Le
soir, nous parlerons de silence :
il
faut se couler au bas des marches
et
regarder les jarres dormir,
il
faut humer des yeux ces vieux murs
–
poussières d’insectes, de mortier,
cendres
de spores, d’araignes –,
débusquer
la lumière jamais traduite,
la
beauté sans cri.
Sommes-nous
pas la nouvelle rive,
la
crête la plus profonde,
la
descente à plus tard et son chemin d’ombre ?
Atteindre
au plus loin de l’or
l’île
de ténèbre,
encourir
l’enfouissement de l’éclair,
sa
partie basse d’ocre et d’oubli,
de
reproche, de mystère :
le
soir sait lire ces lettres de silence,
calciner
leurs grappes.
Le
soir nous instruit,
nous
dévaste de son calme.
7 commentaires:
Très beau poème, cher Jalel : fin, sensible, mélancolique, élégant !
Il heurte cependant mon orthodoxie en
"Sommes-nous pas la nouvelle rive,
la crête la plus profonde,
la descente à plus tard et son chemin d’ombre ?"
Pourquoi omet-il le "ne" avant "Sommes-nous" ?
Cher Giulio,
Oui, c'est un poème de haute teneur poétique. Concernant l'absence de la particule "ne" : il est fréquent (et c'est même une marque de style soutenu) que le deuxième élément de l'adverbe de négation (ne pas, ne point) soit frappé d'apocope. La négation se réduit alors à l'emploi du "ne".
Par contre, l'ellipse du "ne" est plutôt caractéristique de la langue orale (comme toutes les aphérèses). Tu as raison, cher Giulio, cela détonne ici.
Espérons que notre ami Paul Farellier nous fera l'amitié de répondre.
Amitiés
Voici la réponse du poète Paul Farellier
Me voici comblé: tout d’abord par votre appréciation personnelle et par l’insertion de mon texte sur votre excellent blog; ensuite par ce commentaire très positif de Monsieur G.-E. Pisani, que je salue, et qui me donne l’occasion d’expliquer, et j’espère de justifier, la particularité de la tournure “Sommes-nous pas...”.
Je concède que cette construction est teintée d’archaïsme: elle est fréquente au 17ème siècle, comme on peut le voir par exemple chez La Fontaine où la Tortue interpelle ainsi le Lièvre: “Eh bien! lui cria-t-elle, avais-je pas raison?”
Par ailleurs, mon poème est en son entier volontairement constitué de vers impairs. Pour garder à ce vers ses neuf pieds, l’omission de “ne” s’imposait. Ou alors il eût fallu écrire “Ne sommes-nous la nouvelle rive...”, mais j’ai reculé devant la mauvaise musicalité de “nous la nou”.
Pardonnez ce trop long plaidoyer et recevez tous mes remerciements, avec mes bien cordiaux sentiments.
Paul Farellier
Je pense que le problème vient de ce que cet ellipse du "ne" n'est pas ressentie comme archaïsme mais plutôt comme signe d'oralité.
Oui, voilà, on le perçoit comme un signe d'oralité car rien dans les vers qui précèdent ne nous guide vers la littérature classique. Mais bon, on ne va pas bouder notre plaisir pour autant, car c'est un poème magnifique.
Oui Feuilly vous avez raison
J'aimerais être dévasté par le calme de ce soir-là et être jarre qui dort, poussière d'insecte qui s'endort dans la nuit...
Où trouver mon ombre dans cette île de ténèbres ?
Entre les mots que dénude l'Obscur
lorsque la pénombre les prononce.
Texte superbe de Paul Farrelier que je ne connaissais pas (un de plus-)
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