Illustration d'Iva Mrazkova.
Bleu :
Le bleu est sans conteste la couleur dominante dans la palette de José Ensch. Tout se passe comme si le monde en était repeint. Mais, à la réflexion, il s’agit moins d’une couleur que d’une qualité : le bleu est sa connotation. Il réfère à la pureté, qu’il s’agisse de celle du ciel ou de celle de la conscience : le bleu du ciel et la conscience bleue.
Un poème de L’Aiguille aveugle laisse entendre que le bleu est, bien plus qu’une qualité, une substance. Il est la matière dans toute sa consistance. Et il se fait objet plus épais que tous les brouillards :
…bleu si foncé
qu’aucun navire n’y pénètre vraiment
L’œuvre de José Ensch laisse entendre que le monde est tributaire du monde poétique.
Le bleu n’est pas seulement la Couleur ; il est le signe d’une affiliation à la lignée surréaliste mais là où les surréalistes se sont contentés de peinturlurer la terre et une orange en bleu, José Ensch, étend cette couleur sur les choses les moins vraisemblables tout en privilégiant ce qui dans la nature est bleu. José Ensch ne se contente pas d’un « globe bleu ». C’est ainsi que le bleu a l’herbier qui l’illustre : bleuet, lilas, campanule, « chardons bleus ».
Le bleu est aussi la couleur de l’enfance, comme le corroborent ces objets qui viennent de la jeunesse. José Ensch pourrait faire sienne cet aveu de Cadou :
Ma mémoire est pavée de ces belles faïences
Chez José Ensch, le bleu est surdéterminé par une valeur affective. C’est :
Le tablier à carreaux bleus
Issu d’une nuit ouvrière
Ou encore :
le petit vase bleu sous un lointain soleil
Avec le temps, le bleu de ce vase devient encore plus foncé :
Qui dira les images
comme des rideaux
Au creux d’un vase très bleu
Ailleurs, la poétesse évoque :
…un verre de Bohême
Un sucrier très bleu
Ce sucrier apparaît dans l’œuvre dans une première occurrence qui l’associe à la nuit
Ô le sucrier de la nuit
Certains bleus sont justifiés par la paronomase : baie, billes et surtout ces bleuets si fréquents et qui sont dotés du coefficient souvenir :
comme autrefois les bleuets au bord de l’enfance
ou encore, cette autre occurrence :
Tu es de blé levé, de gerbes montées
peuplées d’enfances vieillies
au pied des bleuets tels des baobabs
d’alouettes promises
au repos à jamais
La corrélation établie entre « bleuets » et « baobabs » trouve sa justification dans l’identité de leurs initiales. Ainsi donc, le bleu n’est ni la couleur du ciel, ni la celle de la campanule ni même celle du bleuet mais celle de l’harmonie sonore.
Ailleurs, l’adjectif « bleu » s’explique par l’euphonique [ b] ou [l] que comportent les noms qu’ils déterminent : « alphabet du bleu », « céréales bleues », « Cheval bleu », « licorne bleue » ou « l’abeille devenue bleue » , « ombre bleue », « langues bleues ».
On le voit ici, l’euphonie, c’est-à-dire l’effet poétique, rend possibles toutes les métamorphoses et autorise toutes les noces :
Or déjà le bleu épouse le violet
Ces mêmes épousailles se trouvaient déjà dans le premier recueil de la poétesse :
Bleu épousant le violet
C’est dire que le bleu est promis à toutes les mutations :
Avance ton sommeil et plonges-y
au plus profond du bleu qui deviendra
noir et puis blanc
Dans le même recueil, il est question d’alliance de couleurs :
Les brebis passent autour de l’abbaye
ses arcs tendus vers le bleu
la verdure qui l’épouse
Ou encore :
Or le bleu épouse le blanc à distance
La poétesse est sensible aux effets de la paronomase comme le souligne cette tendance à la rime senée qu’on remarque partout chez la poétesse :
Quand vient le vent vole la neige
Ou encore :
il faut fixer les forêts qui sombrent en filant vers le soir
Un poème d’Ailleurs… c’est certain laisse penser que le bleu est une qualité poétique :
Il respire et nous le respirons
Bleus comme la scansion d’une douleur
« Bleu » est à lire comme synonyme de « lyrique ». On comprend dès lors comment :
Le bleu fait office de mémoire
Autant dire qu’il s’agit d’une couleur inhérente au monde poétique. Peut-être même que c’est le monde qui emprunte cette couleur à la poésie.
