jeudi 27 août 2009

Le Ramadan en Tunisie


Une des merveilles architecturales de la médina. La mosquée du dôme où, enfant, Ibn Khaldoun fit ses études. (rue Torbat El Bey)

Le Ramadan en Tunisie
Il y a deux ans, j’ai écrit ce texte pour le site www.babelmed.net qui en détient les droits. Pour l'essentiel, rien n'a changé. Pour ce qui est des feuilletons, je ne suis pas très au fait de ce que propose la TV cette année.

Ramadan est l’occasion de penser ce qu’est ce mois pour des millions de personnes. Ce n’est pas seulement le mois de la piété ou des bombances. Un des cinq piliers de l’islam, (avec la profession de foi, la prière, l’aumône, le pèlerinage pour qui en est capable) le jeûne est observé par la majorité des fidèles. Certaines estimations avancent le pourcentage de 60 à 70 % de pratiquants. Mais ce qui importe, c’est que le Ramadan dicte son rythme à tous, y compris aux non pratiquants. Bourguiba, qui voulut édicter une fatwa permettant la non observance du ramadan, échoua et, à Tunis, le Ramadhan est une institution fortement ancrée dans les mœurs et dans la culture du pays.
On dit vernaculairement Sidi Ramadhan. On dit Sidi comme pour un saint. Il est vrai que le Ramadhan est le mois saint de l’islam. C’est le mois de la révélation coranique et il comprend surtout la Nuit du Destin, vraisemblablement la nuit du 27 celle où tous les vœux adressés à Dieu peuvent être exaucés. Voici comment il est évoqué dans la sourate 97 Le destin dans ses versets 1, 2 et 3 : Nous l’avons révélé pendant la nuit du Destin 2. Et qui te dira assez ce qu’est la nuit du Destin. La nuit du Destin est meilleure que mille mois. Ce mois est l’occasion d’une grande piété qui, malgré toutes les incitations au travail, ne semble pas s’accommoder avec le rythme du travail dont les horaires sont aujourd’hui écourtés pour permettre aux ménages de préparer la table de la rupture du jeûne. Et les femmes y passent de longues heures. Tout le rythme de la vie s’en trouve changé. Le comportement des Tunisiens se transforme de manière radicale. Le moment clé de la journée est sans doute sa fin. C’est autour de la table, après l’appel à la prière du Maghreb (Coucher de soleil), la famille se retrouve autour de la même table. A l’indolence de la journée succède la ferveur, religieuse pour les uns, culinaire pour tous, ferveur dont le signe le plus évident est la manière avec laquelle les gens se saluent : Chahya Tayba ( Bon appétit) avant la rupture du jeûne et Saha Chribtek (approximativement : A votre santé ). On comprend qu’après une abstinence qui va du crépuscule au crépuscule l’on soit saisi de fringale.
Qu’y a-t-il sur cette table ramadanesque qui puisse être interprété comme signe culturel ? Ou mieux encore : quels sont les éléments communs aux mets du Ramadhan. Reconstituons ensemble les succulences de cette table, on ne manquera pas d’y mettre du lait et des dattes (pour perpétuer la tradition prophétique), du pain de campagne Tabouna (celui qu’on mange depuis 3000 ans en Tunisie et au Maghreb mais qu’on ne mange guère les autres jours), la chorba (soupe). La meilleure, c’est la plus ancienne, c’est-à-dire la chorba d’orge (qui n’est pas sans rappeler la fameuse Harira marocaine), les briks ; les tajines, les olives. Pour la soirée : des crèmes, du sorgho. Et pour le Shour (collation qu’on prend avant l’aube), du couscous au lait et aux dattes, ou du riz.
La table du mois de Ramadhan, réunit pratiquants et non pratiquants autour de ses motifs de la nostalgie. Le Ramadan rappelle le passé, comme dans le verset coranique prescrivant le jeûne pour tout musulman : « O vous croyants ! Le jeûne vous a été prescrit comme il le fut pour ceux d’avant vous. Puissiez-vous être pieux ! » (La Génisse 183).Bien plus que le mois de la commémoration, le Ramadhan est celui de l’identité culturelle. C’est sur l’écran de la TV qu’on guette impatiemment l’appel à la prière, annonçant pour tous la rupture du jeûne. La TV commence par diffuser des émissions religieuses, puis des versets du Coran puis l’appel à la prière, relayé en ville par un coup de canon. Juste après la rupture du jeûne, ce sont des chansons ou des chants religieux, puis une cascade de publicités tournant presque toutes sur des produits alimentaires. Le ramadan est l’affaire de la chaîne officielle (TV 7 dont l’audience bat tous les records au mois du Ramadhan). Même les familles qui ne regardent jamais cette chaîne rompent leur boycottage pendant le mois du Ramadan. Après un flot de publicités (yaourts, soupe, boissons gazeuses, chocolats, beurre, margarine, crèmes, levure, légumes en conserves) qui constituent une véritable incitation à la débauche alimentaire, c’est l’heure des feuilletons. TV 7 se prépare pour le Ramadhan qui semble réconcilier les Tunisiens avec la chaîne pour laquelle ils payent une redevance : longtemps à l’avance, on prépare les spots publicitaires et deux feuilletons de 15 épisodes chacun en plus d’un sitcom de 30 épisodes. Le héros est très populaire Sbou’i incarne le rôle d’un débile de bon cœur et très sympathique. Pendant le mois du ramadhan, les Tunisiens ne regardent quasiment plus les chaînes orientales : MBC, Rotana films ni les chaînes occidentales (françaises).
Les soirées télévisées sont le lot des milieux défavorisés. Ce sont surtout les femmes qui suivent ces feuilletons où il est question de mariage, de divorce et autres soucis. Les hommes préfèrent hanter les cafés où ils sont de plus en plus nombreux à s’adonner au jeu malgré l’interdiction religieuse et pénale du jeu avec mise et où l’on fume surtout le narguilé, cet attribut d’une noblesse aujourd’hui perdue. On a l’air d’un pacha avec le gargouillement de son narguilé. Les pratiquants vont dans les mosquées où ils prient. Dans les grandes villes, surtout à Tunis, le Ramadhan est le mois de la culture. Les soirées animées par le festival de la médina se déroulent essentiellement dans l’enceinte de la médina (autre signe de la nostalgie) et offrent des spectacles tout aussi nostalgiques : cela va des conteurs qu’on ne voit que pendant le mois saint jusqu’à la musique soufi. Pratiquants ou non, le Tunisien se découvre pendant le mois de Ramadhan une vocation soufie des plus profondes.
A la maison de la culture Bir Lahjar, entre la prestigieuse mosquée Zeitouna et le saint patron de la cité Sidi Mehrez, sidi Ramadhan prend une allure hautement culturelle. La médina s’anime. Tout se passe comme si le Tunisien trouvait une trêve à l’étouffante agressivité de la ville. Ramadhan Karim (généreux) dit-on au Moyen-Orient. Ce mois est magnanime qui prend les allures d’une fête. On y retrouve malgré tous les prêches prônant la modération, cette exubérance, ce gaspillage sans quoi la fête n’existe pas et on y trouve aussi une certaine tolérance sociale : même dans les milieux les moins émancipés, la femme peut sortir jusqu’à une heure tardive et, dernière illustration de ce côté festif du Ramadhan, c’est qu’on y oublie toutes les contraintes, de toutes sortes. C’est sans doute pourquoi, pratiquants ou non, les Tunisiens tiennent au Ramadhan, malgré la publicité à la télévision.
Jalel El Gharbi(18/10/2007)
 

