Le Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek vient de publier cet article de notre ami Giulio-Enrico Pisani :
En quelques années à peine, Internet est devenu le thésaurus et l’encyclopédie universelle de presque tout le savoir du monde, mais aussi son fourre-tout et melting-pot. On y retrouve le meilleur et le pire. Plus que jamais la responsabilité individuelle et le savoir choisir, sélectionner, trier, la prudence et la clairvoyance de l’être humain sont sollicités, exigés même par ce gigantesque gisement de savoir, de spéculation, de science et d’inconscience, d’art et d’arnaques, de pensées et d’absurdités. Il faut déplacer des tonnes de boue et de pierraille pour découvrir l’utile et le précieux. De temps à autre, avec beaucoup de patience et l’emploi de mots-clefs adroitement choisis, voilà pourtant le fiat lux, la lumière qui brille, le diamant qui étincelle au milieu des alluvions terreuses !
C’est la surprise, la joie, l’Euréka. Mais il n’y a pas de joie véritable sans partage. Aussi, suis-je persuadé qu’aucun des galeristes dont je présente dans ces colonnes peintres ou sculpteurs, ni des éditeurs dont je conseille livres et auteurs, ne m’en voudra d’exceptionnellement quitter le matériel pour aller partager le virtuel. Attention, amis lecteurs, virtuel, le peintre poète Philippe Trouvé, l’est pour moi, pour vous et pour une blogosphère tentaculaire et tellement immense qu’un million de chattes auraient du mal y retrouver un seul de leurs petits. Mais il est loin d’être virtuel pour son fils Florent, blog master du site www.philippetrouvepeintrepoete.net/, le diamant dont je vous parlais plus haut.
Le plus étonnant est que l’extraordinaire parcours artistique et poétique de Philippe Trouvé ne lui ait pas valu une plus grande renommée. Né à Lisieux le 3 mars 1936 (le même jour que le poète André Laude), cet immense artiste de la parole et de la peinture mourut trop tôt à Caen le 2 août 2005. La chance, sans doute, ce plus fantasque des agents publicitaires, ne doit pas l’avoir eu trop à la bonne. De plus – modestie ou indifférence au succès ? – sa propre mise en valeur et le marketing ne devaient pas être ses points forts. Pourtant il a commencé à peindre tôt, fréquente, adolescent, les ateliers de Serge Poliakoff à Paris et de Nicolas de Staël à Antibes et rencontre au début des années soixante à Saint-Paul de Vence Marc Chagall, dont il dira qu’« il m’a appris à peindre le paysage qui habite mon âme ». Directeur de la maison des jeunes d’Epinal en 1963-64, Philippe Trouvé rencontre aussi le peintre et graveur André Jacquemin, qui viendra à son tour titiller son esprit boulimique de culture et de beauté et parfaire son savoir-faire.
Voilà de quoi composer tout un programme, mais ni prédéfini, ni jamais complété, car l’esprit de Philippe Trouvé est un paysage sans limites. Aussi, tout en s’enrichissant des recherches, combats, découvertes et horizons de ses prédécesseurs et confrères – quel authentique artiste ne peut-il en dire autant ? – notre peintre poète n’appartient à aucun courant. Ainsi qu’on peut le lire dans l’encyclopédie Wikipedia, « Toute sa vie, il aura exploré, cherché, expérimenté. Ses dernières oeuvres sont la symbiose de tous les courants picturaux qu’il a traversés, et rendent hommage, par petites touches savamment digérées, aux grands maîtres qui l’ont influencé ». (1)
La profusion de pensées, poésies, prose et tableaux que vous pourrez découvrir au cours de votre exploration du site est incroyable et je n’en suis pas encore arrivé à bout moi-même. Chronologie inversée : sa dernière plaquette ouvre le bal. Après quelques vues sur cubisme expressionniste « matissé » aux pages 1 à 5, l’artiste nous confie page 6, avec son « Nu rouge » sublimé, que «
Abstraire les détails ne signifie pas abstraction quand l’effort d’un corps peut se résumer à des membres à la chromie saillante. Le fond n’est plus un faire valoir mais la valeur pleine de couleurs en recouvrant d’autres. Relief des muscles. Tension des teintes ». Page 7 c’est « La joueuse de flûte » qui joue sa petite aria champêtre dans un impressionnisme aussi dense que poétique et charnel. Page 8 c’est « La tentation du froid », deux nus féminins qu’il faut « “décoder” si une seule teinte sait être toute une palette. Epurer le superflu pour ne garder que le souffle de vie : la lumière ».