Le bleu est sans conteste la couleur dominante dans la palette de José Ensch. Tout se passe comme si le monde en était repeint. Mais, à la réflexion, il s’agit moins d’une couleur que d’une qualité : le bleu est sa connotation. Il réfère à la pureté, qu’il s’agisse de celle du ciel ou de celle de la conscience : le bleu du ciel et la conscience bleue.
Un poème de L’Aiguille aveugle laisse entendre que le bleu est, bien plus qu’une qualité, une substance. Il est la matière dans toute sa consistance. Et il se fait objet plus épais que tous les brouillards :
…bleu si foncé
qu’aucun navire n’y pénètre vraiment
L’œuvre de José Ensch laisse entendre que le monde est tributaire du monde poétique.
Le bleu n’est pas seulement la Couleur ; il est le signe d’une affiliation à la lignée surréaliste mais là où les surréalistes se sont contentés de peinturlurer la terre et une orange en bleu, José Ensch, étend cette couleur sur les choses les moins vraisemblables tout en privilégiant ce qui dans la nature est bleu. José Ensch ne se contente pas d’un « globe bleu ». C’est ainsi que le bleu a l’herbier qui l’illustre : bleuet, lilas, campanule, « chardons bleus ».
Le bleu est aussi la couleur de l’enfance, comme le corroborent ces objets qui viennent de la jeunesse. José Ensch pourrait faire sienne cet aveu de Cadou :
Ma mémoire est pavée de ces belles faïences
Chez José Ensch, le bleu est surdéterminé par une valeur affective. C’est :
Le tablier à carreaux bleus
Issu d’une nuit ouvrière
Ou encore :
le petit vase bleu sous un lointain soleil
Avec le temps, le bleu de ce vase devient encore plus foncé :
Qui dira les images
comme des rideaux
Au creux d’un vase très bleu
Ailleurs, la poétesse évoque :
…un verre de Bohême
Un sucrier très bleu
Ce sucrier apparaît dans l’œuvre dans une première occurrence qui l’associe à la nuit
Ô le sucrier de la nuit
Certains bleus sont justifiés par la paronomase : baie, billes et surtout ces bleuets si fréquents et qui sont dotés du coefficient souvenir :
comme autrefois les bleuets au bord de l’enfance
ou encore, cette autre occurrence :
Tu es de blé levé, de gerbes montées
peuplées d’enfances vieillies
au pied des bleuets tels des baobabs
d’alouettes promises
au repos à jamais
La corrélation établie entre « bleuets » et « baobabs » trouve sa justification dans l’identité de leurs initiales. Ainsi donc, le bleu n’est ni la couleur du ciel, ni la celle de la campanule ni même celle du bleuet mais celle de l’harmonie sonore.
Ailleurs, l’adjectif « bleu » s’explique par l’euphonique [ b] ou [l] que comportent les noms qu’ils déterminent : « alphabet du bleu », « céréales bleues », « Cheval bleu », « licorne bleue » ou « l’abeille devenue bleue » , « ombre bleue », « langues bleues ».
