mardi 19 juin 2012

Cima da Conegliano.

Cima da Conegliano, maître de la Renaissance italienne au musée du Luxembourg (Paris) jusqu'au 15 juillet.
On admirera surtout cet Endymion représenté dans une atmosphère magique de temps suspendu. Séléné soeur d'Hélios et d'Eos, est ici représentée par le croissant de lune. Elle s'apprête à s'unir au mortel Endymion.
Assoupis sous l'effet soporifique du pavot, les animaux assisteront inconscients à cet évènement prodigieux. Tous dorment, le chien, le cerf, le lapin et même les cigognes, ces symboles de la vigilance.

16 commentaires:

Djawhar a dit…

"A thing of beauty is a joy for ever:
Its lovliness increases; it will never
Pass into nothingness; but still will keep
A bower quiet for us, and a sleep
Full of sweet dreams, and health, and quiet breathing."

John Keats, A Thing of Beauty (Endymion)

Halagu a dit…

On distingue derrière Endymion quelques capsules de pavot. On se demande si le sommeil calme du personnage, n'est pas dû aussi aux vertus de ses capsules.

Djawhar a dit…

Halagu,
C'est ce que notre ami Jalel n'a pas omis de souligner dans son commentaire au-dessous de l'image.

j'ajouterai que c'est bien dommage qu’Endymion ne se soit jamais réveillé pour contempler la beauté et l’amour de cette déesse qui fera de lui un immortel !

Djawhar a dit…

Halagu,
Je me rends compte que vous avez raison de souligner un probable effet saporifique du pavot sur Endymion car Jalel n'en fait pas, en fait,allusion. Il parlait à ce propos des animaux présents dans l'entourage du personnage.

Amitiés

Djawhar a dit…

Je reviens encore pour corriger "soporifique".
Merci à cette page qui ne ferme pas.

Evel a dit…

Écrit hier matin, ce premier texte sera modifié. Tel quel, que ce morceau de m e s mythologies rejoignent votre puzzle, cher Jalel, celui de vos amis. (Je trouve belle votre reproduction qui tire les couleurs vers les verts, les dorés.)


Il dort, et son visage, un peu,

est enlaidi par l’abandon au sommeil.
Entr’ouverte
sa bouche, j’imagine
qu’il respire une nuit
rêvée : l’air et tous les éléments qui s’y trouvent.

Les éléments. Car dans le rêve,
un lapin est-il encore un lapin ?
Une gazelle assoupie
garde-t-elle ses ailes ? Un escalier
ne peut-il être un blanc cours d’eau ?

Il dort ; et la végétation alentour
respire avec lui. La végétation croît,
comme croissent ses ongles, ses boucles
blondes, et peut-être la sagesse dans son corps
au repos.

La cape est rouge. La lune,
une barque pleine
d’un or dont on ne sait s’il vient du ciel ou s’il
se dégage de la coque, de la matière sans attente.
Les oiseaux, les fruits bleus, les fleurs et leurs vertus ne manquent pas.

Même endormi, le chien veille, protège.
Mais la protection ne vient pas de lui.
Les dorures, les ombres vertes et cobalt, le rouge
passent par le mince pinceau. Le regard du peintre
efface une frontière entre un intérieur et le dehors.

Le cercle, la verticale, une sorte
de clarté conjuguent un équilibre entre profusion,
sobriété. Moi aussi je respire. Et je crois
que c’est grâce aux couleurs. Mais la perspective est là.
Et sur le seuil de l’autre

mal nommé sommeil,
quel corps, quelle carnation pourraient refuser
la gratitude qui envahit de pouvoir respirer,
une dernière fois,
la perspective ?

giulio a dit…

@ Evel : Quel joli poème ! Mais moins dormant qu'il ne paraît. Si en effet cette somptueuse allégorie est toute de réceptivité - que n'acceptons-nous pas en rêve ? - tes vers n'attendent pas, mais volent vers les nuées. J'espère qui tu nous en offriras bientôt la version définitive.

@ Djawhar : et pourquoi en retenir la suite :

Therefore, on every morrow, are we wreathing
A flowery band to bind us to the earth,
Spite of despondence, of the inhuman dearth
Of noble natures, of the gloomy days,
Of all the unhealthy and o'er-darkn'd ways
Made for our searching: yes, in spite of all,
Some shape of beauty moves away the pall
From our dark spirits. Such the sun, the moon,
Trees old and young, sprouting a shady boon
For simple sheep; and such are daffodils
With the green world they live in; and clear rills
That for themselves a cooling covert make
'Gainst the hot season; the mid-forest brake,
Rich with a sprinkling of fair musk-rose blooms:
And such too is the grandeur of the dooms
We have imagined for the mighty dead;
An endless fountain of immortal drink,
Pouring unto us from the heaven's brink.

@ Halagu : avec sa synthèse du "Bel au bois dormant" et de "Blanc Neige", les deux avec leur "Princesse Charmante" Cima da Conegliano a pris les frères Grimm de vitesse.

