lundi 28 juin 2010

Poème


J'aurais pu en rester à l'alif
Au seuil de l'alphabet
Au seuil des chiffres
Parce que l'alif est le un
La droite ligne du matin
La taille élancée de l'amour
Que je n'ai pas encore étreint
La première lettre du Livre
Et du verbe lire à l'impératif
L'alif est dans toutes les lettres
J'aurais pu en rester au seuil
Trouver le pain dans une miette
J'aurais pu n'avoir qu'un amour d'alif
Parce que l'alif dit que toute lettre
Peut devenir alif, que tout peut devenir un
Il suffit que chaque lettre pense très fort
Au grand Amour pour devenir un alif
Alif alif alif

(Jalel El Gharbi, Prière du vieux maître soufi le lendemain de la fête. Editions du Cygne)

23 commentaires:

YasMenina a dit…

Magnifique louange du "Alif" ou le "a", "alpha", etc. soit l'initiale de la vie, que tout est un et que un c'est tout.

Jalel El Gharbi a dit…

Merci de votre commentaire YasMenina. J'ai découvert avec plaisir votre blog.
Bien à vous

Feuilly a dit…

"J'aurais pu en rester à l'alif
Au seuil de l'alphabet"

Il serait dommage, en amour, d'en rester à l'alif...

Mais il faut prendre son temps. Tout le devenir est dans l'alpha. Quant à l'oméga...

Jalel El Gharbi a dit…

@ Feuilly : peut-être qu'il s'agit de maintenir la saveur de l'alpha jusque dans l'oméga...

amel a dit…

Cher Jalel,
sans doute l'une des choses de la vie des plus complexes que de faire que se prolonge l'alpha dans l'oméga... "Travail" de chaque instant, vigilance sans répit, et peut-être une sorte de sur-conscience de ce qui nous entoure?
Le pain veille jusque dans les miettes.
Votre livre est une magnifique méditation.

Jalel El Gharbi a dit…

Merci chère Amel

YasMenina a dit…

@ Jalel El Ghrabi
Le plaisir de la découverte est partagé. Je viens de rejoindre les membres de votre blog.
Merci

Jalel El Gharbi a dit…

Soyez la bienvenue YasMenina.

Halagu a dit…

La taille élancée de l'amour
Que je n'ai pas encore étreint

Il y a dans ces vers une grâce et un charme irrésistibles. C’est l’expression d’une âme subtile.
...
Parce que l'alif dit que toute lettre
Peut devenir alif, que tout peut devenir un

Y a-t-il un maitre soufi derrière ces axiomes ?

Jalel El Gharbi a dit…

@ Halagu : Merci de votre commentaire. Ce qui m'interpelle le plus dans le soufisme, c'est la rhétorique qu'il illustre (mieux encore : qui le structure). Ce que j'ai tenté dans ce recueil, c'est une lecture de cette rhétorique (aujourd'hui on dirait Poétique, mais je préfère utiliser le mot rhétorique)
Encore une fois merci de votre commentaire

christiane a dit…

Comme j'avais aimé ce poème, Jalel.
Le seuil... Il faudrait toujours être sur le seuil de chaque instant, être tout neuf et entrer dans l'inconnu avec la force du naissant qui ne sait pas qu'il va être ébloui ou blessé. Qu'importe, il faut entrer comme l'Homme qui marche de Rodin. Un léger déséquilibre et tout le corps de porte vers l'éternité qui s'ouvre...

christiane a dit…

j'avais écrit ici un commentaire. J'ai du faire une fausse manoeuvre car il n'est jamais apparu ! je vous disais que lisant votre livre j'avais été très sensible à ce poème car "le seuil" est le plus bel espace où poser le pied. Entrer chez l'autre, trouver maison ouverte et sourire. Se mettre en danger aussi car c'est renoncer à la toute puissance de la solitude foetale, prendre le risque de la rencontre, de ce pas de deux au-dessus du vide, qui abolira la solitude mais pourra, une fois franchi ce seuil, se révéler source de souffrance et de bonheur mêlés... "La taille élancée de l'amour" peut devenir lame et blessure, orbe qui enferme, nid-cage ou ciel d'été...

Jalel El Gharbi a dit…

Chère Christiane,
Heureux de retrouver . Merci de votre commentaire.
S'il a tardé à apparaître c'est parce que j'ai dû activer la modération pour les billets de plus de cinq jours afin d'éviter les spams
Amicalement

giulio a dit…

@ Christiane: Le seuil, c'est la passante qui renonce à être passante, la passante que l'on refuse de voir passer, celle qui franchit le seuil, qui, comme la petitte sirène, renonce par amour à l'immortalité, celle dont Jalel écrit: «Rachid al-Hallaaq Abû Shâdi, / Le dernier conteur de Damas / Ne pouvait pas savoir que la passante avait pris mon âme»
.

christiane a dit…

cher Jalel, deux d'un coup ! eh bien c'est intéressant car je ne me souvenais plus de ce que j'avais écrit dans le premier et c'est... complémentaire ! A Plus tard. Désolée pour ces messages qui vous obligent à activer la modération mais je sais que vous avez été parfois blessé par l'arrivée de certains messages. Pourtant votre blog offre tant de beauté sereine...

christiane a dit…

ô c'est beau Giulio votre vision du seuil...

giulio a dit…

Chère Christiane, demain et après-demain "mon" journal publiera un double article, "Poésie pour tous, toujours et partout" dont la 2e. partie (vendredi) sera dédiée aux passantes.

Je ne vous y cite pas, mais je n'en ai pas moins pensé à vous en l'écrivant.

Les articles peuvent être lus en ligne à partir de 14 h ~ sur www.zlv.lu (cliquer sur Kultur dans la page principale

giulio a dit…

Chère Christiane, demain et après-demain "mon" journal publiera un double article, "Poésie pour tous, toujours et partout" dont la 2e. partie (vendredi) sera dédiée aux passantes.

Je ne vous y cite pas, mais je n'en ai pas moins pensé à vous en l'écrivant.
.

christiane a dit…

Merci, Giulio. Je lirai cela à mon retour car je pars quelques jours dans le silence de résine et de vent de la Grande Chartreuse. Et là bas pas d'ordinateur, ni de téléphone. Juste une beauté intacte et de grands oiseaux qui volent très haut...

gmc a dit…

"Ce qui m'interpelle le plus dans le soufisme, c'est la rhétorique qu'il illustre (mieux encore : qui le structure)."

à l'occasion, lisez "le soutra de l'entrée à Lanka" (trésors du bouddhisme, fayard, 2007), première traduction française d'un des grands textes fondateurs du bouddhisme, le Lankavatara, dont la plus ancienne version écrite connue remonte au Vème siècle.


après 350 pages durant lesquelles le bouddha explique à mahamati l'un de ses disciples "j'ai la meilleure doctrine, j'ai la meilleure doctrine, etc", cet ouvrage se termine somptueusement par:

"toutes choses sont libres du langage"

au revoir dialectique, rhétorique ou poétique ^^

Jalel El Gharbi a dit…

@ GMC : je lirai le titre que vous indiquez bien que je ne puisse souscrire à cette conclusion dadaïste
Amicalement

gmc a dit…

la conclusion parachève 350 pages d'argumentation dialectique, étayée à l'extrême, ce qui amplifie grandement son impact; c'est une phrase d'une concision, d'une justesse et d'une limpidité sans faille.

Samia Lamine. a dit…

ORIGINAL cet éloge et cette passion pour l'alif.
Originales sont tes images.
SAMIA.