On le voit ici, l’euphonie, c’est-à-dire l’effet poétique, rend possibles toutes les métamorphoses et autorise toutes les noces :
Or déjà le bleu épouse le violet
Ces mêmes épousailles se trouvaient déjà dans le premier recueil de la poétesse :
Bleu épousant le violet
C’est dire que le bleu est promis à toutes les mutations :
Avance ton sommeil et plonges-y
au plus profond du bleu qui deviendra
noir et puis blanc
Dans le même recueil, il est question d’alliance de couleurs :
Les brebis passent autour de l’abbaye
ses arcs tendus vers le bleu
la verdure qui l’épouse
Ou encore :
Or le bleu épouse le blanc à distance
La poétesse est sensible aux effets de la paronomase comme le souligne cette tendance à la rime senée qu’on remarque partout chez la poétesse :
Quand vient le vent vole la neige
Ou encore :
il faut fixer les forêts qui sombrent en filant vers le soir
Un poème d’Ailleurs… c’est certain laisse penser que le bleu est une qualité poétique :
Il respire et nous le respirons
Bleus comme la scansion d’une douleur
« Bleu » est à lire comme synonyme de « lyrique ». On comprend dès lors comment :
Le bleu fait office de mémoire
Autant dire qu’il s’agit d’une couleur inhérente au monde poétique. Peut-être même que c’est le monde qui emprunte cette couleur à la poésie.
34 commentaires:
Cher Jalel, quel immense plaisir de vous retrouver dans notre jardin, comme l'écrit Quirin. Nul besoin de vous demander des nouvelles de votre voyage. L'amitié, l'écoute et l'accueil y ont été...bleus.
Cette page où se mêlent votre méditation et celle de José Ensch est vraiment très belle. Il donne un goût du livre que j'ai commandé.
On sent dans vos entrelacs, les vibrations cristallines de cette couleur, le sens profond de l'éternité. L'espace de la mort s'ouvre...Eros ou Thanatos... Contemplation du temps... Tout est écrit même l'impossible...
Bonjour
Entre le bleu à luxembourg et le bleu à Tunis un ton/temps..marhba bik à tunis
" le bleu du ciel et la conscience bleue."
Heureuse de vous retrouver ainsi "bleuit" , cher Jalel .
Quel beau texte !
J'espére que votre voyage s'est bien passé ?
Pensées bleues vers vous ...
Amitiés
Helena ...
@ Christiane : Merci chère amie.
@ ART.ticuler : Heureux de vous retrouver.
@ Helenablue : Merci. Ce voyage fut l'occasion de revoir mes amis du Luxembourg, des ami(e)s de France et d'une longue pensée émue pour José.
Amicalement
N’y a-t-il pas un gouffre, Jalel, entre les «bleu oeillères», «bleu fuite», «bleu rêve» et «bleu mensonge» trop communs en poésie ou le bleu ne représente souvent que le déni du réel» et l’exquise matérialité des «bleu» de la poésie de José?
Exemple : ces vers d’Élisa Huttin que tu citais dans «Une autre histoire de bleu» : «Bleu dur, bleu tendre. / L’air est bleu à t’attendre, le monde est bleu à t’attendre. / Mais as-tu bien entendu ? // Rêve bleu, fleur bleue, / Rire jaune pourquoi pas bleu? / Je voudrais tant une rose bleue. / La vie en rose et en bleu / Tendre de préférence…
faisant en quelque sorte écho au propre aveu d’Elisa citée par Laurent Fels dans son essai sur son oeuvre poétique : «Je suis mal à l’aise avec le parler brut, les descriptions trop réalistes; je passe par des chemins détournés, des rêves aux contours ouatés, des paysages à contre-jour, des mots fleuris et parfumés, des rivières, des rives aux herbes douces, une couleur bleu qui m’apaise...».
Eh oui, c’est que le bleu est infini et le rêve, cet autre opium..., n’a pas de limites.
Il en va tout autrement pour José. Ici, pas besoin d’illustrer pour nos amis ; tu le fais magistralement.
@ Quirin : oui, ce gouffre est bien réel et il me semble qu'il résulte de ce que le bleu chez José Ensch est surdéterminé par sa dimension autobiographique : il rappelle des objets de l'enfance, du réel cela même que la vie, la poésie transcendent.
Oui, il y a un traitement du bleu propre à José Ensch.
Amicalement
bienvenue sous le ciel bleu de Tunis.
@ Olfa : Merci. Le bleu du ciel chez nous est incomparable, surtout en hiver. En été, il a la force du réel mais en hiver il porte le doute, l'invraisemblable du rêve.
