lundi 28 décembre 2009

Du plaisir أقسام اللذة

Jérôme Bosch : Le Jardin des délices (Fragment).
Dans ce passage de La Jambe sur la jambe de Ahmed Faris Chidyaq, le personnage parle avec sa compagne du plaisir. Dans cette traduction, j’ai surtout essayé de suggérer combien l’image est importante chez ce grand écrivain dont toute l’œuvre peut être lue comme une profonde réflexion sur l’image, sa représentation et sur le beau.
- Combien de sortes de plaisir y a-t-il ? ai-je demandé
- Cinq, dit-elle. La première est de se le figurer avant sa réalisation ; la deuxième est de l’évoquer avant. La troisième est sa réalisation avec les deux premières sortes. La quatrième est de se l’imaginer après ; la cinquième est de l’évoquer ensuite. Quant à savoir lequel est plus fort de se l’imaginer avant ou après, c’est très controversé. Pour certains, se l’imaginer auparavant est plus fort car l’acte ne s’étant pas réalisé, l’esprit est plus délié, plus profond et ne connaît donc pas de limites. D’autres prétendent que la réalisation du plaisir confère à l’esprit une représentation définie, une image précise sur laquelle il peut s’appuyer pour mesurer ce que peuvent lui offrir recommencement et reprise.
(extrait de La Jambe sur la jambe de Ahmed Faris Chidyaq.)

قلت إلى كم قسم تقسم اللذة. قالت إلى خمسة أقسام. الأول تصورها قبل الوقوع. الثاني ذكرها قبله. الثالث حصولها فعلا بالركنين المذكورين. الرابع تصورها بعد الوقوع. الخامس ذكرها بعده. و كون لذة التصور قبل الوقوع أقوى أو بعده أقوال, فذهب بعض إلى أن الأول أقوى, لأن الفعل لما كان غير حاصل كان الفكر فيه أجول و أمعن فلا يقف على حد. و زعم آخرون أن الحصول يهيئ للفكر هيئة معلومة و صورة معينة يعتمد عليها في قياس ما يترقب من الإعادة و التكرير,
أحمد فارس الشدياق

10 commentaires:

christiane a dit…

Au-delà du plaisir, il y a la joie, comme une révélation de ce qui était caché, comme l'irisation du silence. Non pas ce qui guérit et apaise, mais ce qui mène au lieu secret hors du temps et de l'espace. Un renversement, un effacement des séparations du passé, du présent et du futur. Ce que Saint Augustin nommait extase, cette union des contraires comme un soleil douloureux. Une aventure immatérielle. Une absence dans une présence. Une vibration dans un silence. Une lumière qui transperce la nuit. Un rayonnement en nous, en l'autre. Fleur de lumière... noyau de feu, là, tout au fond de nous... Une délivrance... Un accomplissement.

Jalel El Gharbi a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
christiane a dit…

Je relis ce beau poème et je voyage dans la langue (grâce au commentaire effacé) où se sont installés les percepts du poème. Au-delà des corps c'est le verbe, la vie des mots, les images qu'ils génèrent. C'est une plongée dans la langue, un élan cosmique qui rebondit de sonorité en image. Une vision presque intemporelle du temps d'aimer illuminée par les images soustraites à la rêverie du poète. On entre dans l'abstraction, une virtualité étrange. Le plaisir devenant crible pour une matière d'écriture. Ainsi se répètent les images du temps écartelé dans ses miroirs. Enigme de la durée...
Est-ce mieux compris, ainsi, Jalel ?

Jalel El Gharbi a dit…

Comme je vous l'ai écrit hier, chère Chrisitiane, pour moi ce texte dit la primauté de l'image, de la représentation. C'est en cela qu'il m'a interpellé.
Amicalement

christiane a dit…

Bon, on arrive à se comprendre ! Eureka ! et bonne journée

giulio a dit…

Mais... c'est presque une scène de ménage. Ouf, tout est bien qui finit bien et je suis heureux qu'on n'ait pas vu voler les ver(re)s et que le commissaire giulio n'ait pas été obligé d'enquêter sur des cadavres exquis!
Bonnes fêtes chers amis!

Jalel El Gharbi a dit…

@ Giulio ; Superbe ton commentaire

christiane a dit…

Non, Giulio, plutôt une scène de méninges ! (sourire)
Dans la nuit immense de l'écriture les petits grillons chantent en même temps et écoutent la terre dans l'arbitraire de leurs rêves... Cela fait parfois un vrai tremblement de ...mots !

Baccouche Chiheb a dit…

Un texte délicieux.Il m'a emmené tout droit vers "Les jardins parfumés" de Cheikh Nefzaoui

Jalel El Gharbi a dit…

Oui, on peut trouver des correspondances dans l'érotologie arabe, mais je pense que Chidiac va encore plus loin surtout dans le raffinement de l'étude psychologique
merci de votre passage Si Chiheb