Des femmes
Un verset coranique souvent cité dit, s’agissant des femmes : « grande est leur manigance » . « Manigance », « complot », « ruse ». Pourtant « grande est leur manigance » : les femmes complotent contre nous, elles rusent poétiquement. Elles rusent parce qu’elles sont aussi métaphores, comparaisons.
Elles rusent par leur parenté avec la pomme, la distance, le lever du jour, l’extase, les fraises, la stance, les roses, le thym, le miel, le nid, les fleurs, le sucre, le papillon, les vagues, la violette, le sapin, le lait, les dunes, la strophe, le saphir, la diérèse, la perdrix, la source, le château, la constance, le feu, le savoir, le pétale, le clair, le diamant, la sonate, la coupe, le potager, le jour, la perle, l’air, la pêche, les amphores, la galette, le réséda, la proximité, la feuille, la parole, la forêt, la libellule, la poésie, le lierre, la fourrure, la laine, le rouge, la cabane, l’étoile, le pommier, le riz, l’abricot, le rubis, la découverte, le silence, la brise, le coquillage, l’opale, l’obscur, l’algue, le cristal, la cigogne, l’amandier, la synérèse, la sirène, la cerise, l’ivresse, l’air, l’oasis, le verger, le violon, la chasse, la guitare, la statue grecque, le vertige, le jus d’orange, la jasmin, le lys, la montagne, le bijou, la forêt, l’inconstance, la douceur des fricatives, la friandise, l’émeraude, le soleil, la barque, le galet, la nuit, le sel, la lune, la lettrine, la fontaine, l’abricotier, le vin, la danse, le chant, la musique, la fraise, le bleu, la colline, le pigeon, le romarin, le violet, le pin, le poème, la partition, la neige, l’herbe, le sable, l’arc-en-ciel, la connaissance, la topaze, la pêche, l’escale, la lettre, l’améthyste, l’éclaircie, la beauté. « Grande est leur manigance ».
(Extrait de Prière du vieux maître soufi le lendemain de la fête. Editions du Cygne)
14 commentaires:
Un bel éloge, amoureux et odorant...
Comment ne pas plonger dans cet océan de comparants et s'en sentir saisi, enveloppé, choyé, repu, enchanté, emporté, ébloui, soulevé, enamouré... en fait, simplement, tout chose ?
@ La petite librairie des champs :
Merci, peut-être que c'est le tournis de la comparaison qui est odorant....
@ Giulio : il y a sans doute dans l'ivresse une infinité de métaphore. Peut-être que l'ivresse n'est rien d'autre.
l'entièreté du monde visible est féminin, jalel^^, y compris la torture, les sévices, la putréfaction et autres gourmandises du même style^^
@ gmc : monde tant visible qu'invisible organisé, formulé, mis en mots par des hommes.
Cher GMC : tous les mots que vous citez sont masculins en arabe.
Amitiés
ho mais sévice est un mot qui est masculin aussi en français (ce qui n'ôte rien au commentaire précédent, peu importe le genre grammatical en fait)
"Ô distance qui sépare les choses et les corps
la bouche de sa faim, la flamme du brasier
Ô désir du désir séparé
intrus sans nom
au creux des étreintes et des mots"
Cages , p. 7 -
Jalel El Gharbi , José Ensch : Glossaire d'une oeuvre
De l'amande au vin.
Et vous écrivez, page91 : " José Ensch met tout en oeuvre pour combler la distance qui, insidieuse, s'insinue même entre la chose et elle-même. Cette distance est à entendre comme une fêlure ontologique empêchant toute échappée vers la plénitude. A relire ce passage, on mesure combien il est centré sur le désir. Ce qu'il insinue, c'est l'existence d'un divorce entre nous et ce à quoi nous aspirons. Mieux encore c'est l'impossibilité de nos aspirations."
Je ressens cet écart entre ces beautés nommées dans votre poème et l'inconnue que reste la femme aimée ou désirée...
j'ai cherché, cher poète, ce que vous auriez pu omettre dans cette liste exhaustive des péchés de la femme, et j'ai pensé à l'oubli, à l'abondance, à la fertilité, au regard, à l'autre, au coeur, au foie, au sang, au blanc, au noir, au rire, à la joie, à la vie...
Mais au fait, vous avez dit "ruse", et ce que je nomme là est son côté innocent !
Votre lexique de la "ruse de la femme" est complet ou presque! car vous semblez oublier celui dont elle est parente légitime et pour lequel elle ruse: l'homme !
Mais ne l'insinuez-vous pas à travers le "sapin", le "vertige", le "sable", le "sel", le "jour" et tous les autres masculins auxquels vous l'assimilez?
Avant la pomme de la ruse, il y avait Adam, même si avant la pomme d'adam, il y avait Eve !
Merci cher poète pour ce très beau cadeau aux 122 parents d'où la femme tire sa manigance (j'allais dire sa magnificence), pour célébrer dans la joie et jusqu'en 2133, à raison d'une ruse par an, le 8 mars, et qui m'a inspiré ce petit jeu des plus belles erreurs de cette poésie.
les sept erreurs de "Femmes"
- L'air jumelé
- Cocktails de fruits sans canettes, ni boites, ni verres, ni bottles
- La galette au temps d'Adam
- La pomme avant le pommier
- L'algue sans la mer
- Le miel sans l'abeille et le dard présent partout
- La vie présente dans chacun des mots, sans l'assimiler à la ruse
@ Christiane : Heureux de vous retrouver chère Christiane et ému de relire ce passage que vous citez. Je n'ai plus relu ce texte écrit "contre" la mort.
Amicalement
@ Mahdia, oui chère amie. Ce texte a l'incomplétude du désir. Que de cases blanches !
Amicalement
Ou Grande est leur complexité...
Peur, incompréhension et désir mêlés, chers messieurs, face à toutes nos circonvolutions intérieures ?...
@ Sophie :.... et considération, chère Madame.
Bien réciproque, cher monsieur.
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