7 commentaires:

dare dare a dit…

vous n allez pas passer sous silense les travaux inachever de la medina.ou sont passer les paves. de la medina .qu on est ce que vous croyer que les travaux vont reprendrent
sur facebook (il faut sauver la medina)groupe mobiliser pour l achevement des travaux.
entre temps le festival de la medina est reussi sauf que les ruelles avoisinantes sont dans 1 etat .....
c est 1 pratique courante desastreuse
il miroitent 1 projet
ils se debrouillent 1 investisement
il entament le projet
encaissent l argent en totalite
et laissent des travaux en ruine

Jalel El Gharbi a dit…

@ Dare-dare : je n'ai rien passé sous silence. La restauration de la médina n'était pas l'objet de cet article. Mais comme c'est une question qui me tient à coeur, j'écrirai volontiers là-dessus si vous acceptez de me fournir des données précises. Ecrivez-moi, moi aussi c'est un sujet qui me tient à coeur.
Bien à vous

dare dare a dit…

si jalal
je vous répond,pour que l association de la sauvegarde de la medina puisse intervenir et pourquoi pas les autorités
au depart c étais pour reprendre les canalisations onas.et le branchement du gaz de ville..et meme les fils du telephone.par tunisie telecom c est ce qui m a ete dit par le metreur.l espoir les fait vivre.
rue sidi ben arous, rue du pacha, place kheredine ect
les travaux ont ete achever sauf que les zars qui font le charme des ruelles ont disparue,peut etre que dans le but de les proteger,nous l espérons.les remblais barrent le passage,et les travaux sont arrêter.
si issam du centre culturel bir lahjar a constituer 1 groupe(sauvez la medina)
c est 1 occasion de militer sur facebook.le journal le temps etais a l avant garde de 1a critique constructive.qu il reprenne sont elan.

Jalel El Gharbi a dit…

Je vous remercie pour votre engagement. (je tenais juste à vous dire que mon article a été écrit en 2007 et qu'il n'y avait pas ce problème si je me souviens bien). Je peux vous dire au nom de Babelmed que le sort de la médina de Tunis, sa sauvegarde est d'une importance capitale non seulement pour la Tunisie mais pour la culture méditerranéenne. Comme je vous l'ai dit, si je dispose d'éléments concrets, de preuves (photos....) j'écrirai pour dénoncer les travers. Je sais que nous sommes lus par les autorités.
Voici mon adresse : jalel.elgharbi arobase gmail.com
Amicalement

Meriem a dit…

Changer quelques menus détails : quelques noms propres, deux ou trois noms communs (nom d'un plat par exemple ou "cigarette" à la place de "narguilé") et le titre pourrait être "Le Ramadan en Algérie".
Les similitudes sont innombrables.

La lecture de ce texte m'a donné l'impression de lire du Amin Maalouf.

Jalel El Gharbi a dit…

Meriem : Le Maghreb est culturellement une réalité. Espérons que le reste suivra.
Merci

Meriem a dit…

Oui, espérons. Des choses qu'on espère c'est une tout à fait réalisable... et qui sera réalisée bientôt, je pense.