mercredi 28 août 2013

Poème d'Evelyne Boix-Moles

Georges de La Tour.


À Rafael Andia

Dans la nudité du miroir,

la désolation  – incrédule –,
ne put soutenir la vue
du visage sans regard…

(Pupilles ou massacre,
naufrage du paysage avec maison).

*
C’est pourquoi,
dans la nudité du miroir,
brille la flamme.

*

Les doigts, certes,
ne peuvent tendre seulement
la lumière.

Mais la lumière accroît
la nudité du regard.




6 commentaires:

giulio a dit…

Parfaitement harmonieux, cher Jalel, mais difficile à comprendre, voire complètement hermétique. Certes, la "vanité" de La Tour fournit un indice,
mais n'explique pas vraiment et surtout le verbe "tendre" qu'Evelyne emploie intransitivement lorsque me première impulsion était de lire "tendre ... vers la lumière".

Je pense qu'un commentaire elgharbien ne serait pas de trop.

Jalel El Gharbi a dit…

Cher Giulio,
Commençons par ce verbe "tendre", pourquoi ne pas l'entendre dans le sens de "présenter" auquel cas, "la lumière" serait son complément d'objet. Ce qui contraste avec la strophe précédente où "flamme" (qui appartient au même registre) est sujet.
Je lis ce poème comme hésitation entre l'euphorie de la lumière et la dysphorie de la flamme que je décline - pour aller vite- en opposition-accointance entre vivre et s'éteindre - pour rester dans le même paradigme.
Voir, c'est se voir s'éteindre suggère la dernière strophe. Memento mori insinue le poème. D'où le choix de la vanité comme illustration.
Amitiés

Evel a dit…

« T e n d r e », employé en tant que verbe transitif a au moins deux sens. Ces deux sens , perceptibles dans, par exemple, « tendre un fruit » ou « tendre une corde», peuvent rendre obscure la signification de la métaphore ici utilisée ; par voie de conséquence, la lisibilité de l’ensemble se trouve amoindrie.
Je crois pouvoir faire « bouger » le texte vers plus de clarté. Et ce sera grâce à votre réaction dont je vous remercie, chers Giulio et Jalel. Bonne continuation !

giulio a dit…

La clarté, Chère Ével, la lisibilité, la compréhension au premier degré ne sont ni l'apanage, ni le sine qua non de la poésie. À chaque poète son expression. Certes, personnellement je préfère la "poésie pour tous", déjà riche et généreuse au premier degré, mais de nombreux poètes - et non des moindres - aiment faire des cachotteries, restent hermétiques, cultivent la symbolique et l'allégorie parfois lointaine, ou réduisent leur pensée et jusqu'à leurs sentiments à leur absence, voire tendent, un peu comme notre ami Laurent Fels, vers le silence, l'absence de mots qui ne sont le plus souvent que sous-entendus. Après tout, comme "Chagrin d'amour", "chacun fait, fait, fait, c'qui lui plait, plait, plait".

Quant à transitivité de "tendre", bien sûr qu'on peut tendre la lumière (en tout cas poétiquement), tout comme on peut tendre (prosaïquement) du feu ou la lampe. C'est de ma faute, c'est ma lecture simpliste et préconçue qui m'a aiguillé dans la fausse direction, donc "vers la lumière". Aussi, c'est bien parce que je connais mon impulsosuperficialité (néologisme qui m'est propre), que j'ai demandé des précisions à l'acribique et perspicace Jalel.

question accessoire : sous-entendez-vous un rapport entre massacre et mascara ?

Mais vous n'avez aucun besoin de modifier ce joli poème que je poursuis in petto (ne le dites à personne) en paraphrasant la "Chanson désespérée" de Neruda :
"Tout a été englouti, comme le fait le lointain.
Comme la mer, comme le temps, comme tout finit en naufrage !

Jalel El Gharbi a dit…

Evelyne, Il n'y a pas de malentendus en poésie. Cela s'appelle plutôt polysémie. Or, cette polysémie est une raison valable pour que vous ne changiez rien à ce poème. Tout à fait d'accord avec Giulio sur ce point

giulio a dit…

Evelyne, grâce à Jalel, je pense avoir trouvé un bon mot "Il n'y a pas de malentendus en poésie, seul des malentendants".