Bien à vous
Bleu du rêve, bleu du souvenir, bleu de l'espoir, bleu du poème à venir : c'est probablement cette couleur de l'improbable, des sensations ouatées, de la mémoire indécise qui habite notre ''arrière-pays'', celui de l'enfance. Tes impressions autour du bleu de Ensch me rappellent celles de Proust à propos de la couleur parme...Merci pour cette invitation bleue.
Cela fait du bien de revenir sur ce blog, je vois que j'ai pris quelque retard dans la lecture des billets publiés depuis deux semaines environ, je m'en frotte mes main d'impatience et de curiosité.
Quant à ce billet, c'est un beau tableau (bleu).
@Ma Frangine : oui, chez Ensch, chez Proust la couleur est un pays.
Je crois avoir choisi la plus proustienne des 40 illustrations d'Iva Mrazkova pour ce billet.
@ Merqur : Félicitations Mériem pour votre site.
www.meriemtellache.com
Bien à vous
DU BLEU DES BLEUS
Toutes les couleurs
Sont inhérentes
Au spectre poétique
Où la transparence
Met en relief
Les bleus de l'âme
Ou le bleu des yeux
Quand le bleu du ciel
N'est plus une bataille
Où les bleuets périssent
Faute de bleu de travail
Pour éponger le bleu de méthylène
@ Gmc : J'attendais votre traduction du bleu, cher ami. Merci
Je vous dois, cher Jalel, d'avoir renoncé aux pseudonymes et autres subterfuges d'effacement qui ne sont que futilités.
@ Meriem : Merci chère Meriem
Quel magnifique hommage et l'illustration est une plume d'oiseau qui encadre la mélancolie.
Parler en bleu c'est se parer de miraculeux. Toucher le bleu c'est fondre les nuages, le bleu sombre est un cœur serré dans l'icône des ombres. Il est apaisant quand il se lève, il est protection quand il se couche. Il souffre quand on le couvre. Merci Jalel je vous envoie un ciel de sourires.
@ Sylvaine : Merci infiniment chère Sylvaine pour ces "bleuités"
Cher ami,
Votre glossaire sur l’œuvre de José Ensch est d’une éclatante maestria pour nous conduire d’un bleu désir à un bleu bonheur. Le brio de vos réflexions si claires épouse chaque mot pour lui rendre cette couleur bleue qui la force à des changements naturels.
Grâce à la pureté de vos mots, qui n’expliquent pas mais qui éclairent, liée aux illustrations vibrantes d’Iva, jamais bleu a été si lumineux.
Vos prénoms sont à jamais liés à celui de José.
J’ai hâte de vous lire tout entier dans ce beau livre
d’un bout à l’autre
… de l’amande … au vin
et m’éclairer de ce bleu lyrique
qui parfois me manque
souvent me quitte
pour devenir noir et s’appeler « saudade ».
@ Edouardo : Oui, il y a du noir dans le bleu, de la saudade. (une des étymologies de ce mot le fait remonter à l'arabe "assouad" (noir) ou mieux encore (souayda) cette goutte de sang noir qui est le coeur du coeur.
J'espère que bientôt nous nous rencontrerons dans le même café que la dernière fois et que nous dissiperons nos saudades avec force Porto, puis nous marcherons et finirons par rencontrer une de ces passantes qui aident à oublier.
Merci mon cher ami.
(Edouardo Galhos vient de publier L'Homme Assis dont je rends compte sur mon blog)
Pour vous Jalel, avant que vous fermiez la porte de ce bleu et je sens que ce moment est proche...
Le bleu, c'est l'obscurité qui creuse la transparence et la tire vers le noir absolu. (Voir est tellement subjectif...). Le bleu est l'obscurcissement de la lumière, une paupière baissée sur une brûlure, l'innocence le fait pâlir, la passion l'entraîne vers un sang noir, une coulée d'ombre une chute. Le bleu conduit à l'invisible, à l'ultime, il suffit d'ouvrir la porte...
Je viens à la découverte, j'ai suivi les cailloux bleutés semés ça et là par des amies de la blogosphère.