Vous pourrez ensuite poursuivre votre visite d’un clic sur l’image à côté de « Galeries » qui vous ouvrira un monde enchanteur, où se succèdent en profusion des créations plus fascinantes et originales les unes que les autres. Il m’est bien sûr impossible de détailler ici toutes les merveilles de cet extraordinaire trésor. Un gros volume n’y suffirait pas. Aussi est-ce à vous de partir à sa découverte et de profiter de cette merveilleuse visite muséale virtuelle que vous offre Florent Trouvé, le fils de Philippe, sur l’oeuvre de son père. Une heure ou deux auront passé. Suivent les textes, en fait ses poésies, car ses proses ne le sont pas moins, poésie. Jugez-en donc vous-mêmes en lisant ces extraits de « La fleur du citronnier », où l’auteur nous mène dans « une rue à arcades à l’aube d’un jour d’été. En Italie bien sûr. La Piazza fut lavée dans le petit matin. La pierre en est humide encore (...) Exhalaison d’agrume dans le froissis des linges et les effluves des corps épars dans la Via. Senteur qui sourd des pores de ce qui est féminin dans cette ville si fraîche et si chaude à la fois. La peau même des visages en semble toute imprégnée,et les gorges dénudées pétries de son odeur. Est ce le Profumo di Donna dont parlait le capitaine aveugle en son film symbolique ?... »(2)
Autre chef-d’oeuvre : « La Traversée du parc Montsouris », où, loin du désir qu’elle suscite chez Baudelaire, « la passante » de Trouvé fait penser à celle de Ronsard et « dit » ce que chaque passante porte en elle : le temps. Saisons et générations s’enchaînent, se fondent et dansent de concert, comme les corps d’instruments d’un même orchestre. Le temps vit, frémit, fuit et engendre. Voyez donc : « Ce sera en Décembre un Dimanche de neige / Juste avant l’heure du thé / Vous marcherez pensive un peu lasse et rêveuse / Dans l’allée d’un grand parc / En songeant à ses vers que vous disiez alors / Quand savaient rire vos yeux et que moi j’en pleurais / Dans la fourrure noire enfouis sous votre col / Vos doigts se sont posés vous restez immobile / La belle enfant qui chante et retient votre bras / La brune adolescente qui danse dans vos pas / Qui pose ses bottines où vous placez vos bottes / Rêvant ailleurs ... Là où vous n’êtes pas / C’est votre fille n’est-ce pas ? » Deux à trois heures de plus pour ne rien rater et nous voici à cliquer sur l’Univers de Philippe Trouvé avec toutes sortes de ramifications géographiques, historiques, généalogiques, poétiques, picturales et animalières, que nous retrouverons sous « Les 3 jasmins ». Une constante : sa poésie et son imagerie tout empreintes d’un érotisme à la fois subtilement élégant et délicatement naturel. Quant à la rubrique « Liens et vie du site et du monde », le blog master y rue dans tous les sens comme un mustang sauvage. Toutes les découvertes y sont permises, les surprises programmées et l’extraordinaire derrière chaque coin, d’où l’artiste nous lance un clin d’oeil et : « Le Merveilleux : c’est le rare et l’impossible pétris dans la main de l’imaginaire ».
*** 1) Article détaillé sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Trouvé
2) Film de Dino Risi. Prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes pour Vittorio Gassman (le capitaine aveugle) 1975 et César du meilleur film étranger en 1976.
Giulio-Enrico Pisani
C’est la surprise, la joie, l’Euréka. Mais il n’y a pas de joie véritable sans partage. Aussi, suis-je persuadé qu’aucun des galeristes dont je présente dans ces colonnes peintres ou sculpteurs, ni des éditeurs dont je conseille livres et auteurs, ne m’en voudra d’exceptionnellement quitter le matériel pour aller partager le virtuel. Attention, amis lecteurs, virtuel, le peintre poète Philippe Trouvé, l’est pour moi, pour vous et pour une blogosphère tentaculaire et tellement immense qu’un million de chattes auraient du mal y retrouver un seul de leurs petits. Mais il est loin d’être virtuel pour son fils Florent, blog master du site www.philippetrouvepeintrepoete.net/, le diamant dont je vous parlais plus haut.
Le plus étonnant est que l’extraordinaire parcours artistique et poétique de Philippe Trouvé ne lui ait pas valu une plus grande renommée. Né à Lisieux le 3 mars 1936 (le même jour que le poète André Laude), cet immense artiste de la parole et de la peinture mourut trop tôt à Caen le 2 août 2005. La chance, sans doute, ce plus fantasque des agents publicitaires, ne doit pas l’avoir eu trop à la bonne. De plus – modestie ou indifférence au succès ? – sa propre mise en valeur et le marketing ne devaient pas être ses points forts. Pourtant il a commencé à peindre tôt, fréquente, adolescent, les ateliers de Serge Poliakoff à Paris et de Nicolas de Staël à Antibes et rencontre au début des années soixante à Saint-Paul de Vence Marc Chagall, dont il dira qu’« il m’a appris à peindre le paysage qui habite mon âme ». Directeur de la maison des jeunes d’Epinal en 1963-64, Philippe Trouvé rencontre aussi le peintre et graveur André Jacquemin, qui viendra à son tour titiller son esprit boulimique de culture et de beauté et parfaire son savoir-faire.
