Chawki (1868_1932) y célèbre un amour de Zahlé au Liban où il venait passer l’été et où il rencontrait les poètes du Liban, surtout Khalil Motran (1872-1949). Voici une traduction de ce poème qui fait partie du répertoire de la grande chanson arabe.
Riveraine de la rivière
Ahmed Chawki
Emu, ô riveraine de la rivière, j’ai revu à ton souvenir comme des rêves
Je me suis représenté ton amour dans ma mémoire et dans mon songe car les souvenirs sont l’écho volubile des années
Je suis passé par les jardins de la colline verdoyante où j’avais l’habitude de te voir
Des visages et des regards m’ont souri j’ai alors retrouvé dans leur souffle ton sourire
Je ne savais ce qu’était la vraie étreinte jusqu’au jour où, tendrement, mon bras t’a enlacée
Les formes de ton corps ondoyèrent sous ma main et tes joues s’en enflammèrent
Je suis alors entré dans deux nuits : ta chevelure et le soir qui descendait et j’ai embrassé comme un clair matin ta bouche
Les paroles se sont tues et mes yeux se sont dans le langage de l’amour adressés aux tiens
Ni la veille ni le lendemain ne faisaient plus partie du temps qui n’était plus tout entier que l’instant de ta confiance.
Traduction de Jalel El Gharbi
8 commentaires:
Sublime !
Quand trois grands maîtres de la sublimation du verbe, un poète unique, un chanteur unique et un traducteur unique raisonnent affectueusement un temps, le plus absolu des temps humains, celui du rappel d’un amour impérissable.
Trouvez ici une marque de ma reconnaissance envers vous pour ce chant et votre traduction. Pour bien d'autres raisons également.
Bien à vous,
H.S.
Qu'ajouter à ces vers sublimes - no comment - sinon, peut-être, ce clin d'oeil de l'immortel Mahmoud Darwich :
"... L'amour, c'est ce que j'ajoute encore à cette offrande de l'esprit. L'amour, c'est que je n'entende plus, de toi, que gémissements..."
Alexandra Schreyer a dit...
Sublime poème ou sublime traduction esquissée par le poète Jalel El Gharbi ?
L’instant de ta confiance ! Le seul vrai instant, puisque de ta confiance!
Ce dernier vers est absolu puisqu’il fait épargner à l’usure du temps le seul temps nécessaire à durer en dehors de la coulée monotone de la vie, celui où l’amour est consacré comme l’unique suspension, merveilleusement totale , dans une confiance qui lui procure cette intégralité.
Ce qui m’émeut dans la traduction de notre ami Jalel, c’est la liberté confiante qu’il donne aux mots qu’il traduit. C’est de cette liberté du traducteur que seul un grand maître possède, que le poème de Chawki nous parvient excellent ici. L’écrit n’est pas la seule consécration de son écrivain, il est aussi ce qu’en fait son interprète. Et, au Maghreb et au Moyen Orient, rares sont les traducteurs excellents de la trempe de Monsieur Jalel El Gharbi.
@ Djawhar, ces compliments ne sont que la preuve de votre généreuse bonté, merci.
@ Hervé Suchet : merci de votre proximité
@ Alexandra : heureux de vous retrouver ici.
@ Giulio : Chawki -celui de ce poème- et Dawich -celui de tous les poèmes- : nous restons dans le registre de la grande poésie.
Jalel, merci de me faire redécouvrir cette œuvre magnifique. J'ai découvert cette chanson, grâce à mes parents grands amateurs de Abdelwahab, à l'âge où la sexualité n'est qu'une curiosité ( Freud l'appelle la période de la sexualité prégénitale). Je savourais la beauté du texte et je me laissais glisser dans des domaines qui me semblaient jusqu'ici inconnus ou simplement refusés. Je trouvai paradoxal la coexistence d'une curiosité sexuelle enfantine soumise à des interdits multiples -et même réprouvée par la morale- et une poésie qui suggère, sublime les désirs et autorise les fantasmes. Et c'est cette poésie que l'on découvre sans barrières en famille. Je crois que la beauté du texte (alliée parfois à la beauté de l'interprétation) voile le sens ''douteux'' des mots et des images et abroge provisoirement les interdits.
Dans le merveilleux passage qui décrit l'étreinte ( Je ne savais ce qu’était la vraie étreinte jusqu’au jour où, tendrement, mon bras t’a enlacée), j'avais compris, à l'époque, le verbe ''enlacer'' dans le sens du verbe de la langue tunisienne (...fa tawaki, disait-il)''ployer'' (ou plier) et le trouble suggéré était à son comble. L'image de la femme qui, dans une étreinte amoureuse, se pâme et plie, annonce probablement une scène érotique... Votre traduction est juste et la scène devient plus réaliste, plus tendre.
''On se sent, à ces vers, jusques au fond de l'âme/ Couler je ne sais quoi qui fait que l'on se pâme'' , écrit Molière.
Halagu, ce voile sur le désir dévoilé est fascinant. Il me semble que ce poème n'évoque pas une étreinte mais l'Etreinte
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