mardi 24 avril 2012

25 avril. Eduardo Galhos


25 AVRIL
Eduardo GALHÓS

Venu de la rase campagne
du sud de mon pays
dans nos sens affligés
estropiés d’amour
de feu de liberté
il y avait comme le parfum
d’une révolution imminente
depuis une éternité
et qu’on attendait
et qu’on attendait.

Ce parfum si exaltant
né dans un matin d’avril
s’accompagnait d’une chanson
chantée par des voix rauques
comme seuls savent chanter
ceux qui sont nés là-bas
et qui chantent si bien encore
après toutes ces années
elle faisait peur au péril
cette chanson nonchalante
se traînant doucement
en harmonies fatiguées
et qui montait
et qui montait.


« Grandôla, villa morena
terra da fraternidade.
O povo é quem mais ordena
dentro de ti, ó cidade. »

Ce parfum de liberté
a surexcité les rues
les places les avenues
les quartiers mal famés
de la cité jusqu’au château
il a pris tout et tous d’assaut
des hommes au cœur de lion
qui pour la première fois
ce sont pris dans les bras
s’embrassaient comme des enfants
les visages pleins de larmes
interdites auparavant
et ça pleurait
et ça pleurait
tout en riant
sur les terrasses des cafés
les femmes étaient disposées
dans des poses étudiées
cigarettes entre leurs doigts
elles riaient aux éclats
devant le rouge des œillets
au bout des fusils dressés
par des joies érectiles
seuls les vieux sages figés
regardaient au lointain
ouvrant grand leurs yeux bleus
pour regarder plus haut les cieux
qui les avaient oubliés
non loin un très vieux homme
posté devant la mer et fragile
arborait un sourire léger
qu’éclairait son profil
et tout bas
et tout bas
doucement il murmurait
« Le père de mon grand-père
avait raison quand il affirmait
il n’y a pas meilleur parfum
que celui de la liberté ».
Une vieille à son côté pleurait
son fils mort à la guerre
discrète tout en pudeur
comme elles font les mères
des pays qui ont souffert.



Moi quand je mourrai
je veux qu’on me couvre d’œillets
rouges je les veux comme le sang
couleur que j’aime tant
et quand en terre on me mènera
qu’on m’entonne cette chanson
avec les mêmes voix rauques
restées dans mes oreilles
tel un rare reliquat.


« Grandôla vila morena
terra da fraternidade.
O povo é quem mais ordena
dentro de ti, ó cidade. »

« Dentro de ti, ó cidade
o povo é quem mais ordena.
Terra da fraternidade
Grandôla, vila morena. »


Je veux dans cet apparat
tout parfumé d’avril
passer par le royaume des cieux
car je ne veux pas y rester
non je n’en veux pas
juste le temps pour Lui dire
s’Il n’est pas très occupé
les souffrances des pays
les guerres à arrêter
les murs à détruire
et que seul l’amour jubile.


Sûr je vous le jure
tout rouge et parfumé d’avril
je ne ferai que passer
Je ne ferai que passer.


7 commentaires:

Djawhar a dit…

25 Avril, ce sera demain. En attendant, je pleure le désarroi de toutes les poésies du monde et espère que demain ce poème m’illuminera sur toute sa signification à venir.
La poésie ne sert pas que les révolutions, elle sert aussi et plus comme baume pour les cœurs en détresse. Mais la détresse peut aussi provenir du manque de liberté et la révolution devient dans ce cas le seul baume pour apaiser ce manque plus grave que celui de l’amour en fait !

Djawhar a dit…

"Moi quand je mourrai
je veux qu’on me couvre" du drapeau tunisien
"rouge je le veux comme le sang
couleur que j’aime tant
et quand en terre on me mènera
qu’on m’entonne cette chanson"
حماة الحمى يا حماة الحمى هلموا هلموا لمجد الزمــن
لقد صرخت في عروقنا الدما نموت نموت ويحيا الوطن

Djawhar a dit…

"Moi quand je mourrai
je veux qu’on me couvre" du drapeau tunisien
"rouge je le veux comme le sang
couleur que j’aime tant
et quand en terre on me mènera
qu’on m’entonne cette chanson"
حماة الحمى يا حماة الحمى هلموا هلموا لمجد الزمــن
لقد صرخت في عروقنا الدما نموت نموت ويحيا الوطن

giulio a dit…

@ Dahvar : la poésie n'a hélas jamais fait les révolutions, mais elle les a parfois espérées, d'autres fois acompagnées, quelques fois évoquées, comme dans ce splendide poème d'Eduardo, mais aussi trop souvent pleurées.

Aucun des plus grands poètes du 20ème siècle, ni Lorca, ni Hikmet, ni Neruda, ni Darwich n'a pu se féliciter de celle qu'il a chantée.

@ Jalel : Complimente s.t.pl. ton ami Eduardo de ma part. Son poème est splendide et l'un des rares chants postrévolutionnnaires à laisser le sourire au lèvres plutôt que la larme à l'oeil come ceux Federico, dont le refrain
"¡Oh ciudad de los gitanos!
En las esquinas, banderas.
La luna y la calabaza
con las guindas se conserva.
¡Oh ciudad de los gitanos!
Ciudad de dolor y almizcle,
con las torres de canela." me rappelle de loin le sien.

Et puisque l'on put voir l'oeillet fleurir,
pourquoi le jasmin serait-il en reste ?

Djawhar a dit…

La Révolution tranquille, manne divine, combien elle nous manque dans nos pays arabes ! Se lever un jour, comme ce 25 Avril 1974 au Portugal, et se retrouver LIBRE !
Pourquoi chez nous le sang a coulé et coule encore à flots pour libérer le mot ?
Ils nous poursuivront toujours ces morts qui sont partis trempés dans leurs mots rouges, égouttés horriblement, dans les rues de leurs villes scellées, de leur sang précieux. Ils reviendront un jour pour emporter la terre sur laquelle a séché misérablement leur sang et nous laisseront à découvert.

Jalel El Gharbi a dit…

@ Giulio, je n'y manquerai pas cher Giulio.
Je continue à croire à des lendemains meilleurs. J'en suis fermement convaincu.
@ Djawhar, nous nous en sortirons. Une consolation : le sang n'a pas coulé en Tunisie et il ne coulera pas.

giulio a dit…

La révolution des oeillets, mes amis, fut la première révolution populaire de l'histoire européenne, où le sang ne coula pratiquement pas. D'autres suivirent.

Espérons que celle du jasmin constitue le même type de flambeau pour l'Afrique et le Proche Orient.