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- Bruxelles, 6 juillet 1875.
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Je viens voir Rubens et Rembrandt chez eux, et pareillement l’école hollandaise dans son cadre, toujours le même, de vie agricole, maritime, de dunes, de pâturages, de grands nuages, de minces horizons. Il y a là deux arts distincts, très complets, très indépendants l’un de l’autre, très brillants, qui demanderaient à être étudiés à la fois par un historien, par un penseur et par un peintre. De ces trois hommes, qu’il faudrait pour bien faire réunir en un seul, je n’ai rien de commun avec les deux premiers ; quant au peintre, on cesse d’en être un, pour peu qu’on ait le sentiment des distances, en approchant le plus ignoré parmi les maîtres de ces pays privilégiés.
Je vais traverser des musées, et je n’en ferai pas la revue. Je m’arrêterai devant certains hommes ; je ne raconterai pas leur vie et ne cataloguerai pas leurs œuvres, même celles que leurs compatriotes ont conservées. Je définirai, tout juste comme je les entends, autant que je puis les saisir, quelques côtés physionomiques de leur génie ou de leur talent. Je n’aborderai point de trop grosses questions; j’éviterai les profondeurs, les trous noirs. L’art de peindre n’est que l’art d’exprimer l’invisible par le visible; petites ou grandes, ses voies sont semées de problèmes qu’il est permis de sonder pour soi comme des vérités, mais qu’il est bon de laisser dans leur nuit comme des mystères. Je dirai seulement, devant quelques tableaux, les surprises, les plaisirs, les étonnements, et non moins précisément les dépits qu’ils m’auront causés. En cela, je ne ferai que traduire avec sincérité les sensations sans conséquence d’un pur dilettante.
Il n’y aura, je vous en avertis, ni méthode aucune, ni marche suivie dans ces études. Vous y trouverez beaucoup de lacunes, des préférences et des omissions, sans que ce manque d’équilibre préjuge rien de l’importance ou de la valeur des œuvres dont je n’aurais pas parlé. Je me souviendrai quelquefois du Louvre et ne craindrai pas de vous y ramener, afin que les exemples soient plus près de vous et les vérifications plus faciles. Il est possible que certaines de mes opinions jurent avec les opinions reçues; je ne cherche pas, mais je ne fuirai point les révisions d’idées qui naîtraient de ces désaccords...
4 commentaires:
Émouvant dans sa sempervirence que ce texte, cher Jalel ! Et dire que, l'heure s'y prêtant, tu eus pu l'écrire. Il eût pu être de toi, simplement en inversant l'ordre de citation du penseur et du peintre.
Oui, Giulio : troublant... Une couverture de livre fanée, une date... et voilà que Jalel se glisse dans une autre voix...
Et voici encore comment Fromentin, perdu dans ce "Pays de la soif" qu’il prend pour un paradis, rend compte de son dévouement à l’art et à la perfection de ses maîtres et manifeste sa gratitude envers ce pays qui lui a permis d’exprimer par le pinceau et par la plume son exaltation devant le beau:
"Cette tache lointaine d’alfa s’aperçoit à peine dans l’ensemble de ce paysage que je ne sais comment peindre, mais dont il faudrait faire un tableau clair, somnolent, flétri. Chose admirable et accablante, la nature détaille et résume à la fois. Nous, nous ne pouvons tout au plus que résumer, heureux quand nous savons le faire ! Les petits esprits préfèrent le détail. Les maîtres seuls sont d’intelligence avec la nature ; ils l’ont tant observée, qu’à leur tour, ils la font comprendre. Ils ont appris d’elle ce secret de complicité, qui est la clef de tant de mystères. Elle leur a fait voir que le but est d’exprimer, et pour y arriver, les moyens les plus simples sont les meilleurs. Elle leur a dit que l’idée est légère et peu vêtue. Ne t’étonne plus de tout cela. Depuis ce matin, je suis à genoux devant les maîtres, et je crois être tous les jours un peu moins indigne de parler d’eux. Leur souvenir m’accompagne dans ma route. Leurs leçons se sont fait entendre aujourd’hui plus clairement que jamais ; et c’est à Djelfa, sous ma tente, au milieu de Ouled-Nayl, et pendant que je regardais passer sur ces fonds d’une candeur historique de majestueux personnages drapés de noir et de blanc. Devais-je donc venir si loin du Louvre chercher cette importante exhortation de voir les choses par le coté simple, pour en obtenir la forme vraie et grande ?"( Un Eté dans le Sahara)
Qui ne sait pas être reconnaissant, ne sait pas grandir, ne peut pas s’anoblir, ne deviendra jamais maître.
Excellent cet ouvrage sur l'Algérie, sur l'art et ses limites. Merci de le rappeler Djawhar
Amitiés
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