dimanche 26 juillet 2015

Poèmes saphiques de Daniel Aranjo, présentés par Salah Stétié 1


Sappho Œuvre de Jean Antoine Gros
Extraits d'un recueil saphique de D. Aranjo, illustré par J. Laval, est disponible chez l’éditeur Poiêtês, Mondercange, BP. 84, L-3901 Mondercange, Luxembourg ; 17 euros + 4 euros d'expédition

SEINS SAPHIQUES

RÉINVENTER SAPPHÔ, par Salah Stétié

Réécrire Sapphô est une idée folle que nous avons tous eue plus ou moins et qui  est restée dans nos esprits sous forme de points de suspension. Que faire d’autre face à  des fragments intenses d’une œuvre éclatée et disparue ? Au silence de la poétesse, c’est notre propre silence le respect dû, cependant exalté par la volonté d’écoute rendue à sa fonction originelle qui est de détecter le moindre bruit, le plus petit signe venu du bruissement de la parole ou, mieux encore, du murmure, du soupir presque indiscernable, du chant muet des lèvres qui se touchent.
 Daniel Aranjo a voulu briser le pacte. Le silence est d’or ? Peut-être, se dit-il, y a-t-il aussi de l’or dans le rêve qui reconstitue ce qui fut. Se saisir de l’ombre, traquer l’évasif pour lui donner un fantôme de corps, toucher à son tour la peau des lèvres et le ruissellement des épidermes, les brûlantes rosées de l’amour.
 Sensualité et précision, attachement à la nuance la plus subtile au sein même d’un trouble diaphane, tel est le secret de la si pure expression saphique. On retrouve ces mêmes qualités sous la plume recréatrice de Daniel Aranjo.

DE L’IMMORTALITÉ


[…] isthme […] fausses rivières […]
cette ville, demain, où passèrent des lions […]

abreuvée par une gracile source sous-marine
et une fontaine à becs aux Eaux-Douces d’Asie […]

et la seconde vie [que nous y est] notre amour,
sous la fine feuillée d’un vieux chêne d’argent

- entre le tiède caprice, double, de tes seins.


De l’immortalité


la jeune emphase de tes seins […]
large papillon monarque,
comme à Rhodes, sur une flaque
de quasi asiatiques nymphæas […]

l’humanité peut disparaître,
il ne la verra pas ; comme
il ne voit déjà pas cette boue de
fleurs, ni le nénuphar, qu’il est ;

et pourtant il se sait belle, comme toi,
puisqu’il fait la belle pour sa belle
de tout l’éclat de sa craie de couleurs
derrière une brume de prétextes puérils,

hélas comme nous toutes.


De l’immortalité


Rue étrangère et sacrée de notre première étreinte,
pays natal, et célébrante mort

(ah écarte, écartèle-toi encor, ô blanche,
autour de mes hanches sombres)

(non non, elle n’a point connu d’homme,
mais connaîtra déjà la femme) ;

puis, la nuit advenue,
t’y embrasser encor distraitement au coin de la bouche,

puis au cou,
tout en caressant distraitement ton sein fluide

par-dessus ta pâle chemise de lit
alors même que

Bételgeuse, Altaïr, la Chevelure copte de Bérénice,
tout le ciel du monde

est sur l’arc et le buste, tendu, de ta claire
              ah oui, et si sombre peau.

1 commentaire:

giulio a dit…

Splendide ! Laurent m'a dit qu'il allait voir s'il en a encore quelques exemplaires.