Halagu a dit…

Pour la petite histoire, il existe une vidéo (lien ci-dessous) qui retrace une partie de la carrière de Cima da Conegliano. Le présentateur évoque le mont Endymion, une montagne que l'ont voit depuis la ville natale de Cima et qui semble, dit-il, fasciner l'artiste au point de la représenter assez souvent sur ses tableaux (On la voit en particulier sur ''le baptême du Christ''... et peut-être même, à mon avis, sur ''le sommeil d'Endymion'').
''Le Sommeil d’Endymion'', rare tableau profane de Cima qui était essentiellement un peintre religieux, serait-il une forme d'hommage à cette montagne? Ou est-ce une interprétation erronée de ma part ?
Sur la toile je n'ai pas trouvé la trace de cette montagne.

http://www.museeduluxembourg.fr/fr/web-tv/p_video_chargee-32/

giulio a dit…

Mais oui, Halagu, une haute montagne même. Regarde-bien! Elle est derrière Séléné, la lune, qui a tout l'air d'en ou de la descendre pour rejoindre Endymion.

Halagu a dit…

cher Giulio
La langue française ne pardonne pas les approximations. Je parlais de la ''toile'' et c'est à Internet que je pensais. Et comme on parlait d'un peintre... j'ai mis le désordre. scusa!

Jalel El Gharbi a dit…

Chers amis, je vais donc extrapoler mais à peine, pour dire que le portrait d'Endymion s'apparente à un autoportrait.

giulio a dit…

Alors il était modeste, cher Jalel. Quand je pense à l'autoportraitophilie de certains peintres comme Rembrandt...

Pas de problème, cher Halagu. Giulio a aussi une solution pour la toile internetique : soit tu fais des recherches sur "Monte Endimione", soit tu vas directement sur www.panoramio.com/photo/30226978

Halagu a dit…

Cher Jalel,
Vous faites bien d'extrapoler, je n'osais pas le faire... Je me disais que cet Endymion est bien loin des canons de la beauté athénienne. Il ressemble plus à un vénitien dans un décor ...presque vénitien. Ce n'est pas modeste, mais ce n'est pas grec non plus!
Merci Giulio pour le tuyau...euh, pour le renseignement.

Anonyme a dit…

Alexandra S.:
L'Endymion du peintre Girodet (Louvre) est efféminé. Il est nimbé de la lueur de la lune mais elle brille comme l'éclat du soleil. S'agit-il de la transformation du simple mortel en androgyne, cette condition lui permettant d'accéder à l'immortalité ? Le commentaire d'un traité arabe du Xème s par Thomas d'Aquin a influencé les peintres de la Renaissance, il s'agit de "l'Aurora Consurgens" (XVIème s) :
"Je suis Sol, je suis chaud et sec, et toi, Luna, tu es froide et humide. C'est ainsi que, lors de notre union, je te prendrai l'âme par mes caresses".

Jalel El Gharbi a dit…

Chers amis,
Voici un com de notre amie Evel.

Merci Giulio, pour votre réaction à « Il dort ». Je penserai à vous si version définitive.
En fait, mon texte n’est pas à relier o b l i g a t o i r e m e n t avec le tableau de Cima. Mais comme je l’ai « posté » lorsque j’ai vu la reproduction mise en ligne par Jalel, le rapprochement était inévitable.
Oui, il arrive parfois que le sommeil soit un éveil plus vif que certains états de veille.
Je n’ai pu me rendre sur les liens indiqués.
Bonne continuation.
Et pour faire suite au tableau et au poème proposés aujourd’hui par Jalel, ceci ; à lire ou relire ?


[« Ode martiale » Pessoa]


Elle vient du fond du monde
Elle vient de l’horizon confus et muet du monde,
Sourd susurrement obscur, murmure
D’une chevauchée qui dure, qui dure furieuse dans l’oreille,
Une innombrable chevauchée vient…


Ils viennent du fond du monde confus
Ils viennent de l’abîme de l’espace nocturne…
Précipités, noirs, rapides, soudain ils sourdent…
Tout à coup encore une fois ils tressaillent…
Ils frémissent dans le bruit qui laisse un sillage dans l’obscurité…
Innombrable chevauchée… Qui ?


Elle vient bousculée dans les pas confus,
Elle vient bousculée dans les bruits épars,
Elle vient acclamée dans les bruits muets,
Elle vient bousculée par les bruits confus,
Elle vient bousculée, elle vient bousculée, elle vient bousculée
Tout l’horizon à l’intérieur est plein d’un bruit absurde
Hélàhoho…
Hélàhoho…




*


Hélà hoho, hélàhoho !
Défilent devant moi les civilisations guerrières…
Dans une marche triomphale,
Dans une longue ligne pour ainsi dire peinte au dedans de mon âme,
Successivement, interminablement,
Cuirasses, lances, casques étincelants,
Boucliers tournés vers moi,
Visière abaissées, cottes de mailles,
Les assauts, les joutes, les combats, les embuscades,
Archers de Crécy et d’Azincourt !
[v e r s d e t r o i s m o t s i l l i s i b l e s]


Et tout est une poussière floue, un nuage de gens anonymes
Que le vent de la stratégie soulève [e t c]

Giulio a dit…

Merci Evel !