Pour moi, l'Uruguay n'était pas plus que le pays natal de Lautréamont, de Jules Laforgue et de Jules Supervielle. Désormais, grâce à ce texte de notre ami Boubaker Ben Fraj, il est avant tout le pays du président José Mujika, qui est aussi un grand lecteur.
Le Président le plus pauvre du monde !
Par Boubaker
Ben Fraj
« Je ne vis pas dans la pauvreté, je vis dans
l’austérité, dans le renoncement. J’ai besoin de peu pour vivre, pourquoi en suis-je
arrivé à ces conclusions ? Parce que, j’ai été quatorze ans en prison et
j’en ai passé près de dix, au cours desquels, si j’avais un matelas, j’étais
content ».
Ces paroles de José Mujica, actuel président de la république
de l’Uruguay, rapportées par l’AFP, n’ont pas manqué d’interpeller ma curiosité.
J’ai voulu en savoir plus long, d’abord sur l’homme politique qui a tenu ces
propos hors du commun,mais aussi,pour en connaître plus,du pays qui l’a choisi président
depuis 2010, alors qu'il avait l’âge de 75 ans : petit pays d’Amérique Latine,
discret et lointain, dont on n’entend habituellement parler qu’à travers sa respectable
équipe de football, le temps des championnats du monde,pendant lesquels elle se
mesure sans complex eaux grandes nations.
Et voici ce que j’ai appris :
Bien avant d’accéder à
la magistrature suprême dans son pays, José Mujica, avait été guérillero, au
milieu des années 70 du siècle dernier, au sein des
« Tupamaros » : groupe révolutionnaire qui avait mené à l’époque,
une longue guérilla urbaine contre la dictature qui tenait d’une main de fer ce
petit pays. Arrêté, il s’en était sorti avec six balles dans le corps, et quatorze
années de prison dans les geôles du régime impitoyable, dont une dizaine au cachot dans
un isolement total.
Une fois en liberté,
et sans réclamer ni recevoir un quelconque dédommagement en contrepartie de ses
lourds sacrifices, José Mujicase consacre à la construction de la démocratie
dans son pays, et arrive au terme d’un long parcours de militant à la tête
d’une coalition de gauche qu'il a fondée, à gagner le respect et la confiance
de ses concitoyens. Une confiance qui le hisse à la magistrature suprême, sans
rien changer de son naturel ni de ses choix existentiels inébranlables :
ceux de demeurer l’homme humble, égal à lui-même,complètement sourd aux sirènes
de la fortune, du luxe et du faste,auxquels il est rare de voir des gens du pouvoir
longtemps résister.
À la différence de notre pays, le président de la république dispose
en Uruguay, de très larges pouvoirs ; c’est lui qui dirige l’Etat et le
gouvernement,soumet les lois, commande aux armées et décide de la politique
intérieure et extérieure. Qu'à cela ne tienne ! L’irréductible José Mujica
continue à loger dans une maisonnette presque «délabrée », à l’intérieur de
la modeste ferme de sa femme, héritage familial. Au terme de chaque journée
de travail, le président, plus que septuagénaire, tourne le dos au palais de
Montevideo, reprend place dans son ancienne Chevrolet Corsa, et parcourt un
chemin de terre, avant de rejoindre son domicile et retrouver tout en tendresse les
soins de la femme qui a partagé avec lui les moments les plus durs de sa vie, les
caresses de son chien, le confort de son divan déteint….. et le plaisir infini
de ses livres.
Le président de
l’Uraguay a droit à un traitement mensuel équivalent à 18000 de nos dinars, il
n’en laisse pour lui-même que 1400 ; le reste, soit plus des neuf
dixièmes, il l’alloue au profit de programmes de logements sociaux pour les plus
pauvres de ses concitoyens.
José Mujika n’accepte pas d’être qualifié d’original, il se
déclare un président « normal » tout court ; il n’admet pas non
plus d’être catalogué président le plus pauvre,car d’après lui «les
vrais pauvres ne sont pas les gens qui ont peu, mais ceux qui veulent toujours
posséder plus ».
Après avoir appris ce
que j’ai appris sur ce président,je l’ai senti -en dépit de l’énorme écart
géographique qui sépare son pays du mien, en dépit de nos différences de
culture, de langue, de religion et de conditions de vie -humainement très
proche, extrêmement proche même. Je l’ai même senti moralement beaucoup plus
proche des valeurs de la révolution que vit mon pays, que beaucoup de nos
politiciens qui semblent plus enclins à en profiter sans scrupules,en s’octroyant
des rémunérations et d’autres avantages invraisemblablement « révolutionnaires ».
Nos politiciens, qui sont censés dans cette période de vaches maigres, donner
l’exemple, en partageant solidairement,un tant soit peu, les conditions
économiques difficiles de leur pays,et du peuple qui leur a accordé sa confiance.
5 commentaires:
Oui, vive le Président de l’Uruguay , Monsieur José Mujika !
Il est termps que nos gouverneurs sortent de leur torpeur et lèvent le visage pour se regarder avec honte dans la glace des hommes qui enseignent au monde l’art d’être GRAND.
Une fois encore , il n’est pas donné à tous ceux qui gouvernent de posséder l’intelligence qu’il faut pour bien servir leurs peuples et encore moins de se donner avec grâce , comme le fait ce respectueux Président, à la construction talentueuse du respect de soi, car comme disait avec justesse Albert Camus : "Se donner n'a de sens que si l'on se possède. "
Puissent tous les dirigeants du monde le prendre pour modèle!
On reste sans voix devant le comportement de cet homme. Si quelques dirigeants, seulement, pouvaient lui resembler,le monde se porterait bien mieux.
le plus difficile n est pas de combattre la dictature,c est de rester fidele a ses convictions quand on est au pouvoir.Si on perd ca de vue on devient un tartour
Cet homme est d'autant plus admirable, quand on pense, combien de politiciens et de syndicalistes d'origine plus que modeste, pugnaces lutteurs pour les droits des travailleurs pauvres et des déshérités, se laissent, en cas de succès, aveugler par par le pouvoir et le bling-bling et récupérer par le système. Pauvre histoire des hommes, qui élève les Napoléons au pinacle et qui ignore la véritable grandeur !
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