Il fait gris chez moi, ce morceau de ciel bleu est un cadeau.
@Christiane : Peut-être que vous insinuez que le bleu est la couleur de la transcendance, ce à quoi je souscris.
Amicalement
@Lidia : Merci infiniment. Moi aussi je viens de faire une découverte à laquelle j'invite tous nos ami(e)s :
http://duli2.canalblog.com/
José Ensch - Dans les cages du vent
V - Le temps déchiré -
" Quand tu dors derrière mes yeux
enfant de tous mes soleils....
Quand tu dors
j'écris dans le vent
je peins sur le ciel
les anémones de la mer
pour te faire respirer
Par les cimes du sommeil
où ton ciel passe
viennent les morts à petits pieds
à petits pas...
sur leurs joues
juste un peu d'eau
que détourne le vent
Ce fut l'été où la vie se présenta
un fruit aux feux timides
l'automne suspendu, la guirlande des regards
Abeilles, ô mort ! Et ces femmes vêtues de noir et noirs leurs yeux qu'aucun sommeil n'étire...
Alors le temps filait dans les grains de nuit
les champs de blé marin
et le ciel se taisait
Alors le temps filait sur les tempes au velours de faïence, ô l'enfance au lait bleu et les sorts
jetés sur l'eau...
Ce n'était qu'un vague avenir, une étoile sur la page presque tournée
La mer sur le ciel, la main tendue au silence, le voile à poser sur un visage aimé "
C'est elle qui le dit....
@ Christiane : "l'enfance au lait bleu" : le bleu est chez José Ensch la couleur de ce qui n'est plus, de ce qui n'a jamais eu lieu (un enfant), de ce qui se dérobe aux sens, du divin et de ce qui est là, immédiatement présent dans l'évidence de son être là.
Merci pour ces vers si beaux !
Merci, Jalel. Elle vous garde comme passerelle...pour nous...
"[...] ô mort ! Et ces femmes vêtues de noir et noirs leurs yeux qu'aucun sommeil n'étire..."
J'aime beaucoup ce passage, je le trouve délicieusement sonore (ce qui est en italique surtout).
Jalel, jalel ! J'ai reçu le livre. ô qu'il est beau ! qu'il est beau !!!!
Les aquarelles d'Iva Mràzkovà sont d'une immense beauté et votre travail sur la langue de José est magnifique. C'est très beau le croisement de vos deux écritures. J'ai tendu le livre à bout de bras pour qu'elle le voit de là-haut ! Mais elle a ri : elle savait, tout ! jusqu'au beau lissé du papier, jusqu'à vos ratures quand vous grippiez sur la page 65, celle de la mort...
Vous dites:"les morts évoqués par José Ensch sont aussi insomniaques que ceux de Jules Supervielle..." Alors de son insomnie bleue elle tourne les pages de ce livre magique et pense que son écriture est devenue transparente pour vous. A elle, le dernier mot :
"elle fut la soif et la source
....
il est l'ombre
et la cime...."
"elle fut la soif et la source
....
il est l'ombre
et la cime...."
Oh ! Très beau...
Je ne suis pas sensible à l'ensemble de ce que j'ai lu de cet auteur (notamment sur un autre site dont j'ai oublié l'adresse) mais je crois que s'il y a par ci par là des passages tels que celui que vous citez, Christiane, ainsi que celui tiré du poème que vous nous avez fait partager ; et bien de tels ingrédients trouveront plus que sûrement une place dans ma bibliothèque.
Chère Mériem,et autres amis de ce blog,
bonsoir.
Je suis plongée dans la traversée de ce livre absolument étonnant. Bien sûr, il est une belle entrée dans la poésie de José Ensch, mais c'est surtout "un carnet de voyage", donnant et retenant devant "l'illisible" de l'oeuvre, ce qui est mystère noué dans l'amande du secret.