Voilà de quoi composer tout un programme, mais ni prédéfini, ni jamais complété, car l’esprit de Philippe Trouvé est un paysage sans limites. Aussi, tout en s’enrichissant des recherches, combats, découvertes et horizons de ses prédécesseurs et confrères – quel authentique artiste ne peut-il en dire autant ? – notre peintre poète n’appartient à aucun courant. Ainsi qu’on peut le lire dans l’encyclopédie Wikipedia, « Toute sa vie, il aura exploré, cherché, expérimenté. Ses dernières oeuvres sont la symbiose de tous les courants picturaux qu’il a traversés, et rendent hommage, par petites touches savamment digérées, aux grands maîtres qui l’ont influencé ». (1)
La profusion de pensées, poésies, prose et tableaux que vous pourrez découvrir au cours de votre exploration du site est incroyable et je n’en suis pas encore arrivé à bout moi-même. Chronologie inversée : sa dernière plaquette ouvre le bal. Après quelques vues sur cubisme expressionniste « matissé » aux pages 1 à 5, l’artiste nous confie page 6, avec son « Nu rouge » sublimé, que «
Abstraire les détails ne signifie pas abstraction quand l’effort d’un corps peut se résumer à des membres à la chromie saillante. Le fond n’est plus un faire valoir mais la valeur pleine de couleurs en recouvrant d’autres. Relief des muscles. Tension des teintes ». Page 7 c’est « La joueuse de flûte » qui joue sa petite aria champêtre dans un impressionnisme aussi dense que poétique et charnel. Page 8 c’est « La tentation du froid », deux nus féminins qu’il faut « “décoder” si une seule teinte sait être toute une palette. Epurer le superflu pour ne garder que le souffle de vie : la lumière ».
Vous pourrez ensuite poursuivre votre visite d’un clic sur l’image à côté de « Galeries » qui vous ouvrira un monde enchanteur, où se succèdent en profusion des créations plus fascinantes et originales les unes que les autres. Il m’est bien sûr impossible de détailler ici toutes les merveilles de cet extraordinaire trésor. Un gros volume n’y suffirait pas. Aussi est-ce à vous de partir à sa découverte et de profiter de cette merveilleuse visite muséale virtuelle que vous offre Florent Trouvé, le fils de Philippe, sur l’oeuvre de son père. Une heure ou deux auront passé. Suivent les textes, en fait ses poésies, car ses proses ne le sont pas moins, poésie. Jugez-en donc vous-mêmes en lisant ces extraits de « La fleur du citronnier », où l’auteur nous mène dans « une rue à arcades à l’aube d’un jour d’été. En Italie bien sûr. La Piazza fut lavée dans le petit matin. La pierre en est humide encore (...) Exhalaison d’agrume dans le froissis des linges et les effluves des corps épars dans la Via. Senteur qui sourd des pores de ce qui est féminin dans cette ville si fraîche et si chaude à la fois. La peau même des visages en semble toute imprégnée,et les gorges dénudées pétries de son odeur. Est ce le Profumo di Donna dont parlait le capitaine aveugle en son film symbolique ?... »(2)
Autre chef-d’oeuvre : « La Traversée du parc Montsouris », où, loin du désir qu’elle suscite chez Baudelaire, « la passante » de Trouvé fait penser à celle de Ronsard et « dit » ce que chaque passante porte en elle : le temps. Saisons et générations s’enchaînent, se fondent et dansent de concert, comme les corps d’instruments d’un même orchestre. Le temps vit, frémit, fuit et engendre. Voyez donc : « Ce sera en Décembre un Dimanche de neige / Juste avant l’heure du thé / Vous marcherez pensive un peu lasse et rêveuse / Dans l’allée d’un grand parc / En songeant à ses vers que vous disiez alors / Quand savaient rire vos yeux et que moi j’en pleurais / Dans la fourrure noire enfouis sous votre col / Vos doigts se sont posés vous restez immobile / La belle enfant qui chante et retient votre bras / La brune adolescente qui danse dans vos pas / Qui pose ses bottines où vous placez vos bottes / Rêvant ailleurs ... Là où vous n’êtes pas / C’est votre fille n’est-ce pas ? » Deux à trois heures de plus pour ne rien rater et nous voici à cliquer sur l’Univers de Philippe Trouvé avec toutes sortes de ramifications géographiques, historiques, généalogiques, poétiques, picturales et animalières, que nous retrouverons sous « Les 3 jasmins ». Une constante : sa poésie et son imagerie tout empreintes d’un érotisme à la fois subtilement élégant et délicatement naturel. Quant à la rubrique « Liens et vie du site et du monde », le blog master y rue dans tous les sens comme un mustang sauvage. Toutes les découvertes y sont permises, les surprises programmées et l’extraordinaire derrière chaque coin, d’où l’artiste nous lance un clin d’oeil et : « Le Merveilleux : c’est le rare et l’impossible pétris dans la main de l’imaginaire ».
*** 1) Article détaillé sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Trouvé
2) Film de Dino Risi. Prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes pour Vittorio Gassman (le capitaine aveugle) 1975 et César du meilleur film étranger en 1976.
Giulio-Enrico Pisani
2 commentaires:
Magnifique "trouvaille" pour moi que ce peintre poète, merci à vous Jalel et Giulio.
Merci à vous chère Hélène. C'est un plaisir de voir votre regard ici
Amitiés
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