en suis ému) ( il me reste quelques exemplaires de ma traversée labyrinthique de Rome - je donne à qui le désire avec plaisir)

Je trace sans arrêt le sillon qui est déjà devant moi. Je m’inscris actuellement dans la recherche de la rose du temps. Le temps, la rose, le sillon, la charrue bien-aimée, l’être.
Je déteste parler en JE, je préfère le TU. J’ai abusé du JE, je m’en excuse.
Que dire, merci et amitié.
Gaspard

mercredi 6 mai 2009

L'Esprit du boeuf de Gaspard Hons

Temple de Natamandir (Inde)

L’Esprit du bœuf est un petit recueil de moins de vingt pages publié par Gaspard Hons ; c’est une grande méditation sur la pensée. Cela tient de la pensée pronominale, je veux dire la pensée tout à la fois sujet et objet. Son propre objet. Tout est dans ce mouvement immobile qui permet à la pensée de se penser, de se voir en train de se penser. Or le propre de l’esprit étant d’être imprévisible, on le voit ici prendre d’autres formes, revêtir les traits de son allégorie : le mouvement.
Tous les aphorismes constituant ce recueil comportent un mot référant au mouvement, au cheminement :
« la pensée meut la roue de l’existence comme la roue d’un char invisible joint le fini à l’infini » dit le premier aphorisme.
Le mouvement en question est celui de la roue. La roue fascine le poète. Son mouvement ne la mène nulle part ; il ne « fait » que la roue. Elle ne tourne pas pour elle-même. La roue est transitive : elle est mouvement pour l’autre. Il y a de l’abnégation dans son faire :
« toute pensée est vaine où une roue ne tourne que pour elle-même et non pour faire tourner »
Plus loin, le poète reprend la définition que donne Malevitch de l’esprit : « mouvement de la matière ». Ce que Gaspar Hons apporte de plus, c’est que ce mouvement doit se passer d’alibi comme le suggère l’aphorisme final : « même s’il n’y a rien à franchir, jette un pont. »
Il y a autre chose que ce recueil ne dit pas : le plaisir de la pensée. Son bonheur. Le bonheur qu’il y a à retrouver çà et là un trait d’esprit de Khayyam, de Maître Eckhart ou de Lao-Tseu. Tout cela suggérant que la pensée est une et que le bonheur de la pensée, multipliée à l’infini, est un.

Ce recueil peut être obtenu auprès de la revue La Porte. Poésie, art et littérature.
Adresse : Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin, 02000 Laon