Parfois les entrées sont attendues. Elles portent des noms qui nous sont porteurs de nos rêveries : abeille - bleu - chevelure- lucioles... mais il se passe autre chose dans ses grands fonds, car c'est la langue qui est interrogée. Pourquoi "il y a" devient "ce par quoi l'invisible devient visible"
"Il y a du sable
Il y a du blé qui grésille
Il y a la mort sous les paupières"
(dans les cages du vent). Pourquoi le pronom "il" devient "porteur de son propre silence" et "voici" comme une "clé" qui ouvre ou ferme la parole du poète....
Et puis j'aime les strates, les renvois à des oeuvres. On sent le sang de la langue vivante qui voyage et traverse Baudelaire, Verlaine, Hugo, Supervielle, Aragon...
C'est un sacré voyage ce livre, la traversé de deux vies d'écriture celle de José, devenue... abeille... celle de Jalel, voyageur de la langue, entre ciel et terre entre orient et occident.
Pour vous, chers amis, je termine ce fragment de lecture par un poème de josé Ensch, le livre en est gonflé comme fruit de son suc :
"Quelqu'un marche les yeux fermés
Il porte la nuit
et le silence en lui
est une forêt
L'ombre seule le garde
car l'air l'a fait roi
et son aile luit
où le vertige le touche
Quelqu'un marche les yeux fermés
L'aurore le porte
et cette noire blondeur
des choses sur leur fin."
Chère Christiane, merci. Je suis plus que décidée à me procurer ce bijou.
N'y manquez pas, Meriem!
les significations dévoilées par Jalel dans le «thésaurus» enschien, sont souvent plus proches de la réalité vécue – en tout cas par José – que celles des dictionnaires. Prenez donc le mot «Lent»!
Son sens le plus courant selon Littré est «Qui manque de promptitude, d'activité, qui tarde...».
Jalel, lui nous libère de la froide abstraction, pour nous faire vivre ce que vécut José, l’espace «qui se rapproche le plus du figement pictural»:
«Il y eut des mots, des lumières et des plantes si lentes / qu’elles auraient pu peupler un nid peint...». Dans «La paume de sa main a des veines lentes / tels de bateaux sur les eaux des chemins de halage».
Jalel voit la poétesse associer la lenteur au flux sanguin et au rythme des haleurs. Mais peuvent aussi être lents les lauriers, ce lamento, ces angles, cette lumière que nulle autre ombre n’efface, les gestes de la forêt qui est entrée dans la chambre de l’aïeul sur de grandes voix d’océan sans déranger les feuilles pour entrer, ainsi de suite…
C’est que la lenteur enschienne est bien plus sentie, explicite, matérielle, charnelle même qu’un quelconque "qui tarde" ou "qui manque d’activité ou de promptitude".
et merci de m'avoir donné l'idée "renoncer aux pseudonymes et autres subterfuges d'effacement qui ne sont que futilités".
Giulio (ex Quirin)
@Christiane : Merci chère amie pour cette lecture aussi attentive que généreuse.
@ Mériem : Il y a des poèmes de José qui sont dignes des plus grandes anthologies. Je ne suis pas sûr que ceux qui sont repris sur le Net soient les meilleurs
Bien à vous.
@ Giulio (ex Quirin) : "Tel qu'en lui même Mériem le changea.
Mais j'avoue que ce pseudo de Quirin me plaisait. Je ne peux pas me rendre au Luxembourg sans faire un détour par Saint Quirin (une des première églises troglodytes de la région), superbement belle sans être imposante.
Amicalement
Je l'ai. Je l'ai reçu, "De l'amande ... au vin", un magnifique livre voué à un lumineux poète et merveilleusement illustré.
Je n'ai pas encore commencé à le lire. Je le feuillette. Je l'ouvre et à chaque fois je suis bouleversé par une rare sensation qui me prend comme si je rentrais dans une cathédrale. Non pas pour prier, mais pour entendre mes pas sur les dalles qui résonnent dans un silence charmé de bleu et être capable de ressentir ce goût d'amande douce de mon enfance, le vin profond de mon adolescence, comme si c'était possible, trouver l'introuvable, me "retrouver", quitte à me perdre dans brouillard de mes pensées.
Merci, mon ami, pour toutes ces belles sensations d'un voyage sans cesse recommencé et à jamais achevé.
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